Coopérer ou comment résister aux simplifications actuelles

Publiée le 7 mai 2025 à 10h00 - par

À l'heure de la défiance, choisir la coopération, c'est refuser la tentation du repli sur soi et de la fragmentation. C'est faire le pari que, malgré les incertitudes, l'action collective peut encore générer du sens, du mouvement et de l'espérance. Coopérer, c'est finalement résister à la simplification du monde en croyant, obstinément, en la richesse de sa complexité.
Coopérer ou comment résister aux simplifications actuelles
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Dans un monde traversé par l’urgence écologique, les crises sociales et la défiance envers les institutions, la coopération est plus que jamais une nécessité. Entre services d’une collectivité, entre élus et agents, avec les habitants, avec les acteurs socio-économiques, et entre territoires, elle constitue une réponse concrète aux défis de notre temps.
Pourtant, coopérer ne va jamais de soi. Cela exige un engagement sincère, une capacité à naviguer dans la complexité, loin des logiques binaires qui tendent aujourd’hui à simplifier à l’excès notre rapport au réel, notamment à l’heure du tout numérique et de l’accélération des échanges.

Coopérer n’est pas mutualiser

Trop souvent, la coopération est confondue avec la mutualisation, perçue comme une simple optimisation de moyens ou une rationalisation budgétaire. Mais la coopération véritable ne s’arrête pas à une gestion efficace : elle suppose un projet partagé, une reconnaissance des singularités, une volonté d’avancer ensemble sans nier les désaccords. Elle repose sur une dynamique vivante, faite d’interdépendances assumées et de co-responsabilités choisies.
Ainsi, la coopération peut parfois être plus fluide et plus agile sur un projet concret – mobilité, culture, transition énergétique – entre deux villes ou territoires distincts, que dans le cadre plus contraint d’une mutualisation à l’échelle d’un EPCI.
La coopération, lorsqu’elle est réelle, engage une forme de liberté : celle d’adhérer à un projet commun sans se fondre dans une identité uniforme.

L’engagement, un choix de tous les jours

Dans cette dynamique, l’engagement individuel et collectif est fondamental. Celui des élus, qui doivent porter des visions ouvertes, animer des dialogues exigeants, et faire vivre le débat démocratique au-delà des postures médiatiques. Celui des agents, qui s’impliquent avec ténacité dans des processus souvent longs et incertains, où la réussite est moins immédiate, mais plus durable. Celui des partenaires – associations, acteurs économiques, institutions – qui choisissent de dépasser leurs intérêts propres pour construire des alliances souvent fragiles mais précieuses.
Sur les grandes questions de transition écologique et sociale, cet engagement demande encore plus de courage : il s’agit de construire des réponses locales à des défis globaux, de conjuguer urgence et long terme, action et réflexion, convictions et ouverture. Dans un contexte de ressources contraintes, s’engager pleinement dans la coopération relève d’un choix politique et éthique.

La posture du DGS : tenir ensemble l’exigence et la nuance

Dans ce paysage complexe, le rôle du directeur général des services (DGS) est central. Non plus seulement garant du bon fonctionnement administratif, mais aussi acteur discret et essentiel du tissage des coopérations internes et externes.
Le DGS est appelé à tenir ensemble plusieurs tensions : entre la stratégie municipale et les réalités opérationnelles, entre la nécessité d’efficacité et l’indispensable temps du dialogue. Son autorité repose de moins en moins sur une position hiérarchique figée, et de plus en plus sur sa capacité à écouter, à relier, à ajuster, à faire dialoguer des mondes professionnels et politiques différents.
Dans une époque où la tentation est grande de chercher des réponses simples à des problèmes complexes, la posture du DGS exige une lucidité particulière : reconnaître que la coopération est un chemin fait d’avancées partielles, d’accords imparfaits, de concessions réciproques. Accepter que le « mieux » collectif est parfois plus souhaitable que l’idéal théorique individuel. Animer ce chemin sans prétendre le contrôler totalement.

Face à la tentation du binaire

Dans un contexte où les raisonnements tendent à se réduire à des oppositions tranchées – bien/mal, pour/contre, amis/ennemis -, coopérer devient un acte politique majeur. Il faut accepter que l’autre ne pense pas tout à fait comme soi, que le chemin se construise par ajustements, parfois par tâtonnements, et même par l’erreur. La coopération ne gomme pas les tensions : elle les reconnaît et les traverse.
Cela requiert une large palette de savoir-être : l’écoute active, la patience dans les désaccords, l’empathie sans naïveté, l’aptitude au compromis sans reniement. La capacité aussi à reconnaître ses propres erreurs et limites, sans que cela n’entraîne le découragement ou la défiance.
S’engager dans la coopération, c’est accepter l’incertitude, l’inconfort, l’imperfection. C’est comprendre que construire ensemble est un processus vivant, jamais garanti d’avance, mais toujours porteur d’une énergie de transformation collective.

Coopérer pour régénérer la confiance

En prenant le parti de la coopération, les collectivités locales, les agents publics, les élus, les habitants et les partenaires socio-économiques peuvent ensemble retisser de la confiance. Non pas par des discours ou des slogans, mais par des pratiques concrètes : des espaces de débat ouverts, des projets coconstruits, des décisions partagées.
Dans une époque marquée par la défiance, choisir la coopération, c’est refuser la tentation du repli sur soi, du cynisme, de la fragmentation. C’est faire le pari que, malgré les incertitudes, malgré les erreurs inévitables, l’action collective peut encore générer du sens, du mouvement et de l’espérance.
Coopérer, c’est finalement résister à la simplification du monde en croyant, obstinément, en la richesse de sa complexité.

Lucas Nyszak, DGS de Loos-en-Gohelle

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