Être DGS en 2025 : entre statut précaire et responsabilités durables

Publiée le 13 mai 2025 à 15h30 - par

Le DGS jongle entre responsabilités XXL et risques juridiques « à gogo », sans filet statutaire. Avec les municipales en ligne de mire, mieux vaut être résilient, endurant et surtout lucide… pour ne pas s’oublier au sein d’un métier qui se complique particulièrement.
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Un billet sur l’emploi de DGS ? Mais pourquoi ? Après tout, ce métier a été choisi par ceux qui l’occupent et l’idée est déjà bien répandue qu’être directeur général des services, c’est assumer la responsabilité de tout… Polyvalent par nécessité, expert en tout et à toute heure dans l’imaginaire collectif, le DGS doit anticiper, penser, gérer, arbitrer, s’adapter, décider, consoler, accompagner (liste non exhaustive) des collègues, des élus et des projets. Mais ce rôle clé dans les collectivités territoriales s’exerce toujours en 2025 sans statut clair, exposant ces cadres à une précarité juridique croissante.

Responsabilité financière des gestionnaires publics

En effet, la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics, entrée en vigueur début 2023, a accentué ce paradoxe. Désormais, le DGS pourrait considérer que chaque décision est susceptible d’alimenter un contentieux imprévisible. Comme le souligne très justement la présidente du SNDGCT, Hélène Guillet, un simple retard administratif, une prime pourtant validée depuis longtemps, un délai de paiement dépassé de quelques jours (des motifs autrefois considérés comme mineurs) deviennent aujourd’hui des dossiers sensibles devant le juge financier.

Résultat : une inquiétude latente s’installe durablement au sein des équipes dirigeantes, contraintes à un exercice de justification a posteriori coûteux en temps et en énergie.

Dans ce contexte, la protection fonctionnelle, refusée d’ailleurs pour le contentieux financier, ressemble de plus en plus à une promesse théorique difficile à tenir en pratique. Face à l’augmentation des mises en cause individuelles, les collectivités territoriales deviennent extrêmement prudentes. Avec un principal risque : que le principe de précaution administratif se substitue progressivement à l’esprit d’initiative, qu’innover devienne risqué, qu’oser semble audacieux et que prendre une décision s’avère finalement dangereux.

Le sujet s’intensifie encore avec l’approche des municipales de 2026. Pris entre les exigences des élus sortants et les promesses (à venir) des nouveaux candidats, le DGS se doit pourtant d’incarner la neutralité parfaite, tout en mesurant chaque jour qu’il pourrait aisément servir de « fusible politico-managérial ». Une position délicate, dans laquelle il est davantage jugé sur ce qu’il incarne que sur la qualité globale de son travail.

Responsable de tout, mais protégé de (presque) rien

Plus largement, l’absence persistante d’un cadre juridique précis fixant les missions, droits et responsabilités réelles des directions générales reste incompréhensible. Aujourd’hui encore, seule la jurisprudence – incertaine, mouvante et imprévisible – permet d’apprécier l’étendue réelle de cette responsabilité, notamment concernant la fameuse « rupture de confiance ». Pour combien de temps encore ? À quand un statut défini d’ailleurs en lien direct avec celui des directeurs/collaborateurs de cabinet et des élues ?

Les conséquences pratiques de cette situation complexe se font déjà sentir sur le terrain : prudence renforcée dans les prises de décision et interrogations légitimes sur les risques encourus.

Responsable de tout, mais protégé de (presque) rien : voilà la réalité en 2025 d’une fonction devenue, plus que jamais, délicate à exercer. En attendant une clarification indispensable des conditions d’exercice de leur métier, les DGS avancent encore, par sens du devoir et/ou obligation. Et toujours avec la passion de délivrer le meilleur service public possible.

Philippe Jacquemoire, Directeur général des services (DGS) de Saint-Paul-lès-Dax

Retrouvez ce billet dans WEKA Le Mag n° 21 – Mai / Juin 2025