La santé mentale est une bombe à retardement pour notre société. Continuer à privilégier le soin sans investir dans la prévention, c’est condamner non seulement des vies, mais aussi l’avenir économique et social du pays. Repenser l’école, valoriser l’engagement citoyen et accompagner les jeunes dans leur rapport au monde numérique : ce sont des pistes concrètes pour agir. Mais cela nécessite du courage politique, une vision à long terme et, surtout, une vraie écoute des besoins des nouvelles générations.
Alors, que choisirons-nous ? Continuer à colmater les brèches d’un système à bout de souffle ou amorcer une révolution pour une jeunesse épanouie et une société plus forte ? Le choix est devant nous. L’échec n’est plus une option.
La prévention : un pari ignoré, un coût humain et économique abyssal
Les troubles mentaux coûtent 168 milliards d’euros par an à la société, soit trois fois le déficit annuel du pays. Parmi ces chiffres glaçants, les tentatives de suicide et les suicides eux-mêmes représentent 24 milliards d’euros par an. Oui, vous avez bien lu : se suicider coûte cher. Ces statistiques, bien que cyniques, traduisent une réalité brutale. Mais plutôt que d’agir en amont, nous dépensons des milliards pour réparer ce qui aurait pu être évité.
Aujourd’hui, la santé mentale est la première dépense publique de santé, à hauteur de 23 milliards d’euros par an. Et pourtant, cet investissement colossal est mal orienté. Les efforts se concentrent sur le soin, un simple pansement sur une plaie béante. La prévention, pourtant moins coûteuse à long terme et bien plus impactante, reste la grande oubliée.
Le problème est simple : on attend que les crises éclatent avant d’agir. Mais les drames individuels, les familles brisées et les vies sacrifiées se multiplient. Pendant ce temps, les gouvernements se contentent de mesures curatives. Traiter les symptômes sans s’attaquer aux causes, c’est condamner la société à un cercle vicieux.
L’école doit redevenir un lieu où l’on se sent bien
Et l’école dans tout ça ? Les jeunes passent plus de temps dans les établissements scolaires qu’avec leurs familles. Mais loin d’être un lieu de protection et d’épanouissement, l’école est devenue un espace de pression, d’épuisement et de mal-être. Élèves, parents et enseignants sont à bout. Pourquoi ne pas repenser à ce modèle dépassé ?
L’école doit être réinventée pour redevenir un lieu où l’on se sent bien. Cela passe par l’intégration de responsables bien-être, la réduction de la pression scolaire, une refonte des programmes et une priorité donnée au développement personnel avant les objectifs académiques. Les pays scandinaves, les États-Unis et le Royaume-Uni l’ont compris depuis longtemps. Et nous ? Combien de temps encore allons-nous ignorer l’évidence ?
Engagement citoyen : et si les jeunes montraient la voie ?
Si nous voulons vraiment répondre à l’urgence de la santé mentale, il est temps d’impliquer directement les jeunes. Pourquoi ne pas leur consacrer une demi-journée par semaine pour des projets d’engagement citoyen ? Dès le collège, les élèves pourraient travailler sur des thématiques concrètes : santé mentale, harcèlement, environnement, monde numérique, ou encore aide aux autres.
L’individualisme atteint son paroxysme dans notre société. Offrir aux jeunes la possibilité de s’engager collectivement serait un levier puissant pour reconstruire du lien social. Aux États-Unis, ce type de programme est déjà obligatoire. Les résultats sont édifiants : les jeunes y trouvent du sens, une utilité et un épanouissement personnel.
Mais pour cela, il faudra accepter un changement générationnel. Le modèle actuel ne correspond plus à la jeunesse. Les jeunes d’aujourd’hui ne raisonnent pas comme leurs aînés, et vouloir leur imposer des schémas dépassés ne fait qu’aggraver le fossé intergénérationnel.
Les réseaux sociaux, dangereux mais aussi espace d’expression
Pourquoi ne pas faciliter cette transition en accompagnant la jeunesse sur des sujets qui les concernent réellement, comme l’impact des réseaux sociaux ?
Car oui, les réseaux sociaux, que beaucoup de politiques diabolisent, sont une réalité incontournable. Si 67 % des enfants de 8 à 10 ans sont déjà actifs sur ces plateformes, ce n’est pas en fermant les yeux que nous les protégerons. Les réseaux sociaux peuvent être dangereux, mais ils sont aussi un espace d’expression, de mobilisation et de conscience collective pour la génération Z. L’interdire, c’est nier leur existence. Les accompagner, c’est les responsabiliser.
Un échec annoncé ou une révolution à construire ?
La santé mentale est une cause trop importante pour être traitée à moitié. Continuer à privilégier le soin sans investir dans la prévention, c’est condamner des milliers de vies et alimenter un gouffre financier insoutenable.
L’école, l’engagement citoyen et l’accompagnement des jeunes sont des clés fondamentales pour répondre à cette crise. Alors, allons-nous enfin agir ou continuer à colmater les brèches tout en laissant le navire sombrer ? Le choix est entre nos mains.
Guirchaume Abitbol, président de la fondation LYYNK