Qu’est-ce que l’art urbain ?
L’art urbain, ou Street Art, est un terme général qui regroupe des disciplines comme le graffiti, le pochoir, les stickers, la mosaïque, le dessin à la craie sur le sol, le yarn bombing (recouvrir du mobilier urbain avec du fil, des tissus tricotés ou crochetés) et les installations. Ces différentes formes artistiques sont éphémères.
L’art urbain est né dans les années 1970 à New York, et c’est en apposant leur signature à l’aide de bombes aérosols que les artistes, souvent regroupés en collectifs, ont donné naissance à ce mouvement. Partageant le même état d’esprit, ils souhaitent se réapproprier la ville et redéfinir l’espace public pour nous sensibiliser aux injustices, critiquer, dénoncer ce qui les insatisfait.
Important
Cet art se distingue de l’art « officiel » car ses membres ne demandent pas d’autorisation lorsqu’ils s’approprient la ville.
De nos jours, l’art urbain a acquis ses lettres de noblesse : les œuvres sont exposées et se vendent. Les médias et Internet participent à la propagation du phénomène Street Art tout autour du globe, tout autant qu’à sa récupération et à sa marchandisation…
Distinguer tag et graffiti !
Le tag est le plus souvent la signature de son auteur, sous forme de pseudonyme (appelé « blaze »). Il est le plus souvent réalisé rapidement dans le but pour son auteur de signifier sa présence, son territoire, sans grande volonté esthétique.
Le graffiti a une vocation plus artistique. Réalisé sur une plus grande surface, il est porteur d’un message. Il peut prendre la forme de lettres, de dessins, de peintures.
Si l’art urbain inspire, il reste cependant illégal : de nombreuses municipalités investissent des sommes d’argent conséquentes pour faire disparaître cette créativité spontanée. Aux États-Unis, devant l’impossibilité de s’approprier les murs, de nombreux graffeurs ont ouvert leur propre galerie – ce fut le cas de Keith Haring dans les années 1980, période à laquelle l’art urbain a commencé à se développer en Europe, ou Banksy actuellement.
Le cadre légal
Pour la loi française, plus que de l’art, les formes de Street Art libres sont d’abord considérées comme une forme de détérioration des villes. Parce qu’il n’est pas reconnu publiquement, il est sujet à la destruction par les autorités publiques.
Ainsi, la
loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002
(et son article 24 modifiant l’article 322-1 du
Code pénal
) dispose que « La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. Le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 € d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger. »
De même, la
loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008
(et son article 34 modifiant l’article 322-2 du Code pénal) dispose que « L’infraction définie au premier alinéa de l’article 322-1 est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende et celle définie au deuxième alinéa du même article de 7 500 € d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général, lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est :
1° Destiné à l’utilité ou à la décoration publiques et appartient à une personne publique ou chargée d’une mission de service public ;
2° Un registre, une minute ou un acte original de l’autorité publique. »
La loi admet ainsi que les tags et graffitis sont passibles de sanction. Même s’ils ne présentent pas de danger pour les personnes, il s’agit d’une dégradation et ils sont punis par la loi.
Quels sont les enjeux de l’art urbain ?
Les enjeux de l’art urbain sont les suivants :
- En matière de diversité culturelle, l’art urbain favorise une expérimentation où la prise de risque est acceptée, voire le moteur même de la création. Il suscite l’émergence de formes et de propositions artistiques nouvelles, participe à la transformation du regard sur l’« artistique », l’« artiste », l’« art » et contribue au développement de la personne en lui permettant d’exprimer ses choix.
- En matière de citoyenneté, l’art urbain favorise la rencontre avec certains artistes, acteurs non officiels de la cité. Ceux-ci travaillent pour la population, développent des projets collectifs, questionnent le quotidien. Leur travail permet d’élargir notre vision du monde et d’enrichir notre réflexion.
- En matière d’ouverture au monde, la rencontre avec l’œuvre transforme et ouvre l’esprit.
Qu’apporte l’art plastique au développement de l’enfant ?
Au sein d’un ACM, cadre très sécurisé et réglementé, comment mettre en avant cet acte créatif subversif ? Comment concilier le respect du cadre légal et l’intérêt pédagogique de la prise de risque et de la transgression ?
La culture rassemble, révèle, libère les talents, apaise les tensions, crée des liens et du collectif. Il est donc important d’intégrer ce plaisir de créer dans le projet pédagogique tout en respectant la loi, et donc en proposant d’incorporer l’art urbain en douceur dans le centre.
Tout d’abord, commencez par le repérage de l’existant sur le territoire, avec prises de vues photographiques, puis lecture de ces images et commentaires. La dimension subversive de cet art peut alors être explicitée, ce qui n’enlève rien à sa dimension créative. Proposez ensuite un travail sur papier, puis sur grands panneaux amovibles que l’on peut fixer sur les murs de l’accueil, voire sur de vrais murs si une négociation est possible avec les propriétaires. Ce travail doit être progressif : il s’agit d’apprendre aux jeunes à créer tout en respectant la loi – en tout état de cause à n’utiliser les murs qu’après autorisation expresse du propriétaire pour ne pas être passible d’amendes. Il ne s’agit pas d’être dans l’illégalité en ACM !
L’exposition « Tag au Grand Palais », placée sous le patronage de la ministre de la Culture, a reconnu et confirmé l’intérêt culturel de cet art, tout en permettant la mise à disposition de murs ouverts pour encourager les jeunes talents et participer à la requalification urbaine. L’objectif est de trouver un équilibre entre la promotion du Street Art et la lutte contre les incivilités et le vandalisme. C’est à ce niveau que l’accueil de loisirs peut intervenir pour :
- faire comprendre l’intérêt de créer, collectivement, et de faire passer des messages ;
- offrir différentes modalités éducatives de gestion des interdits même si, dans l’art urbain, ceux-ci restent le moteur de la création.
A savoir
C’est déjà prendre un risque que d’oser « donner à voir » sur un panneau installé à l’extérieur. Vous pouvez recourir à la technique du « Cellograph » (cf. Quelques techniques d’art urbain), très rapide : celle-ci permet d’instaurer une transgression cadrée car elle reste assez éphémère, et surtout ne dégrade pas l’espace public.