L’insuffisance du critère tiré de la finalité du contrat
L’
article L. 1111-1 du Code de la commande publique
(CCP) définit le marché public comme étant un contrat destiné à répondre aux besoins de la collectivité en matière de travaux, de fournitures ou de services.
S’agissant des contrats de concession, l’
article L. 1121-2
du même code dispose que ceux-ci ont pour objet de répondre aux besoins de la collectivité en matière de travaux ou de confier la gestion de services, ces derniers s’entendant soit comme des services « simples », soit comme des services publics (
CCP, art. L. 1121-3
).
Force est donc de constater que chacun de ces contrats a souvent un objet ou une finalité identique et qu’il serait vain de s’arrêter au seul aspect matériel du contrat pour en déterminer la qualification (cf. grille de lecture ci-dessous).
Nature de la prestation | Marché public (CCP, 2e partie L et R) | Concession (CCP, 3e partie L et R) |
Fournitures | Oui | Non |
Travaux | Oui | Oui |
Services « simples » | Oui | Oui |
Services publics | Non | Oui |
Ce schéma permet de déterminer d’une façon simple si le contrat appartient à la catégorie des marchés publics ou à celle des concessions.
L’inopérance du critère tiré du mode de rémunération du titulaire du contrat
Tous les contrats de la commande publique (au sens strict du terme) sont obligatoirement assortis d’une clause relative à la rémunération de l’opérateur économique (
CCP, art. L. 2
).
Cette onérosité, en rapport direct avec la prestation réalisée par le cocontractant, peut revêtir plusieurs formes ou dénominations.
Le plus généralement, celle-ci consistera dans le versement par la collectivité d’un prix ou d’un loyer à son cocontractant dans le cadre des marchés publics, ou dans l’autorisation donnée au concessionnaire de percevoir des redevances auprès d’usagers ou d’utilisateurs des ouvrages ou des services concédés.
Cependant, le droit des contrats de la commande publique n’exclut pas dans le cadre d’une concession le versement d’un prix par la collectivité (
CCP, art. L. 1121-1
). Citons, par exemple, le cas des contrats d’affermage assortis d’investissements réalisés par le concessionnaire à la demande de la collectivité, le financement de contraintes particulières imposées par la collectivité ou encore la régie intéressée.
À l’inverse, certains marchés publics de services peuvent prévoir que le titulaire du contrat se finance auprès de tiers (cf. l’exemple des contrats de mobilier urbain :
CE, ass, 4 nov. 2005, n° 247298
) ou que sa rémunération soit en tout ou partie assurée par un abandon de recettes de la part de la collectivité.
Le critère déterminant : l’existence ou non d’un aléa économique pesant sur le cocontractant
Ce qui distingue clairement le marché public du contrat de concession est le fait que le concessionnaire doit supporter un risque d’exploitation de nature économique, avec la possibilité qu’il ne parvienne pas à couvrir ses dépenses d’investissement et ses coûts de fonctionnement par son chiffre d’affaires.
À l’inverse, le titulaire d’un marché public est assuré de percevoir le prix qu’il a lui-même fixé et les seuls aléas auxquels il peut être confronté auront généralement pour origine une mauvaise estimation technique ou financière dont il est, en principe, l’unique responsable à la base.
La
directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014
relative à l’attribution des contrats de concession décrit à son point 20 les différentes causes possibles de pertes :
« Un risque d’exploitation devrait être considéré comme étant le risque d’exposition aux aléas du marché, qui peut être soit un risque lié à la demande, soit un risque lié à l’offre, soit un risque lié à la demande et à l’offre. Le risque lié à la demande désigne le risque portant sur la demande effective pour les travaux ou services qui font l’objet du contrat. Le risque lié à l’offre désigne le risque portant sur la fourniture des travaux ou services qui font l’objet du contrat, en particulier le risque que la fourniture des services ne corresponde pas à la demande. »
L’absence de transfert de risque réel au concessionnaire entraîne inévitablement la requalification du contrat de concession en marché public (
CE, 24 mai 2017, n° 407213
, au sujet de la requalification d’une concession de restauration scolaire). À l’inverse, la requalification d’un marché en contrat de concession est également possible (
CE, 25 mai 2018, n° 416825
, au sujet de la requalification en concession d’un marché portant sur l’installation, l’exploitation et la maintenance de mobiliers urbains).
L’appréciation de la part de risque transférée au cocontractant relève plus de la casuistique que du droit pur. À tout le moins, il est possible de s’appuyer sur le considérant suivant visé au point 18 de la directive 2014/23/UE précitée :
« L’application de règles spécifiques régissant l’attribution de concessions ne serait pas justifiée si le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice évitait à l’opérateur économique tout risque de pertes, en lui garantissant un revenu minimal supérieur ou égal aux investissements effectués et aux coûts qu’il doit supporter dans le cadre de l’exécution du contrat. »