Les enjeux du projet
Il n’est pas facile pour un CPE au collège de mettre en place un projet qui s’inscrit à l’échelle d’un établissement tant les visions qu’on a sur son activité demeurent dans la sphère de la tradition : pour certaines équipes de direction, le CPE doit se contenter de faire respecter l’ordre dans la vie scolaire, d’animer le FSE ou le CESC et d’organiser le service des assistants d’éducation. Pour certains enseignants, il doit surtout appuyer leur autorité sur les élèves par des punitions scolaires et les soutenir face aux parents contestataires, assurer les élections et la formation des délégués, voire les aider face à l’échec scolaire en prenant en charge l’« aide aux devoirs ».
Dans ces conditions, proposer un projet reconnaissant l’engagement des élèves n’est pas une mince affaire. Le CPE n’a donc pas d’autre choix que d’y insérer des valeurs d’égalité (valoriser l’engagement d’élèves qui ne sont pas forcément considérés comme « bons » en raison de leurs résultats scolaires) et d’élitisme (reconnaître le travail scolaire d’élèves « brillants » sur le plan individuel et collectif).
Mais par-delà ces considérations idéologiques, ce projet révèle celui du CPE dans un sens plus large car dans son quotidien, il voit et connaît beaucoup plus les élèves en difficulté (relationnelle, psychologique, scolaire, comportementale…) que les autres (les « bons » comme ceux qui ne se font pas remarquer par leur attitude ou leurs performances scolaires). Autrement dit, ce projet qui entend valoriser l’engagement des élèves à la fois dans une approche globale de l’éducation et dans celui de donner du sens à la scolarité rejoint les finalités éducatives du CPE.
Convaincre l’équipe de direction
Comme dans tout projet, le CPE doit s’assurer avant tout du soutien de l’équipe de direction s’il veut le légitimer auprès des enseignants.
Que ce soit à travers son projet de service ou de vie scolaire, le CPE a dans ses objectifs de faire réussir les élèves et de maintenir un climat scolaire propice au travail scolaire et à leur épanouissement. Pour cela, il doit s’appuyer sur des données de vie scolaire (résultats au DNB, rapports d’incidents, effectifs participant à l’aide aux devoirs, nombre d’adhérents au FSE, enquête sur le climat scolaire établie par l’équipe mobile de sécurité académique). Dans le collège concerné, le CPE a constaté que le taux de réussite au DNB avait baissé de 15 points en 2 ans. En analysant de plus près cette situation, il a fait un lien entre cette chute et la baisse de fréquentation des élèves de 4e et de 3e à l’aide aux devoirs. Il a fait remarquer à son principal qu’un nombre important d’élèves sur ces deux niveaux lui avaient confié que les enseignants ne les encouragent pas assez lorsque leurs résultats sont meilleurs. À cette démotivation s’ajoute une augmentation des rapports d’incidents et du nombre de retenues pour travail non fait.
C’est à partir de ce constat que le CPE a réussi à convaincre l’équipe de direction de valoriser l’engagement des élèves, c’est-à-dire de ceux qui participent aux dispositifs ou aux actions menées au collège.
Convaincre les enseignants
Au premier conseil pédagogique, avec l’aval du principal, le CPE a commencé par présenter son projet afin de valoriser l’engagement des élèves. Au cours de cette séance et malgré les données chiffrées et analysées, les enseignants se sont montrés sceptiques mais pas fermés à cette initiative. C’est la ténacité du CPE et la multiplication des réunions du conseil pédagogique ou de travail liées à la mise en place du projet d’établissement qui a permis la validation de cette initiative en faveur de l’engagement des élèves.