Il convient d’aborder successivement le principe de non-indemnisation en la matière et ses limites, les problématiques liées aux modalités et conditions d’engagement de la responsabilité ainsi que les types de préjudices qui peuvent ouvrir droit à indemnisation.
Le principe de non-indemnisation et ses limites
En matière de droit de l’urbanisme, il existe un principe traditionnel selon lequel il n’y a pas d’indemnisation des conséquences négatives de la législation d’urbanisme, et ce alors même que ce principe heurte l’obligation pour l’administration de réparer les dommages qu’elle peut causer par son action.
Ce principe se trouve consacré au sein du
Code de l’urbanisme
en son article L. 105-1. La jurisprudence et le texte législatif énoncé considèrent qu’à moins de démontrer une faute de l’administration dans l’établissement de la servitude, les administrés ne peuvent demander réparation des préjudices que son institution leur cause. C’est-à-dire que le requérant, qui demande une indemnité en réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait de la mise en place de la servitude d’urbanisme, doit pouvoir démontrer la faute de l’administration.
Néanmoins, ce principe de non-indemnisation n’est pas sans limites. Ainsi, l’article L. 105-1 du
Code de l’urbanisme
doit être écarté :
- dans l’hypothèse où la servitude a pour effet de porter atteinte à des droits acquis ;
- dans l’hypothèse où la servitude a pour effet de modifier l’état antérieur des lieux ;
- lorsqu’il s’agit d’une servitude de passage le long du littoral ;
- lorsqu’il s’agit de servitudes instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kV par l’application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie.
En outre, depuis un arrêt du Conseil d’État rendu le 3 juillet 1998 (
CE, 3 juillet 1998, Bitouzet, req. n° 158592
), il est à noter que le principe d’une indemnisation a été reconnu si la servitude en cause fait peser sur un propriétaire une charge spéciale et exorbitante, et ce par application du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les modalités et les conditions d’engagement de la responsabilité
Il n’est pas possible de limiter l’exercice de la responsabilité de l’administration en droit de l’urbanisme aux seules incidences causées par les servitudes d’urbanisme. L’action de l’administration est plus complexe et ne se limite pas à mettre en place des documents de planification de l’espace. L’administration a également pour missions, notamment, de délivrer les autorisations d’urbanisme individuelles ou de contrôler la régularité des constructions. Dans le cadre de l’exercice de ses missions, la responsabilité de l’administration peut être reconnue.
Il peut s’agir soit d’une responsabilité pour faute, soit d’une responsabilité sans faute.
Les cas de responsabilité sans faute :
- lorsque l’administration refuse légalement de poursuivre des infractions ;
- lorsqu’un préjudice a été causé suite à des atermoiements de l’administration.
En la matière, il faut faire application des principes traditionnels de la responsabilité sans faute à savoir que la responsabilité ne peut être reconnue que si l’administration a causé à l’administré un préjudice anormal et spécial. Ces cas ont été découverts par la jurisprudence.
Il existe une unique hypothèse où la responsabilité sans faute découle de la loi. Il s’agit de l’hypothèse de l’indemnisation des propriétaires privés temporairement de leur terrain ou de leur immeuble pour cause d’utilité publique.
Les cas de responsabilité sans faute étant rares, la responsabilité de l’administration est le plus souvent engagée du fait d’une faute de cette dernière.
La faute consiste soit en la commission d’une illégalité, soit en la commission d’erreurs et/ou de lacunes dans le certificat d’urbanisme, soit dans le fait de ne pas tenir ses engagements, soit encore dans le fait de commettre des carences dans la prévention des risques encourus par les demandeurs d’autorisation.
Attention
La responsabilité de l’autorité qui délivre une autorisation d’urbanisme peut être engagée dès lors qu’un service consulté a commis une erreur de droit. Le juge administratif considère en effet qu’il revient à l’autorité compétente d’assumer les erreurs des services consultés lors de l’instruction (
CE, 9 novembre 2015, req. n° 380299
).
Le préjudice indemnisable
En la matière, les règles sont similaires à celles qui ont été posées par la jurisprudence en matière de responsabilité administrative. C’est-à-dire qu’il faut que :
- le préjudice invoqué par le requérant ait un lien de causalité direct et certain avec le fait ou l’acte reproché à l’administration ;
- le préjudice invoqué soit certain, le préjudice éventuel ne saurait être indemnisé.