Base de données juridiques

Effectuer une recherche

Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, du 27 janvier 2005, 01MA00847, inédit au recueil Lebon

  • Favori

    Ajoutez ce texte à vos favoris et attribuez lui des libellés et annotations personnels

    Libellés

    Séparez les libellés par une virgule

    Annotations

  • Partager
  • Imprimer

Président : M. ROUSTAN

Rapporteur : M. Alain ATTANASIO

Avocat : ROTCAJG


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, transmise par télécopie, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 avril 2001, présentée pour la SOCIETE TERRES ET DEMEURES, dont le siège social est ... représentée par son gérant en exercice, par Me Z..., avocat auquel s'est substitué Me Y..., avocat ; La SOCIETE TERRES ET DEMEURES demande à la Cour :

1°' d'annuler le jugement n° 97-1527 du 1er février 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser, d'une part, la somme de 5.756.328 F avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 1997 et, d'autre part, la somme de 1.496.796 F en réparation du préjudice résultant des délibérations des 1er mars 1991 et 26 juin 1992 par lesquelles le conseil général des Bouches-du-Rhône a fait usage de son droit de préemption ;

2°' de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser ladite somme de 5.756.328 F avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 1996 ;

3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2005 :
- le rapport de M. Attanasio, rapporteur ;
- les observations de Me Y..., pour la SOCIETE TERRES ET DEMEURES ;
- les observations de Me X..., du Cabinet de Castelnau, pour le conseil général des Bouches-du-Rhône ;
- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 1er février 2001, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par la SOCIETE TERRES ET DEMEURES tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à l'indemniser du préjudice qui résulterait pour elle des délibérations des 1er mars 1991 et 26 juin 1992 par lesquelles le conseil général a fait usage de son droit de préemption ; que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES relève appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département des Bouches-du-Rhône :
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal après avoir estimé que les décisions de préemption incriminées étaient illégales en l'absence de motivation, a exposé de façon suffisamment circonstanciée les raisons pour lesquelles, selon lui, ces mêmes décisions étaient justifiées au fond au regard des dispositions de l'article L.142-1 du code de l'urbanisme et a conclut que, par suite, l'illégalité formelle résultant du défaut de motivation n'est pas de nature à ouvrir à la SOCIETE TERRES ET DEMEURES un droit à réparation ; que le tribunal a ainsi suffisamment motivé son jugement ; que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES ne saurait utilement invoquer des erreurs de droit, qui touchent au fond du litige, pour critiquer la régularité du jugement attaqué ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article L.142-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels, selon les principes posés à l'article L.110, le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. (...) ; qu'aux termes de l'article L.142-3 du même code : Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L.142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption (...). A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux (...) qui font l'objet d'une aliénation volontaire, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. A titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en oeuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements.(...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES a déposé le 10 décembre 1990 une déclaration d'intention d'aliéner une propriété sise à Aix-en-Provence, à l'intérieur de la zone de préemption délimitée par l'arrêté préfectoral du 29 décembre 1982 au profit du département des Bouches-du-Rhône en application des dispositions susrappelées ; que par délibération du 1er mars 1991, le conseil général des Bouches-du-Rhône a décidé d'exercer le droit de préemption du département sur ce bien ; que, cependant, la SOCIETE TERRES ET DEMEURES a retiré son offre ; que la requérante a déposé une nouvelle déclaration d'intention d'aliéner le 5 mai 1992 à la suite de laquelle le conseil général des Bouches-du-Rhône a pris le 26 juin 1992 une seconde délibération décidant d'exercer le droit de préemption sur ce même bien ; que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES a de nouveau retiré son offre, conformément à la faculté que l'article L.213-7 du code de l'urbanisme laisse au propriétaire à défaut d'accord sur le prix ;

Considérant que si les deux délibérations précitées des 1er mars 1991 et 26 juin 1992 ne répondent pas aux exigences de motivation découlant des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, il résulte des termes du mémoire en date du 23 juillet 1991 présenté par le département des Bouches-du-Rhône aux fins de fixation par le juge de l'expropriation du prix du bien appartenant à la SOCIETE TERRES ET DEMEURES que le département a fait jouer son droit de préemption le 12 février 1991 dans le cadre de sa politique de protection de la nature. Il s'agit en effet d'une propriété incluse dans les espaces pré-urbains de l'agglomération aixoise. Elle présente un intérêt certain du point de vue de sa végétation et demeure un secteur très vulnérable aux incendies du fait de la proximité des zones urbaines. L'acquisition de ces 7 ha 64 a 50 ca viendrait protéger de fait tout ce secteur soumis aux besoins d'une urbanisation croissante et tiendrait à constituer un ensemble ouvert au public aux portes de l'agglomération aixoise ; que cette déclaration énonce nettement les objectifs poursuivis par le département dans l'exercice de son droit de préemption ;

Considérant que ni la circonstance que le département n'ait pas réagi à une troisième déclaration d'intention d'aliéner de la SOCIETE TERRES ET DEMEURES, alors que celle-ci avait par deux fois renoncé à la poursuite de la procédure engagée aux fins de fixation du prix du bien, ni la lettre du conseiller général délégué aux affaires foncières en date du 15 novembre 1993 faisant référence au souhait du département d'empêcher la création d'un lotissement supplémentaire dans la zone concernée, lequel n'est d'ailleurs pas en contradiction avec la volonté de protéger un secteur soumis aux besoins d'une urbanisation croissante et ne révèle par lui-même la recherche d'aucun but étranger ou contraire à ceux visés à l'article L.142-1 du code de l'urbanisme, ne constituent des éléments de nature à faire regarder comme non établis les objectifs susmentionnés dans le mémoire du 23 juillet 1991 ;

Considérant que ces objectifs, qui visent tant à la protection d'un espace naturel sensible qu'à son ouverture au public, sont au nombre de ceux qui sont énoncés par l'article L.142-1 du code de l'urbanisme et permettent légalement d'exercer le droit de préemption prévu par ce texte ; que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L.210-1 du même code, qui exigent, à la date d'exercice du droit de préemption, l'existence d'une action ou opération d'aménagement suffisamment précise et certaine, les décisions incriminées n'ayant pas été prises sur le fondement de ce texte, qui régit un autre droit de préemption ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la propriété concernée comprend, outre une bastide, un parc de sept hectares, dont une partie est consacrée à la viticulture, ainsi que des allées plantées d'arbres de haute tige et des jardins ; que si elle n'est incluse ni dans le périmètre d'une zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique ni dans celui d'un site sélectionné au titre de Natura 2000, elle est située à proximité de deux de ces zones ; qu'en outre, il ressort des documents graphiques établis dans le cadre des plans intercommunaux de débroussaillement et d'aménagement forestier, que le secteur en cause est considéré comme présentant un risque élevé d'incendie ; qu'ainsi, eu égard à ses caractéristiques, à sa localisation et à ses dimensions, cette propriété pouvait, nonobstant l'existence d'une construction sur le terrain, être légalement préemptée par le département dans le cadre de sa politique de protection des espaces naturels sensibles ;

Considérant qu'aucune pièce du dossier ne vient étayer les allégations de la SOCIETE TERRES ET DEMEURES selon lesquelles le département des Bouches-du-Rhône aurait en réalité entendu réguler le marché immobilier ou encore aurait exercé son droit de préemption à des fins étrangères à celles pour lesquelles il a été institué ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que les décisions prises par le département dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption étant justifiées légalement au regard des objectifs visés par les dispositions de l'article L.142-1 du code de l'urbanisme, l'illégalité formelle résultant du défaut de motivation de ces décisions n'est pas de nature à ouvrir à la SOCIETE TERRES ET DEMEURES un droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TERRES ET DEMEURES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances devant les tribunaux et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE TERRES ET DEMEURES la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la SOCIETE TERRES ET DEMEURES est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE TERRES ET DEMEURES, au département des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 01MA00847
2






Source : DILA, 01/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 27/01/2005