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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 01/04/2010, 09LY00142, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. FONTANELLE

Rapporteur : Mme Pascale PELLETIER

Commissaire du gouvernement : Mme SCHMERBER

Avocat : SCP BORIE & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2009, présentée pour M. Patrick A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800283 en date du 20 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2008 par lequel le maire de la commune de Royat a prononcé sa radiation des cadres à compter du 22 mai 2007 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au Maire de Royat de prononcer sa réintégration, à compter du 2 mai 2007, avec tous les droits attachés à cette réintégration ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Royat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


M. A soutient que :
- les premiers juges n'ont pas sanctionné l'erreur de droit affectant la décision contestée dès lors qu'en l'absence de mention très claire d'une peine complémentaire dans le dispositif de la décision de la chambre criminelle, qui est le seul qui emporte force obligatoire, aucune autorité ne peut envisager une sanction automatique qui résulterait précisément de cette peine complémentaire non prononcée ;
- le maire de Royat ne pouvait prendre de sanction disciplinaire automatique sans le convoquer dans le cadre d'une procédure disciplinaire et sans mettre à sa disposition le dossier de la procédure ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2009, présenté par M. A qui conclut aux mêmes fins ;

Il soutient qu'il est toujours inscrit sur les listes électorales de la commune de Royat et que sa situation civique est ainsi en opposition avec la décision du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2009, présenté pour la commune de Royat qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A ;

Elle soutient que :
- en l'absence de moyens d'appel, la requête n'est pas recevable ;
- en application des dispositions des articles 5 et 24 de la loi du 13 juillet 1983, la perte des droits civiques par un fonctionnaire entraîne automatiquement la radiation des cadres de son administration et l'administration a, en la matière, compétence liée : par suite, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune illégalité externe ;
- l'arrêt de la Cour d'Assises a expressément visé et fait application des articles 131-26 et 222-45 1° du code pénal, en complément de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de M. A ;
- la demande de réintégration sera rejetée dès lors que la Cour d'Assises a expressément prononcé à l'encontre de M. A la déchéance de ses droits civiques, civils et de famille ;

Vu le mémoire enregistré le 5 août 2009, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins ;

Il soutient en outre que :
- dès lors qu'il ne se réfère pas simplement à ses demandes de première instance, sa requête d'appel est recevable ;
- le simple visa des articles 131-26 et 222-41 1er du code pénal dans l'arrêt de la Cour d'assises de permet pas d'affirmer que la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques et civils a été prononcée à son encontre ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2009, présenté pour la commune de Royat qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré le 10 décembre 2009, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 15 janvier 2010 par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 15 mars 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2010 :

- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 23 mai 2007, la Cour d'assises du Puy-de-Dôme a condamné M. A, adjoint technique principal, employé par la commune de Royat, à une peine d'emprisonnement de huit ans pour viols sur mineure de 15 ans par ascendant et agressions sexuelles sur mineure de 15 ans par ascendant, sur le fondement des l'articles 332 alinéas 1 et 3 et article 331 alinéa 2 du code pénal ; que M. A relève appel du jugement, en date du 20 novembre 2008, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2008 par lequel le maire de la commune de Royat a prononcé sa radiation des cadres, à compter du 22 mai 2007, en raison de cette condamnation ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a présenté, dans le délai de recours, une requête d'appel qui ne constituait pas la seule reproduction de sa demande de première instance et énonçait à nouveau l'argumentation qui lui paraissait fonder sa demande d'annulation de la décision attaquée ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 132-21 du code pénal, dans sa rédaction en vigueur issue de la loi n° 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal : L'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale (...) ; qu'aux termes de l'article 131-26 du même code : L'interdiction des droits civiques porte sur : 1° le droit de vote ; 2° l'éligibilité (...) L'interdiction du droit de vote ou de l'éligibilité prononcée en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique ; qu'enfin, en vertu du 2° de l'article 5 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire s'il ne jouit de ses droits civiques ; qu'il résulte de l'article 24 de la même loi que la déchéance des droits civiques entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la déchéance des droits civiques, de nature à entraîner la radiation des cadres de la fonction publique par application de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1983, ne peut résulter que d'une condamnation prononcée sur le fondement de l'article 131-26 du code pénal ; qu'une telle condamnation ne saurait résulter de la seule mention dans les visas de l'arrêt précité de la Cour d'assises, des articles 131-26 et 222-45 1° du code pénal, ainsi que du fait qu'il est fait application desdits textes de loi dont il a été donné lecture par le Président ; que, clairement, il ne ressort pas du dispositif de cet arrêt qui ne condamne expressément, M. A qu'à la peine de huit ans d'emprisonnement, que la Cour d'Assises ait prononcé la peine complémentaire de l'interdiction des droits civiques ; que, dès lors, le maire de la commune de Royat ne pouvait radier l'intéressé des cadres qu'à l'issue d'une procédure disciplinaire, conformément à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2008, par lequel le maire de la commune de Royat a prononcé sa radiation des cadres à compter du 22 mai 2007 ; que, par suite, les conclusions de la demande présentée par M. A, doivent être accueillies ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit publique ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; et qu'aux termes de son article L. 911-3 : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, de l'arrêté en date du 4 janvier 2008 par lequel le maire de la commune de Royat a prononcé la radiation des cadres de M. A à compter du 22 mai 2007 implique nécessairement la réintégration juridique de l'intéressé à compter de cette date ; qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Royat d'y procéder en régularisant la situation administrative de M. A, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;



Sur les conclusions des parties tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Royat demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Royat la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800283 du 20 novembre 2008 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et l'arrêté du 4 janvier 2008 prononçant la radiation des cadres de M. A sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Royat, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de prononcer la réintégration juridique de M. A à compter du 22 mai 2007.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick A et à la commune de Royat.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2010, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
Mme Pelletier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2010.

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Source : DILA, 08/05/2010, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 01/04/2010