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Cour Administrative d'Appel de Nantes, 4ème chambre, 05/10/2012, 11NT01852, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. LAINE

Rapporteur : Mme Nathalie TIGER

Commissaire du gouvernement : M. MARTIN

Avocat : LARZUL


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par Me Larzul, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-957 du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant la condamnation de la commune de Roz-sur-Couesnon à l'indemniser de ses préjudices ;
2°) de condamner la commune de Roz-sur-Couesnon à lui verser, à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices qu'il a subis, la somme de 136 500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2009 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Roz-sur-Couesnon la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Diversay, substituant Me Lahalle, avocat de commune de Roz-sur-Couesnon ;


Considérant que M. X, agent des services techniques de la commune de Roz-sur-Couesnon, relève appel du jugement du 5 mai 2011, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de son placement en congé de maladie ordinaire à compter du 13 avril 2006, après que la collectivité territoriale qui l'employait a déclaré son état de santé consolidé à la suite de l'accident de service dont il avait été victime le 11 février 2004 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune de Roz-sur-Couesnon :
Considérant que M. X a demandé aux premiers juges de condamner la commune de Roz-sur-Couesnon à lui verser la somme de 76 397 euros tous préjudices confondus ; que le montant total de l'indemnité demandée en appel de 136 500 euros est supérieur à celui sollicité en première instance ; que M. X ne verse devant la cour aucune pièce de nature à justifier l'aggravation de son préjudice du fait d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement rendu en première instance ; que, par suite, M. X n'est pas recevable à accroître en appel ses prétentions indemnitaires ;

Sur la recevabilité des mémoires en défense de la commune :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Roz-sur-Couesnon a, par délibération du 6 septembre 2012, reçu délégation du conseil municipal pour représenter la commune devant la cour ; qu'ainsi, les mémoires en défense de la commune sont recevables et n'ont pas à être écartés des débats ;
Sur la responsabilité de la commune de Roz-sur-Couesnon à raison de l'illégalité fautive des décisions des 15 septembre et 30 octobre 2006 :
Considérant que par un jugement devenu définitif du 5 novembre 2009, les premiers juges ont annulé pour erreur de fait les décisions du maire de Roz-sur-Couesnon des 15 septembre et 30 octobre 2006 plaçant M. X en position de congé de maladie ordinaire ; que l'illégalité fautive dont sont entachées ces décisions est de nature à engager la responsabilité de la collectivité territoriale ;

Considérant que le requérant soutient qu'il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence à raison des décisions illégales susmentionnées le plaçant en congé de maladie ordinaire ; qu'il résulte de l'instruction que M. X n'a perçu qu'un demi-traitement à compter du 12 juillet 2006 alors qu'il pouvait prétendre à l'intégralité de son traitement et que la régularisation des traitements n'est intervenue qu'au mois de décembre 2009 ; que durant ces trois années le niveau et les conditions de vie de M. X s'en sont nécessairement trouvés affectés ; qu'il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence en lui allouant, au titre de ces préjudices, une indemnité globale de 5 000 euros ;

Sur la responsabilité de la commune de Roz-sur-Couesnon à raison de l'accident de service du 11 février 2004 :

Considérant qu'en vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; que l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales prévoit, conformément aux prescriptions du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, des règles comparables au profit des agents tributaires de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;
Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient que l'accident de service dont il a été victime le 11 février 2004 serait directement imputable à la faute commise par la commune de Roz-sur-Couesnon qui lui a donné l'ordre d'effectuer des travaux sur le toit d'un bâtiment communal vétuste sans l'avoir formé au préalable pour ce type d'intervention, sans l'encadrer et sans prévoir aucune mesure de sécurité ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la collectivité territoriale qui employait M. X ait manqué à son obligation de garantir son agent contre le risque lié à l'intervention que celui-ci a effectué sur le toit d'un bâtiment communal, alors surtout qu'il résulte des attestations produites qu'un agent qualifié était présent sur le site pour organiser et encadrer le chantier et qu'une échelle de toit avait été mise à la disposition des employés municipaux ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et ne peut obtenir l'indemnisation sollicitée de son préjudice de carrière et de son déficit fonctionnel permanent ;

Considérant, en second lieu, que, dès lors qu'il est constant que l'accident du 4 février 2004 a été reconnu comme accident de service, M. X conserve le droit de demander à la commune de Roz-sur-Couesnon, en l'absence même d'une faute de cette collectivité, la réparation des souffrances physiques et des préjudices esthétique et d'agrément pouvant résulter de son accident ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les différents traitements tentés après l'apparition d'une fibrose post-chirurgicale à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 16 septembre 2004 pour résorber l'hernie discale apparue à la suite de l'accident de service survenu le 11 février 2004 n'ont apporté qu'un soulagement partiel à M. X qui présente notamment une raideur lombaire moyenne, une limitation des mouvements de rotation vers la gauche et une irradiation sciatique prédominant nettement à gauche ; que les souffrances physiques endurées par l'intéressé sont quantifiées par l'expert désigné par le tribunal administratif de Rennes à 4 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant 5 000 euros de ce chef ; qu'en outre, il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique de l'intéressé, constitué par l'existence d'une cicatrice brunâtre de 8 cm de long, déprimée et sensible et le caractère inesthétique des modifications de la marche, quantifié par l'expert à 3 sur une échelle de 7, en allouant au requérant une somme de 2 000 euros à ce titre ; que, de plus, il résulte de l'instruction qu'avant son accident, M. X pratiquait la pêche en eaux vives et la chasse, activités qui ne lui sont plus accessibles en raison de la réduction de son aptitude physique ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par l'intéressé à ce titre en lui allouant une somme de 2 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. X en évaluant l'indemnité qui lui est due au titre de l'ensemble de ses conclusions à 14 000 euros ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 14 000 euros à compter du 5 décembre 2009, date de réception de sa demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 juillet 2011 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, puis d'accorder la capitalisation à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Roz-sur-Couesnon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Roz-sur-Couesnon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 10-957 du 5 mai 2011 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La commune de Roz-sur-Couesnon est condamnée à verser à M. X la somme de quatorze mille euros (14 000 euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2009, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 11 juillet 2011 et à chaque échéance annuelle postérieure.
Article 3 : La commune de Roz-sur-Couesnon versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Roz-sur-Couesnon au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X et à la commune de Roz-sur-Couesnon.
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N° 11NT01852



Source : DILA, 25/10/2012, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nantes

Date : 05/10/2012