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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 09/04/2015, 12BX02225, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme RICHER

Rapporteur : Mme Catherine MONBRUN

Commissaire du gouvernement : M. NORMAND

Avocat : CABINET HENRY-CHARTIER-PREVOST-PLAS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, la requête enregistrée le 20 août 2012, présentée pour l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) d'Arnac-Pompadour, représenté par sa directrice en exercice, dont le siège social est sis avenue Saupiquet à Arnac-Pompadour (19230), et pour le Centre communal d'action sociale (CCAS) d'Arnac-Pompadour, représenté par son président en exercice, dont le siège social est sis Mairie d'Arnac-Pompadour à Arnac-Pompadour (19230), par la SCP d'avocats Clarissou-Badefort ;

Les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1100047 du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire des cabinets A...et Oteec ainsi que de la société Renou-Redondeau, à leur verser la somme de 113 300 euros assortie des intérêts de droit à compter du 26 janvier 2009 en raison des dommages résultant des désordres affectant les crépis extérieurs en façade et le pignon ouest de la maison de retraite médicalisée d'Arnac-Pompadour ;

2°) de condamner solidairement les cabinets A...et Oteec ainsi que la société Renou-Redondeau, à leur verser la somme de 113 000 euros ;

3°) de condamner les cabinets A...et Oteec ainsi que la société Renou-Redondeau à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code des marchés publics ;


Vu le code civil ;


Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :

- le rapport de Mme Catherine Monbrun, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me Dasse, avocat de M. A...et de Me Maret, avocat du cabinet OTEEC ;

1. Considérant que le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Arnac-Pompadour est titulaire d'un bail emphytéotique sur des locaux à usage de résidence médicalisée pour personnes âgées et exploitée sous forme d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; que le CCAS a, en 2002, engagé des travaux d'extension et de réaménagement du foyer-logement dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à M.A..., architecte, et au cabinet OTEEC, économiste de la construction ; que les travaux de peintures intérieures et extérieures ainsi que de ravalement ont été confiés à la SARL Renou-Redondeau, qui les a sous-traités à la SARL Boulay ; que la réception définitive des travaux a été prononcée sans réserve le 8 novembre 2004 ; que, suite à l'apparition de désordres sur les façades sud et ouest du foyer, le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour, ont recherché la responsabilité solidaire de M. A..., de la société OTEEC et de la SARL Renou-Redondeau ; qu'ils relèvent appel du jugement du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire des constructeurs sus-nommés sur le fondement de la garantie décennale et sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

Sur la responsabilité contractuelle :

En ce qui concerne la responsabilité fondée sur la théorie des dommages intermédiaires :

2. Considérant que la réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que la responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage ;

3. Considérant que la réception des travaux litigieux est intervenue, sans réserve, le 8 novembre 2004, mettant ainsi fin aux relations contractuelles ; que le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour ne peuvent donc demander la condamnation de M.A..., du cabinet OTEEC et de la société Renou-Redondeau sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres " intermédiaires " qui affecteraient l'ouvrage ;

En ce qui concerne la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement au devoir de conseil :

4. Considérant que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, de sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause soient ou non au nombre de ceux de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs ou aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ;


5. Considérant que le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour soutiennent que la responsabilité contractuelle de l'architecte, M.A..., est engagée aux motifs qu'il n'a pas signalé au maître d'ouvrage que le procédé mis en oeuvre lors de la réfection de la façade n'était pas conforme au cahier des clauses techniques particulières et qu'il n'a pas conseillé à ce dernier de ne pas signer le procès-verbal de réception ou, à tout le moins, d'émettre des réserves ; que, toutefois, s'il ressort du rapport d'expertise que les désordres affectant l'ouvrage litigieux proviennent, notamment, de l'application sur la façade d'une couche de peinture " système D3 ", en lieu et place d'une couche de peinture " système D2 " pourtant prescrite par le cahier des clauses techniques particulières, il ne résulte pas de l'instruction que l'architecte, M.A..., ait eu connaissance de l'utilisation, au cours du chantier, d'un procédé non prévu par les pièces contractuelles du marché ; que, par suite, le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour ne sont fondés à soutenir que le maître d'oeuvre aurait commis une faute dans sa mission de conseil au maître d'ouvrage au moment de la réception ; que sa responsabilité contractuelle ne saurait donc être engagée ;


Sur la responsabilité décennale des constructeurs :



6. Considérant qu' il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; que la responsabilité décennale d'un constructeur peut être recherchée à raison des dommages qui résultent de travaux de réfection réalisés sur les éléments constitutifs d'un ouvrage, dès lors que ces dommages sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ;



7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les désordres affectant la résidence pour personnes âgées d'Arnac-Pompadour consistent en un cloquage et un décollement du revêtement apposé sur les façades de ce bâtiment dans le cadre de travaux de peinture extérieurs, permettant ainsi la migration de l'eau jusqu'à l'isolant, conduisant à l'oxydation de nombreuses pièces métalliques et entraînant une poussée de ces pièces et, par suite, l'éclatement de l'enduit ; qu'il ne résulte pas des constatations de l'expertise que ces désordres, en dépit de leur importance et de leur caractère généralisé, auraient entraîné des entrées d'eau dans le bâtiment ou affecteraient la protection thermique de la façade ; que ces désordres purement esthétiques, ne sont donc pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ni à le rendre impropre à sa destination ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces désordres ne pouvaient engager la responsabilité décennale de l'entreprise titulaire du lot " peinture extérieure " ni celle des maîtres d'oeuvre et qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée sur ce fondement ;






8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande ; que les frais d'expertise doivent être laissés à leur charge ;


Sur l'appel en garantie formé par M.A... :


9. Considérant que le présent arrêt ne retenant pas la responsabilité contractuelle de M. A..., ce dernier n'est pas fondé, en tout état de cause, à appeler en garantie la société Renou-Redondeau qui a exécuté les travaux litigieux ;


Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :


10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M.A..., de la société Oteec et de la société Renou-Redondeau, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, les sommes demandées par le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS et de l'EHPAD d'Arnac-Pompadour, une somme de 1 000 euros, au bénéfice, respectivement, de M. A..., de la société Oteec et de la société Renou-Redondeau au titre des frais qu'ils ont chacun exposés ;




DECIDE
Article 1er : La requête du CCAS et de l'EHPAD d'Arnac-Pompadour est rejetée.
Article 2 : Le CCAS et l'EHPAD d'Arnac-Pompadour verseront la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, respectivement, à M.A..., à la société Oteec et à la société Renou-Redondeau.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 12BX02225



Abstrats

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.
39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.

Source : DILA, 14/04/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 09/04/2015