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Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 30/08/2013, 12DA00080, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. Nowak

Rapporteur : M. Christophe (AC) Hervouet

Commissaire du gouvernement : Mme Baes Honoré

Avocat : GERBAUD & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2012, présentée pour M. B...E..., demeurant..., par Me C...D... ; M. E...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000039 du 15 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à 30 000 euros la somme que Lille Métropole Habitat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis à raison de sa non-réintégration au poste de directeur général de l'office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM) de Roubaix ou à un poste équivalent, du harcèlement moral dont il aurait été victime et de la privation de toute activité effective durant seize années ;
2°) de condamner Lille Métropole Habitat à lui verser les sommes de :
- 656 732,58 euros en réparation du préjudice financier résultant de la perte de salaire consécutive à sa non-intégration au poste de directeur général ou à un poste équivalent ;
- de 141 750 euros en réparation du préjudice financier résultant de la privation d'un véhicule et d'un logement de fonction ;
- 180 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral subi de 1994 à 2009 et pour la privation fautive de toute activité affective ;
3°) de mettre à la charge de Lille Métropole Habitat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-754 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christophe Hervouet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public,
- les observations de Me A...F..., substituant Me Denis Lequai, avocat de Lille Métropole Habitat ;
1. Considérant que M.E..., directeur de l'office d'habitations à loyer modéré (OPHLM) de Roubaix, intégré dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux au grade d'attaché principal à compter du 1er janvier 1988, a été placé, à sa demande, en position de détachement de longue durée à effet du 23 mars 1988 ; qu'après l'avoir vainement sollicitée, il a obtenu, en exécution du jugement du 24 juin 1993 du tribunal administratif de Lille confirmé par la décision du 16 octobre 1995 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sa réintégration dans ses précédentes fonctions à effet au 1er août 1992 ; qu'intégré rétroactivement en qualité de directeur territorial de classe normale à effet au 1er janvier 1988, M. E...a été reclassé au sein de l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Roubaix à compter du 14 mars 1994, date de transformation de l'OPHLM en OPAC, puis, en 1996, dans les effectifs de Lille Métropole Habitat Office public de l'habitat, qui s'est substitué à l'OPAC de Roubaix, jusqu'à son départ à la retraite en 2009 ; qu'il relève appel du jugement du 15 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à 30 000 euros la somme que Lille Métropole Habitat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis à raison de sa non-réintégration au poste de directeur général de l'OPHLM de Roubaix ou à un poste équivalent, du harcèlement moral dont il aurait été victime et de la privation de toute activité effective durant seize années ; que Lille Métropole Habitat conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement et au rejet de la demande présentée par M. E...;

Sur la responsabilité de Lille Métropole Habitat :
En ce qui concerne la réintégration de M. E...au sein de l'OPAC de Roubaix :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R.*421-3 du code de la construction et de l'habitation : " Les offices publics d'aménagement et de construction, créés en application de l'article R.*421-1, par transformation d'offices publics d'habitations à loyer modéré, sont régis par les dispositions de la présente section " ; qu'aux termes de l'article R.*421-19 du même code : " Le président préside le conseil d'administration dont il fixe l'ordre du jour. (...). / Il propose au conseil d'administration la nomination du directeur général, et le cas échéant, la cessation de ses fonctions. " ; qu'aux termes de l'article R.*421-22 de ce code : " (...). / Le directeur général assiste avec voix consultative aux séances du conseil d'administration dont il prépare et exécute les décisions, sous réserve des pouvoirs conférés au président pas l'article R.*421-19. Il est ordonnateur, passe tous actes et contrats et dirige l'activité de l'office dans le cadre des orientations générales fixées par le conseil d'administration. Le directeur général a autorité sur les services et recrute le personnel. Il fixe les effectifs et la rémunération du personnel dans la limite des crédits prévus à cet effet par le budget (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la décision du 10 février 1997 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qu'en exécution du jugement du 24 juin 1993 du tribunal administratif de Lille devenu définitif à la suite du rejet de l'appel par la décision du 16 octobre 1995 du Conseil d'Etat, le directeur général de l'OPAC de Roubaix a, par un arrêté du 16 décembre 1996, réintégré avec effet rétroactif M. E... dans son emploi de directeur de l'OPHLM jusqu'au 14 mars 1994, date de transformation de l'office en OPAC et, à compter de cette date, l'a reclassé au sein du nouvel office avec maintien de sa rémunération ; qu'il a ainsi exécuté la décision du tribunal administratif ;
4. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions précitées du code de construction et de l'habitation et ainsi que l'a jugé le Conseil d'État par sa décision susindiquée du 10 février 1997 qu'à la date de son reclassement au sein de l'OPAC de Roubaix, M. E... n'avait aucun droit à y être nommé en qualité de directeur général ; que par suite, en ne procédant pas à sa nomination en cette qualité ou sur un poste équivalent, ce dernier n'a pas commis d'illégalité constitutive d'une faute ;

En ce qui concerne le harcèlement moral :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...)" ;

6. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bureau dans lequel M. E... a été affecté au sein de l'OPAC de Roubaix, et qu'il présente comme un simple réduit, disposait d'une superficie de 13 mètres carrés et d'une fenêtre donnant sur une cour intérieure, et avait été précédemment attribué à la présidente d'une commission ; que par suite, et alors même que ce bureau aurait servi temporairement à des fonctions logistiques, M. E... n'établit pas qu'il avait subi des conditions de travail dégradantes susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ; que s'il n'est pas sérieusement contesté que le requérant n'a durablement pas disposé d'outil informatique, malgré sa demande, il ne justifie pas que ce matériel était indispensable à l'exercice de ses fonctions ; qu'il ne démontre pas davantage la nécessité pour lui de disposer d'un secrétariat particulier ; que seul un nombre très restreint de cadres exerçant des fonctions de responsabilité était dispensé de l'obligation de pointage, les fonctions de chargé de mission exercées par M. E...ne bénéficiant pas de cette dispense ; que la note adressée aux locataires par le président de l'office remettant en cause une décision prise par le requérant en sa qualité de directeur de l'agence du nouveau Roubaix n'est pas de nature à la faire regarder comme procédant d'agissements vexatoires de la part de son employeur ;
8. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction qu'hormis durant une brève période d'affectation en qualité de directeur d'agence, et alors pourtant qu'il détenait le grade de directeur territorial, l'OPAC de Roubaix n'a confié à M. E..., jusqu'à son départ à la retraite au mois de juin 2009, aucune activité correspondant à son grade ; qu'en dépit du fait que l'intéressé a été à plusieurs reprises en arrêt de travail et n'aurait pas correctement assumé l'organisation, qui lui avait été confiée, du forum des locataires, l'OPAC a, ce faisant, commis une faute de nature à engager la responsabilité de Lille Métropole habitat ; que Lille Métropole habitat ne produit aucune argumentation de nature à établir que ces agissements seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; qu'il s'ensuit que M. E...a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral ;

Sur le préjudice financier :
9. Considérant, d'une part, que compte tenu de ce qui a été dit au point 4, M. E...n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice financier qu'il évalue à la différence entre le salaire d'un directeur général d'OPAC et la rémunération qu'il a effectivement perçue ;
10. Considérant, d'autre part, que l'attribution d'un logement et d'un véhicule de fonction ne présentent pas une nécessité absolue ni même un intérêt certain pour la bonne marche du service dans l'exercice des fonctions confiées à M. E...; que par suite, il n'est pas fondé à demander à être indemnisé d'un préjudice né de la privation de ces avantages ;

Sur le préjudice moral :
11. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 8 et eu égard notamment à la circonstance que l'employeur de M. E...s'est durablement soustrait à son obligation de le réintégrer, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. E...au titre du préjudice moral résultant de l'absence de toutes activités, en lui accordant une indemnité de 20 000 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille n'a fait droit qu'à concurrence de 30 000 euros à sa demande de condamnation de Lille Métropole Habitat à réparer les préjudices subis et a rejeté le surplus de sa demande ; que Lille Métropole Habitat est seulement fondé à demander, par un appel incident, que l'indemnité, que le tribunal administratif l'a condamné à verser à M.E..., soit ramenée à la somme de 20 000 euros ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. E...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...la somme demandée par Lille Métropole Habitat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 30 000 euros que Lille Métropole Habitat a été condamné à verser à M. E... par le jugement du 15 novembre 2011 est ramenée à 20 000 euros.
Article 2 : Le jugement du 15 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de M. E... est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de Lille Métropole Habitat et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à Lille Métropole Habitat.



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N°12DA00080
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N° "Numéro"



Abstrats

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.

Source : DILA, 24/09/2013, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Douai

Date : 30/08/2013