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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 1ère chambre - formation à 3, 11/06/2013, 12LY02906, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MOUTTE

Rapporteur : M. David ZUPAN

Commissaire du gouvernement : M. VALLECCHIA

Avocat : BJA SELARL D'AVOCAT AU BARREAUX D'ANNECY


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 novembre 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Zenetrgie, dont le siège est sis 276 route des Vignes, lieudit " Angon ", à Talloires (74290) représentée par son gérant en exercice, par MeD... ;

La société Zenetrgie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1000285 du 27 septembre 2012 en tant, d'une part, qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 16 septembre 2009, par lequel le maire de Talloires lui a refusé un permis de construire, ainsi que de la décision du 24 novembre 2009 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, qu'il a limité à la somme de 500 euros, selon elle insuffisante, l'indemnité devant être mise à la charge de la commune de Talloires en réparation des conséquences dommageables de l'échec de son projet ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Talloires du 16 septembre 2009 et sa décision du 24 novembre 2009 ;

3°) de faire injonction au maire de Talloires de reprendre l'instruction de la demande de permis de construire, dès le jour de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de porter à 1 178 449 euros le montant de l'indemnité qui lui est due par la commune de Talloires et de condamner en outre celle-ci à verser à M. E... A...une indemnité de 543 935 euros et à Mme C...B...une indemnité de 444 096 euros, lesdites sommes devant être augmentées des intérêts légaux, avec capitalisation ;

5°) de condamner la commune de Talloires à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que ses conclusions en annulation ne sont pas tardives, que ses conclusions indemnitaires ont été précédées d'une réclamation préalable et que son intérêt pour agir est incontestable ; que le refus de permis de construire opposé le 16 septembre 2009 est insuffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il en va de même de la décision du 24 novembre 2009 portant rejet de son recours gracieux ; que le motif de refus fondé sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, alors que le terrain d'assiette du projet est masqué par le relief et la végétation et que les constructions ne seront pas visibles depuis le lac d'Annecy ; que les quatre maisons projetées, de volume raisonnable, s'insèrent parfaitement dans leur environnement bâti et dans le paysage naturel, comme l'a relevé le tribunal ; que ce dernier a estimé à tort, en revanche, que le projet était contraire aux dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le terrain litigieux ne se situe pas dans un espace proche du rivage au sens du II de cette disposition, mais dans un secteur où la commune entend au contraire développer l'urbanisation ; que les constructions envisagées, qui s'insèrent dans l'espace déjà urbanisé du hameau de la Sauffaz, ne constituent pas une extension de l'urbanisation au sens du I du même article L. 146-4 ; qu'en tout état de cause, elles s'inscrivent dans la continuité d'un groupe d'habitations ; qu'il convient de s'en rapporter aux finalités et à l'esprit de la loi " Littoral ", que le projet litigieux, dit " Echo-hameauF... ", inspiré par une démarche environnementale de " construction passive ", épouse totalement ; que le maire de Talloires avait d'ailleurs délivré le 9 mai 2007 un certificat d'urbanisme positif ; que la circulaire ministérielle du 14 mars 2006 et la directive territoriale d'aménagement des Alpes du Nord confirment l'interprétation de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme sur laquelle s'appuie l'exposante ; que le tènement en cause jouxte sur trois côtés des terrains bâtis et constitue une " dent creuse " ; que le hameau de la Sauffaz, situé à distance du lac, compte vingt-trois constructions, ce qui en fait un secteur urbanisé ; que s'il ne constitue pas un village au sens de l'article L. 146-4, il est néanmoins plus qu'un hameau et peut être qualifié d'agglomération ; que le maire de Talloires, qui était en situation de compétence liée pour délivrer le permis de construire demandé, a commis, en le refusant, une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu'il n'avait opposé l'article L. 146-4 ni dans le certificat d'urbanisme susmentionné, ni au cours des multiples échanges qui ont précédé le dépôt de la demande de permis de construire, ni même dans le premier refus opposé le 22 mars 2009 ; que le maire n'ignorait pourtant pas l'existence de la loi Littoral, objet de multiples procédures contentieuses impliquant la commune ; qu'il a délibérément agi dans le but de faire échouer le projet, après avoir fait croire à l'obtention du permis de construire et incité ses promoteurs à engager à cet effet de lourdes dépenses ; qu'il a harcelé l'exposante et ses associés fondateurs, M. A...et MmeB... ; qu'il avait en réalité pour projet de construire une vingtaine de logements dans le secteur concerné ; qu'il a agi par pures représailles, M. A...et MmeB..., candidats à l'élection municipale de mars 2008, ayant empêché la complète réélection de l'équipe sortante et ayant fondé une association citoyenne locale de réflexion sur le devenir de la commune, " Talloires développement durable " ; que les décisions prises, auxquelles s'ajoutent la tentative de classer le terrain en zone agricole à l'occasion de l'élaboration du plan local d'urbanisme et le brusque abandon du programme d'extension du réseau d'assainissement, sont marquées par le plus grand arbitraire et l'intention malveillante ; que témoignent encore de ce harcèlement le refus systématique du maire d'oeuvrer à la sécurisation du réseau électrique devant la maison de MmeB..., la publication d'un article dans le Dauphiné Libéré, la rétention d'informations à l'égard de l'association " Talloires développement durable ", le comportement déloyal et dilatoire de la commune en première instance et la remise en cause infondée de la qualité de l'exposante pour demander un permis de construire ; que la réalisation de l'opération ne peut plus désormais être envisagée avant la fin de l'année 2015 ; qu'elle n'aura plus alors le caractère précurseur et démonstrateur qui devait lancer l'entreprise ; que celle-ci n'a d'ailleurs plus la capacité suffisante pour conduire seule le projet ; que, dans toutes les hypothèses envisageables à partir de ce que décidera la cour, et alors que le risque de perte de la maîtrise foncière est élevé, les investissements auront de toute façon été engagés en pure perte ; que la société Zenetrgie et M. A...ont ainsi exposé des frais de conception à concurrence de respectivement, 63 125 et 2 000 euros ; que la preuve du paiement des factures y afférentes est apportée ; que le temps de travail consacré au projet par M. A...représente 200 475 euros ; que la perte des subventions " Prebat " de la région et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) représente un préjudice de 43 920 euros, auquel s'ajoute la somme de 7 488 euros déjà perçue à ce titre le 16 février 2009, et qui devra être remboursée à l'ADEME ; que la perte d'exploitation peut être évaluée à 643 329 euros ; que la perte d'affaires, illustrée par l'échec subséquent d'un projet de même nature à Veyrier-du-Lac, appelle une indemnisation à concurrence de 414 489 euros ; que le préjudice personnel de M.A..., à ce titre, s'élève à 46 600 euros ; que l'exposante devra certainement abandonner aux consorts F... le dépôt de garantie de 4 100 euros stipulé par le compromis de vente ; que Mme B...subit quant à elle la perte de valeur patrimoniale de la parcelle 72, soit 254 876,16 euros ; que les préjudices financiers de M. A...et de Mme B..., correspondant, pour le premier, aux loyers acquittés pour l'occupation d'un logement à proximité du projet et, pour la seconde, de frais de chauffage dont elle eût fait l'économie si elle avait pu habiter l'une des maisons projetées, doivent être pris en compte à hauteur de, respectivement 50 400 euros (ou 1 200 euros par mois depuis novembre 2007) et 17 000 euros (ou 4 250 euros par saison à compter de juillet 2010) ; que M. A... a dû prendre en charge le fonds de roulement de l'entreprise de son fils qui devait participer à la construction des maisons, ce qui représente un préjudice de 55 600 euros ; qu'enfin, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. A...et Mme B...en leur allouant à ce titre des indemnités de 188 860 et 172 220 euros ; qu'aucune imprudence ne saurait leur être reprochée ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 décembre 2012, présenté pour la société Zenetrgie, concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, sauf à porter à 1 182 649 euros le montant de l'indemnité réclamée pour son propre compte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2013, présenté pour la commune de Talloires par Me Liochon, concluant :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité ;

3°) à la condamnation de la société Zenetrgie à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Elle soutient que les conclusions d'appel de la société Zenetrgie sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant de 511 083 euros réclamé en première instance et en ce qu'elles sont présentées pour le compte de M. A...et MmeB..., qui ne sont pas parties à l'instance ; que l'arrêté contesté est suffisamment motivé, aussi bien en ce qui concerne l'atteinte au site que s'agissant de l'application de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le tribunal a jugé à tort que le premier de ces motifs est entaché d'erreur d'appréciation, l'aspect cubique des constructions projetées rompant totalement avec le site naturel et le bâti environnants ; que le hameau de la Sauffaz constitue un groupe de constructions, mais non un village ou une agglomération ; que le projet ne se situe d'ailleurs pas dans sa continuité ; que les dispositions de la loi littoral y sont applicables alors même que la commune se situe également en zone de montagne ; que la société Zenetrgie et ses associés n'ont jamais été incités, comme il est soutenu, à poursuivre leur projet, les intéressés se livrant au contraire à un véritable harcèlement, et s'imaginant que le caractère prétendument écologique de ce projet permet de passer outre les règles d'urbanisme ; que le certificat d'urbanisme positif délivré le 9 mai 2007 n'a pas été suivi, pendant sa durée de validité, d'une demande de permis de construire et n'a donc cristallisé aucun droit ; qu'il portait d'ailleurs sur un projet de moindre ampleur et a été délivré à MmeB..., non à la société Zenetrgie ; qu'il devra donc être fait droit à l'appel incident ; que les préjudices allégués ne sont pas établis ; qu'ainsi, la note d'honoraires du cabinet d'architecte Tectoniques a été payée par M.A..., non par la société requérante ; qu'il n'est pas justifié du lien des autres notes d'honoraires avec le projet en cause et l'obtention d'un permis de construire ; qu'il en va de même des factures de la société d'ingénierie DDLP Bois, du thermicien Caleol, du géobiologue Li Sun, de l'agence de géophysique Geo-Arve, du centre de formation PHPP Fibois et des entreprises d'infographie Grand et ministry of Candy ; que la facture du géomètre a été établie au nom des consorts F...-G...-B..., non de la société Zenetrgie ; que la demande exposée au titre du temps consacré par M. A...à concevoir le projet est à la fois irrecevable et fantaisiste ; que la société Zenetrgie ne peut prétendre au paiement d'une indemnité au titre de la subvention dont le bénéfice est perdu, dès lors que l'opération ne se réalise pas ; que le préjudice d'exploitation allégué n'est pas la conséquence du certificat d'urbanisme, mais de l'application des dispositions de la loi Littoral ; que l'évaluation de ce préjudice ne repose d'ailleurs sur aucun élément sérieux ; que le préjudice rapporté à de prétendues pertes d'affaires n'est pas établi ; qu'il n'est pas davantage justifié de la perte du dépôt de garantie stipulé par le compromis de vente passé avec les consorts F..., du reste assorti d'une condition suspensive ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mai 2013, présenté pour la commune de Talloires, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient que les justificatifs des frais de maîtrise d'oeuvre sont insuffisants et comportent la facturation de prestations sans lien direct avec le dossier de permis de construire ;

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2013, présentée par la société Zenetrgie ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :

- le rapport de M. Zupan, président-asseur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Liochon, avocat de la commune de Talloires et celles de M. A... gérant la société requérante Zenetrgie ;

1. Considérant que la société Zenetrgie a pour projet d'édifier au lieudit " La Sauffaz ", sur le territoire de la commune de Talloires, un ensemble de chalets répondant aux critères de la " construction passive ", à très faible consommation énergétique ; que MmeB..., l'une de ses associés, a obtenu le 9 mai 2007 un certificat d'urbanisme positif concernant l'utilisation des parcelles cadastrées D 67, D 72, D 92, D 93 et D 94 pour la réalisation de trois maisons de cette nature ; que, toutefois, par arrêté du 20 mars 2009, le maire de Talloires a refusé une première fois le permis de construire sollicité par la société Zenetrgie en vue de l'édification de quatre maisons, pour des motifs tirés de l'atteinte portée à l'intérêt des lieux avoisinants et de la contrariété des toitures aux prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ; qu'en dépit des modifications apportées au projet, un second refus de permis de construire a été opposé à la société Zenetrgie par arrêté du 16 septembre 2009, fondé sur les dispositions des articles L. 146-4 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que cette société relève appel du jugement, en date du 27 septembre 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté, ainsi que contre la décision du maire de Talloires du 24 novembre 2009 portant rejet de son recours gracieux, d'autre part, limité à la somme de 500 euros, selon elle insuffisante, l'indemnité devant être mise à la charge de la commune de Talloires en réparation des conséquences dommageables de l'échec de son projet ; que la commune de Talloires conteste quant à elle, par la voie de l'appel incident, la condamnation ainsi prononcée contre elle ;

Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2009 :

2. Considérant que l'arrêté du maire de Talloires du 16 septembre 2009 indique, d'une part, que le projet, " de par sa situation et son implantation ne tenant pas compte des pentes naturelles et du contexte paysager, serait de nature à porter atteinte aux paysages (article R. 111-21 du code de l'urbanisme) ", d'autre part, que la construction sur les parcelles en litige opère une extension de l'urbanisation et que " le hameau de la Sauffaz ne constitue pas un village au sens des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ", de sorte que le projet méconnaît la règle fixée par cette disposition ; que cette motivation, qui mentionne les textes opposés à la demande de permis de construire de la société Zenetrgie et fait état d'éléments de faits propres à la situation du terrain d'assiette du projet, satisfait, tant en droit qu'en fait, aux exigences de l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme imposant la motivation des décisions portant refus de permis de construire et de celles, plus générales, de la loi susvisée du 11 juillet 1979 invoquée par la requérante ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application (...) des articles L. 146-1 et suivants sur les zones littorales s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées " ; que l'article L. 146-1 du même code dispose, en son dernier alinéa : " Les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement, la légalité des décisions par lesquelles le maire statue sur les demandes d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ; qu'en l'espèce, toutefois, si la société requérante se prévaut des orientations générales de la directive territoriale d'aménagement, elle n'en invoque aucune disposition définissant, avec l'exigence de précision posée par les principes sus-rappelés, les modalités d'application des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme applicables aux zones littorales ; que ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " I- L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) / II- L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer " ;

5. Considérant, d'une part, qu'en indiquant dans l'arrêté contesté que le projet constitue une extension de l'urbanisation et que le hameau de la Sauffaz ne constitue pas un village, le maire s'est fondé, sans équivoque, sur le I de l'article L. 146-4 précité du code de l'urbanisme, et non sur son II ; qu'ainsi, la société Zenetrgie ne fait pas utilement valoir que le terrain d'assiette du projet ne peut être regardé comme situé dans les espaces proches des rives du lac d'Annecy ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme rappelées ci-dessus que si les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ; que le hameau de la Sauffaz, composé d'une quinzaine de maisons formant un tissu bâti de faible densité, et qui est dépourvu d'équipements communs tel que commerces ou services publics, ne revêt pas, comme la requérante en convient du reste elle-même expressément, le caractère d'un village ; qu'il ne peut davantage être regardé, du fait de son isolement par rapport aux pôles urbains de la commune de Talloires, dont il séparé par de vastes étendues agricoles ou naturelles, comme se rattachant à une agglomération ; qu'ainsi, le projet en cause, qui n'a pas pour objet la création d'un nouveau hameau, constitue une extension de l'urbanisation contraire aux dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, quand bien même il s'inscrit dans la continuité du bâti du hameau de la Sauffaz ; que la qualité des constructions projetées, au regard des objectifs du développement durable, ne saurait permettre qu'il soit dérogé à cette disposition, alors même que le législateur aurait été essentiellement animé, lors de l'adoption de la loi " littoral " du 3 janvier 1986, d'où elle est issue, par la volonté de préserver l'environnement ; que la société Zenetrgie, par ailleurs, n'invoque pas utilement les termes de la circulaire ministérielle du 14 mars 2006 relative à l'application de la loi " littoral ", dépourvue de valeur réglementaire ; qu'ainsi, comme l'a jugé le tribunal, le maire de Talloires n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées ;

7. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les maisons projetées seraient susceptibles, par leur implantation, leur hauteur ou leur volume, de rompre l'harmonie du relief et des paysages naturels environnant ; qu'en dépit de leur parti architectural contemporain et des particularités constructives inhérentes aux techniques de l'habitat " passif ", elles parviennent à s'insérer dans le bâti environnant, lequel est d'ailleurs dépourvu d'attrait particulier ; qu'ainsi, en estimant que le projet de la société Zenetrgie était de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, le maire de Talloires a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il eût pris la même décision en se fondant seulement sur l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Zenetrgie n'est pas fondée à contester le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Talloires du 16 septembre 2009 ;

Sur la légalité de la décision du 24 novembre 2009 :

9. Considérant que le rejet du recours pour excès de pouvoir formé contre l'arrêté du maire de Talloires du 16 septembre 2009 refusant à la société Zenetrgie un permis de construire emporte par voie de conséquence le rejet de ses conclusions dirigées contre la décision du 24 novembre 2009 portant rejet de son recours gracieux, sans que les vices propres dont elle serait entachée puissent être utilement invoqués ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est donc inopérant ;

Sur les conclusions en injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions en excès de pouvoir de la société Zenetrgie, n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit fait injonction au maire de Talloires de reprendre l'instruction de la demande de permis de construire de la société Zenetrgie ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Talloires :

11. Considérant que, le refus de permis de construire opposé à la société Zenetrgie étant, ainsi qu'il a été dit, légalement fondé, le maire de Talloires n'a commis à ce titre aucune faute de nature à engager la responsabilité de cette commune ;


12. Considérant que la société Zenetrgie n'apporte aucun élément sérieux de nature à établir que le maire de Talloires aurait multiplié les manoeuvres et agissements arbitraires destinés faire échouer son projet, que ce soit dans le but de favoriser la réalisation d'une autre opération immobilière sur le terrain en cause ou par pure intention malveillante, à titre de " représailles ", pour sanctionner le fait que M. A...s'est présenté à l'élection municipale de 2008 et a fondé une association, " Talloires développement durable " dénonçant les carences des autorités locales ; que le différend survenu à propos de la sécurisation du réseau électrique devant la maison de MmeB..., la publication d'un article écrit par un ancien adjoint dans le Dauphiné Libéré, les difficultés rencontrées par l'association " Talloires développement durable " pour accéder à des documents administratifs et le comportement prétendument déloyal et dilatoire de la commune en première instance ne sauraient établir le " harcèlement " dont la société Zenetrgie se dit victime et sont au demeurant dépourvus de tout rapport avec les préjudices dont elle se plaint ;

13. Considérant, en revanche, qu'en délivrant à Mme B...le certificat d'urbanisme positif susmentionné du 9 mai 2007, portant sur le même tènement et concernant une opération qui, même si elle ne comportait que trois maisons d'habitation, n'en constituait pas moins, au même titre que le projet ultérieurement présenté dans le cadre de la demande de permis de construire, une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme, le maire de Talloires, qui n'y a pas même visé cette disposition, en a méconnu la portée et a par là-même également méconnu l'article L. 410-1 du même code, aux termes duquel, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative " ; que l'illégalité affectant ce certificat d'urbanisme même s'il a été délivré à l'un des associés constitue une faute de nature à engager la responsabilité, à l'égard de la société requérante, de la commune de Talloires, laquelle n'est donc pas fondée à critiquer sur ce point le jugement attaqué ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices subis par M. A...et MmeB... :

14. Considérant que la société Zenetrgie, seule requérante, n'a pas qualité pour solliciter quelque condamnation que ce soit au profit de ses associés, M. A... et Mme B...; que les conclusions présentées à ce titre à l'encontre de la commune de Talloires, au demeurant nouvelles en appel, sont dès lors en tout état de cause irrecevables ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices subis par la société Zenetergie :
15. Considérant que, la responsabilité de la commune de Talloires n'étant pas engagée à raison du refus de permis de construire à bon droit opposé par son maire, la société Zenetrgie ne saurait prétendre à la compensation du manque à gagner sur la commercialisation des maisons projetées, non plus qu'à la réparation du préjudice de notoriété et des " pertes d'affaires " qui résulteraient de l'échec de l'opération ; que, pour la même raison, elle n'est pas davantage fondée à réclamer une indemnité égale au montant des subventions qui devaient lui être versées, au titre du programme " Prebat ", par la région Rhône-Alpes et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;

16. Considérant que le certificat d'urbanisme positif illégalement délivré à Mme B...le 9 mai 2007 n'a pu qu'encourager la société Zenetrgie à persévérer dans son projet et à engager les études de conception nécessaires au dépôt d'une demande de permis de construire qu'elle n'eût pas présentée si le maire avait à cette époque opposé, comme il se devait, les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que cette société est dès lors fondée à réclamer une indemnité correspondant au montant total des dépenses qu'elle a exposées à ce titre en pure perte, sans que lui soit utilement opposée, pour réduire l'étendue de son droit à réparation, la circonstance qu'elle n'a pas sollicité un permis de construire dans les dix-huit mois suivant la délivrance dudit certificat d'urbanisme, et n'a donc pas cherché à bénéficier des droits qu'il a créés pendant ce délai en vertu de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ;

17. Considérant, d'une part, que les pièces justificatives produites devant la cour par la société Zenetrgie permettent d'établir qu'elle a acquitté, pour les besoins de la conception de son projet, des frais d'études techniques représentant la somme de 18 598,26 euros, des frais de géomètre d'un montant de 210,50 euros et de travaux d'infographie s'élevant à 1 291,68 euros ; que la requérante établit par ailleurs, à concurrence de la somme totale de 41 022,80 euros, le paiement effectif des honoraires d'architectes engagés dans le cadre de la maîtrise d'oeuvre de l'opération en cause ; qu'elle a droit en conséquence à une indemnité de ce montant, quand bien même les prestations réalisées par les architectes auxquels elle a fait appel ont atteint un état d'avancement supérieur à celui qui est strictement nécessaire à l'établissement d'un dossier de permis de construire ; qu'elle ne peut en revanche prétendre à la prise en compte, au même titre, de la somme réclamée de 3 000 euros correspondant à des prestations facturées après le premier refus de permis de construire opposé par arrêté du 20 mars 2009, et donc relatives aux modifications induites par les motifs non contestés dudit arrêté ; que, de même, la perte du dépôt de garantie de 4 100 euros stipulé par le compromis de vente de la parcelle D 93 ne peut être regardée comme un préjudice certain, dès lors que ce compromis, qui n'a d'ailleurs toujours pas été dénoncé, comporte une condition suspensive tenant à l'obtention du permis de construire ; que ne saurait davantage être mise à la charge de la commune de Talloires la somme réclamée au titre de la réalisation d'un panneau d'information dont l'utilité, pour le montage du projet de construction, n'est pas démontrée ;

18. Considérant, d'autre part, que si la société Zenetrgie justifie du paiement de frais de formation pour un montant de 500 euros, elle n'établit pas l'existence d'un lien entre cette dépense et la faute imputable à la commune de Talloires, laquelle conteste dès lors à juste titre, sur ce point, le jugement attaqué ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête en tant qu'elles portent sur un montant supérieur à ce qui était demandé en première instance pour le compte de la société Zenetrgie, que l'indemnité due à celle-ci doit être portée à la somme totale de 61 123,24 euros, sans changement quant au point de départ des intérêts et quant à la date de leur première capitalisation, soit le 22 janvier 2011, ladite capitalisation étant néanmoins due également à chaque échéance annuelle ultérieure ; qu'il s'en suit par ailleurs que les conclusions d'appel incident de la commune de Talloires, dont la condamnation est ainsi aggravée par le présent arrêt nonobstant la remise en cause d'un poste de préjudice retenu par le tribunal, doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Zenetrgie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune de Talloires la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu au contraire de la condamner elle-même, sur ce fondement, à verser à la société Zenetrgie une somme de 1 500 euros ;

DECIDE :



Article 1er : L'indemnité mise à la charge de la commune de Talloires, au bénéfice de la société Zenetrgie, par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1000285 du 27 septembre 2012 est portée de 500 à 61 123,24 euros, avec intérêts à compter du 22 janvier 2010, lesdits intérêts échus le 22 janvier 2011, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure, devant être capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 septembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Talloires versera à la société Zenetrgie, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'appel incident de la commune de Talloires ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Zenetrgie et à la commune de Talloires.



Délibéré après l'audience du 21 mai 2013, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Zupan, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2013.
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N° 12LY02906
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Abstrats

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.
68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).

Source : DILA, 17/06/2013, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 11/06/2013