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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05/05/2015, 13BX01771, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. DE MALAFOSSE

Rapporteur : Mme Marie-Pierre DUPUY

Commissaire du gouvernement : M. de la TAILLE LOLAINVILLE

Avocat : BENOITON


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 9 juillet 2013, présentée pour la société JT2M, dont le siège est au 64 chemin des cactus à Trois Bassins (97426), par Me Benoiton, avocat ;


La Société JT2M demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000238 du 7 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des contrats conclus le 6 janvier 2010 entre la Communauté intercommunale de la Région Est (CIREST) et la Mission Locale Est (MLE) portant sur les lots n°s 1, 3 et 4 du marché d'accompagnement socioprofessionnel des publics participant au plan local pour l'insertion et l'emploi de l'Est en 2010, d'autre part, à l'annulation de la décision en date du 23 décembre 2009 par laquelle la CIREST a déclaré sans suite le lot n° 2 de ce marché, enfin, à la condamnation de la CIREST à lui verser la somme totale de 54 725 euros en réparation des préjudices causés par son éviction irrégulière de l'ensemble des lots de ce marché ;

2°) d'annuler ces contrats et décision ;

3°) de condamner la CIREST à lui verser les sommes de 4 725 euros et 50 000 euros en réparations de ses préjudices, assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010 ;


4°) de mettre à la charge de la CIREST une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code des marchés publics ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2015 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- et les observations de Me Beroujon, avocat de la société JT2M et de Me Wally Issop, avocat de la Communauté intercommunale de la région Est ;


1. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 28 octobre 2009, la Communauté intercommunale de la région Est (CIREST) de La Réunion a engagé une procédure adaptée pour la passation d'un marché comportant quatre lots ayant pour objet l'accompagnement socioprofessionnel des publics participant au Plan local pour l'insertion et l'emploi (PLIE) en 2010 ; que la CIREST a décidé , le 23 décembre 2009, de ne pas donner suite à l'appel d'offres en ce qu'il portait sur le lot n° 2 relatif à l'accompagnement des publics habitant les communes de Saint-Benoît et Sainte-Rose ; que, par des actes d'engagement conclus le 6 janvier 2010, la CIREST a confié à la Mission locale de l'Est (MLE) la réalisation des lots n° 1, relatif à l'accompagnement des publics habitant la commune de Saint-André, n° 3, portant sur l'accompagnement des publics habitant les communes de Salazie, La Plaine des Palmistes et Bras Panon, et n°4, relatif à l'ingénierie de projets, à l'animation du réseau et de l'équipe des accompagnateurs et au suivi opérationnel et administratif des parcours des participants du PLIE de l'Est en 2010 ; que la société JT2M, qui avait présenté des offres pour chacun des lots de ce marché, relève appel du jugement n° 1000238 du 7 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation desdits contrats et décision, d'autre part, à la condamnation de la CIREST à lui verser la somme totale de 54 725 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière de l'ensemble des lots du marché ;


Sur les conclusions contestant la validité des contrats conclus le 6 janvier 2010 :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

2. Considérant que la circonstance que les contrats aient été entièrement exécutés ne fait pas obstacle à ce que le juge du contrat soit saisi d'un recours en contestant la validité et à ce qu'il tire les conséquences des vices affectant le cas échéant ces contrats ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par la CIREST ne peuvent qu'être écartées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation des contrats litigieux, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la CIREST ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'au soutien des moyens tirés de l'incompétence des signataires des contrats litigieux et de l'insuffisante définition des besoins de la CIREST dans le règlement de consultation du marché, la société JT2M ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges ;


4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 30 du code des marchés publics, dans sa version applicable au présent litige : " I.-Les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l'article 29 peuvent être passés, quel que soit leur montant, selon une procédure adaptée, dans les conditions prévues par l'article 28. " qu'aux termes de l'article 28 du même code : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées prévues par le présent code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une des procédures formalisées prévues par le présent code, le pouvoir adjudicateur est tenu d'appliquer les modalités prévues par le présent code. " ;


5. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir la société JT2M, le marché en cause, relatif à l'accompagnement socioprofessionnel de publics en difficulté, n'appartenait à aucune des catégories mentionnées à l'article 29 du code des marchés publics, et notamment pas à celle intitulée " Conseil en gestion et services connexes " ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, ce marché pouvait dès lors, quel que soit son montant, être passé selon une procédure adaptée ; que la société requérante, par suite, ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 57 du code des marchés public relatif à la procédure d'appel d'offres ouvert ;


6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du code des marchés publics que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue par l'article 28 de ce code sont soumis, et ce, quel que soit leur montant, aux principes généraux posés au deuxième alinéa du I de l'article 1er du même code, selon lesquels " les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (...) par la définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. " ; que si la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui permettre de respecter les principes généraux précités qui s'imposent à elle ;

7. Considérant que, pour passer le marché en cause, d'un montant prévisionnel de 160 000 euros et relatif à l'accompagnement socioprofessionnel de publics habitant dans l'Est de La Réunion, selon la procédure adaptée prévue par l'article 28 du code des marchés publics, la CIREST a fait procéder à la publication, le 28 octobre 2009, d'un avis d'appel public à la concurrence dans les journaux régionaux " Le Journal de l'île de la Réunion " et " Le Quotidien de La Réunion ", ainsi que sur le site Internet " achatpublic.com " ; que, compte tenu de l'objet du marché, ces mesures ont permis d'assurer une publicité suffisante auprès des personnes ayant vocation à y répondre de telle sorte que soient respectés les principes de libre accès à la commande et d'égalité de traitement des candidats ;


8. Considérant, en quatrième lieu, que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu'il appartient au pourvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné, en précisant la hiérarchisation ou la pondération de ces critères ; qu'il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation qu'il envisage de retenir et d'utiliser pour évaluer les offres au regard des critères de sélection ;


9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'article 5 du règlement de la consultation intitulé " jugement des offres " a distingué les critères du prix, pondéré à 30 %, et de la valeur technique de l'offre, pondéré à 70 % ; qu'il a en outre décomposé le critère relatif à la valeur technique en trois sous-critères, et indiqué leur pondération respective ; qu'il a enfin informé les candidats de ce que la notation des critères et sous-critères serait fondée sur une échelle de 0 à 20 ; que ces indications, bien que ne portant pas sur les règles de notation des offres les unes par rapport aux autres, ont suffi à assurer le respect de principes susmentionnés ;


10. Considérant, en cinquième lieu, que l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser justifiaient objectivement le recours au sous-critère, pondéré à hauteur de 25 %, tenant à " la connaissance par le titulaire de l'environnement économique (portefeuille d'entreprises dans l'Est plus particulièrement stipulant : 1- les coordonnées de l'entreprise ainsi que la personne contactée, 2- le nombre de placements,3-la durée des placements-,4-les types de contrats " ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que, du seul fait de son implantation, la société requérante aurait été dans l'impossibilité de répondre à ce sous-critère ; que celui-ci n'ayant eu ni pour objet, ni pour effet d'exclure les candidats implantés en dehors du secteur Est de La Réunion, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-discrimination ne peut qu'être écarté ;


11. Considérant, en sixième lieu, que la mise en oeuvre du sous-critère précité tenant à la connaissance de l'environnement économique, impliquant pour les candidats de fournir des informations au seul pouvoir adjudicateur, ne comportait par elle-même aucune violation du secret des affaires ;


12. Considérant, en septième lieu, que dans le cadre de la procédure adaptée, il est loisible au pouvoir adjudicateur d'examiner, au cours d'une phase unique, la recevabilité des candidatures et la valeur des offres ; qu'ainsi, la société JT2M ne peut utilement faire valoir que la CIREST aurait introduit, parmi les critères d'appréciation de la valeur des offres, des exigences relatives à la sélection des candidatures devant faire l'objet d'une phase distincte ;


13. Considérant, en huitième lieu, qu'il résulte notamment des mentions portées au tableau d'analyse des offres que la CIREST s'est livrée à un examen approfondi de chacune des offres ; qu'ainsi, la société requérante ne saurait se prévaloir des simples erreurs matérielles figurant au courrier du 31 décembre 2009 par lequel la CIREST l'a informée de ce que ses offres n'avaient pas été retenues, pour soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait procédé à un examen sommaire des offres ;


14 Considérant, en neuvième lieu, que les dispositions de l'article L. 5314-2 du code du travail définissant l'objet des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes dans leur mission de service public pour l'emploi ne font pas, par elles mêmes, obstacle à ce qu'une telle association soit candidate à un marché public relatif à l'accompagnement socioprofessionnel des publics adultes participant au Plan local pour l'insertion et l'emploi ;


15. Considérant, en dixième lieu, qu'aucun texte ni aucun principe n'interdit, en raison de sa nature, à un opérateur subventionné de se porter candidat à l'attribution d'un marché public ; que la société requérante ne saurait dès lors utilement faire valoir que, du fait de son statut d'association percevant des subventions, et à supposer même que celles-ci proviennent de communes membres de la CIREST, la MLE ne pouvait régulièrement présenter sa candidature ;


16. Considérant, en onzième lieu, que si la société JT2M fait valoir qu'elle a davantage d'expérience que la MLE dans l'accompagnement socioprofessionnel des publics adultes visés par le marché, cette circonstance, à la supposer établie, ne révèle pas que l'attribution des lots litigieux procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation de la valeur technique des offres, laquelle n'était pas appréciée au regard de l'expérience des candidats dans un tel accompagnement ;


17. Considérant, enfin, que l'offre présentée par la MLE pour le lot n°3 ne peut être regardée comme anormalement basse du seul fait de l'écart de prix la séparant des offres concurrentes ;




Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 décembre 2009 par laquelle la CIREST a déclaré sans suite l'appel d'offres en ce qu'il portait sur le lot n° 2 :

18. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, le marché en cause pouvait être passé selon une procédure adaptée quel que soit son montant ; qu'il n'est nullement démontré que la décision par laquelle la CIREST a décidé de ne pas donner suite à l'appel d'offres relatif au lot n° 2 aurait eu pour objet de ne pas dépasser le seuil au-delà duquel une procédure formalisée aurait dû être mise en oeuvre ; que le détournement de procédure allégué n'est ainsi pas établi ;


19. Considérant, en second lieu, qu'ainsi que l'a jugé le tribunal, l'abandon du lot n°2 relatif à l'accompagnement des publics habitant les communes de Saint-Benoît et Sainte-Rose reposait sur des considérations budgétaires, dont la réalité n'est pas sérieusement contestée ; que la société JT2M n'est ainsi pas fondée à soutenir que cette décision n'aurait pas été prise pour un motif d'intérêt général ;


Sur les conclusions indemnitaires :

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JT2M n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté son recours en contestation des contrats litigieux et ses conclusions aux finx d'annulation de la décision de ne pas donner suite au lot n° 2 du marché en cause ; que, par suite, la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à être indemnisée des conséquences de sa prétendue éviction irrégulière du marché ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :



Article 1er : La requête de la société JT2M est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la CIREST au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 13BX01771



Source : DILA, 19/05/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 05/05/2015