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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 02/04/2015, 13BX03428, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme GIRAULT

Rapporteur : Mme Sabrina LADOIRE

Commissaire du gouvernement : Mme MEGE

Avocat : CABINET D'AVOCATS BF2A


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2013, présentée pour la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST), dont le siège est 26 b, résidence Le Manchy rue Leconte de l'Isle BP 124 à Saint Benoît Cedex (97470), par le cabinet d'avocats BF2a ;

La communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101147 du 12 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a déchargé la SAS SEPUR des pénalités qui lui avaient été infligées pour la période de janvier à octobre 2010, dans le cadre de l'exécution du marché de collecte des déchets sur les communes de Salazie et Saint-André conclu le 12 août 2009 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS SEPUR devant le tribunal administratif de Saint-Denis ;

3°) à titre subsidiaire, de ne pas décharger cette société des pénalités contractuelles au titre de la période de janvier à décembre 2010 ;

4°) de mettre à la charge de la SAS SEPUR une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code général des collectivités territoriales

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2015 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS SEPUR a conclu, le 12 août 2009, un marché de collecte des déchets sur les communes de Salazie et Saint-André, avec la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) ; que l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché prévoit une liste de 39 infractions donnant lieu à l'application d'une pénalité, dont le montant varie de 100 euros à 2 500 euros ; que pour la période de janvier à octobre 2010, la CIREST avait retenu un montant cumulé de pénalités s'élevant à la somme de 511 190 euros ; que la SAS SEPUR ayant contesté, chaque mois, le montant des pénalités envisagées contre elle, la CIREST lui a proposé, par un courrier du 7 juillet 2010, de mettre en oeuvre la procédure de conciliation prévue à l'article 15 du CCAP, au terme de laquelle une commission de conciliation devait élaborer un protocole d'accord ; que par courrier du 25 janvier 2011, la CIREST a proposé de ramener le montant de ces pénalités à la somme de 53 570 euros ; que par un courrier du 27 avril 2011, la SAS SEPUR a proposé que le montant des pénalités soit ramené à la somme de 25 000 euros ; que la CIREST, conformément à ce qu'elle avait indiqué par courrier du 7 juillet 2010, a soumis cette dernière proposition à l'accord du conseil communautaire, qui par délibération du 22 septembre 2011, l'a rejetée et a proposé de revenir à la somme initialement prévue de 53 570 euros ; que suite à l'échec de cette conciliation, la SAS SEPUR a demandé au tribunal l'annulation de cette délibération et de l'article 11 du CCAP du marché en cause ; que cette société sollicitait, à titre subsidiaire, que le montant des pénalités soit ramené à la somme de 25 000 euros ; que la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) relève appel du jugement n° 1101147 du 12 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a déchargé la SAS SEPUR des pénalités qui lui avaient été infligées pour la période de janvier à octobre 2010 ;


Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la CIREST soutient que le tribunal a statué ultra petita en considérant que la société Sepur avait demandé à être déchargée en totalité du paiement des pénalités contractuelles alors qu'elle avait sollicité l'annulation de la délibération du 22 septembre 2011 et n'avait demandé qu'à titre subsidiaire de ramener le montant des pénalités à la somme de 25 000 euros ;

3. Considérant que dans sa demande de première instance, la société SEPUR avait sollicité " l'annulation de la délibération du 22 septembre 2011 votée par la CIREST au titre des pénalités 2010, pour le marché de collecte des déchets ménagers " en indiquant que " la décision de la CIREST d'infliger des pénalités est totalement illégale " ; que ce n'est qu'à titre subsidiaire, " et si le tribunal estimait néanmoins que des pénalités étaient dues ", qu'elle lui a demandé de ramener à 25 000 euros le montant de celles-ci ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges, auxquels il appartenait de donner aux conclusions de la société une portée utile au regard de la nature des relations contractuelles en litige, ont considéré que la société avait, à titre principal, demandé à être déchargée intégralement des pénalités qui lui avaient été infligées ; qu'ils n'ont donc pas statué au-delà des conclusions dont ils étaient saisis ;


Sur la recevabilité de la demande :

4. Considérant en premier lieu que la CIREST soutient que la délibération du conseil communautaire du 22 septembre 2011 n'avait pas pour objet d'infliger des pénalités à la société SEPUR mais uniquement d'autoriser le président de la CIREST à conclure une transaction relative au montant des pénalités applicables à cette société et que par suite, elle ne lui faisait pas grief ;

5. Considérant d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article L.2122-21 du code général des collectivités territoriales applicable aux établissements publics de coopération intercommunale, que si le président de la CIREST était compétent pour signer le protocole transactionnel, le principe et le montant des pénalités mises à la charge de la société cocontractante devaient être approuvés par le conseil communautaire de cet EPCI ; que d'autre part, les élus communautaires, par la délibération du 22 septembre 2011, ont rappelé qu'il leur appartenait de " se prononcer sur le montant final des pénalités qui doit être réclamé aux sociétés Sepur et Inovest " et ont décidé, à l'unanimité, d'adopter les propositions du président consistant à " fixer le montant des pénalités applicables à 53 370 euros s'agissant de la société Sepur, à approuver le protocole d'accord d'application des pénalités à compter du mois d'octobre 2010 et à l'autoriser à signer les actes y afférents " ; que par une lettre datée du 22 novembre 2011, le président de la CIREST a notifié le sens de cette délibération à la société intimée, en lui indiquant que " les élus communautaires ont souhaité maintenir le montant des pénalités à 53 370 euros " et en lui précisant que cette délibération était susceptible " d'un recours pour excès de pouvoir " formé dans un délai de deux mois à compter de sa date d'affichage, à savoir le 7 octobre 2011 ; que dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la CIREST, cette délibération, qui rejetait la demande de société SEPUR tendant à une réduction plus substantielle des pénalités, lui a fait nécessairement grief ;

6. Considérant en deuxième lieu, que la CIREST fait valoir que le décompte général du marché n'étant pas établi, la demande de la société SEPUR était irrecevable dès lors que les pénalités en litige, destinées à être intégrées au décompte, ne lui avaient pas été définitivement infligées ;

7. Considérant que l'article 8.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché prévoit " qu'à l'issue de chaque mois d'activité, à compter de la date de démarrage des prestations, le titulaire établira un décompte qui comportera un détail correspondant aux prestations effectuées dans le mois écoulé " et que ce décompte devra notamment mentionner " les pénalités notifiées par procès-verbal " ; qu'ainsi, les dispositions contractuelles du marché en litige prévoient seulement des décomptes mensuels et non un décompte général du marché ; que, dans ces conditions, les pénalités infligées à la société SEPUR pouvaient faire l'objet d'un règlement distinct du décompte du marché, par le biais de la conclusion d'un protocole transactionnel d'application des pénalités du marché, lequel a d'ailleurs été envisagé au regard du montant très important, à hauteur de 511 190 euros, auquel aboutissait l'application systématique des pénalités prévues par le cahier des clauses administratives particulières ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de la méconnaissance d'un principe d'unicité du décompte doit être écartée ;


8. Considérant en troisième lieu, que la CIREST fait valoir que la mise en oeuvre de la procédure de conciliation régie par l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières ne permettait pas de déroger à l'exigence de réclamation préalable prévue par l'article 34-1 du cahier des clauses administratives générales dès lors que la possibilité de saisir directement le tribunal sans respecter la procédure de contestation préalable n'avait pas été expressément prévue par le cahier des clauses administratives particulières, notamment par son article 16 qui énonce de manière exhaustive les possibilités de déroger aux stipulations du cahier des clauses administratives générales ;


9. Considérant qu'aux termes de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services : " Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu " ; qu'en vertu de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché : " Des contestations pouvant s'élever entre le CIREST et le titulaire concernant l'application du présent contrat, elles se règleront de la façon suivante : - les parties conviennent de régler leur différend par un accord à l'amiable : la contestation est soumise à une tentative de conciliation par une commission d'arbitrage composée de deux experts ayant la faculté d'en désigner un troisième. Faute pour ceux-ci de s'entendre dans un délai de quinze jours, la désignation du troisième membre sera faite par la Présidente du tribunal administratif. Il en sera de même pour les membres qui n'auraient pas été désignés par les parties à compter de l'expiration de la période de quinze jours ci-dessus ; - faute pour les parties de parvenir à un accord à l'issue de cette procédure, les contestations seront soumises au tribunal administratif dont dépend la CIREST. " ;


10. Considérant qu'il résulte d'une lecture combinée des dispositions précitées, que dans le présent contrat, la réclamation préalable que doit présenter le cocontractant de l'administration en vertu de l'article 34-1 du cahier des clauses administratives générales peut prendre la forme de la conciliation prévue par l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières ; qu'ainsi, en cas d'échec de la procédure de conciliation, laquelle a nécessairement permis de circonscrire le différend opposant les parties, le cocontractant de l'administration peut directement saisir le tribunal administratif d'une contestation ; que la société SEPUR pouvait dès lors, après l'échec de la procédure de conciliation, directement saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à être déchargée du paiement des pénalités que le conseil communautaire avait décidé de lui infliger par sa délibération du 22 septembre 2011, sans avoir à renouveler la présentation d'un mémoire en réclamation ; que dans ces conditions, aucune mention d'une dérogation sur ce point dans l'article 16 du CCAP n'était nécessaire ; que la fin de non recevoir ainsi invoquée par la CIREST ne peut dès lors qu'être écartée ;


Sur le bien-fondé des pénalités :

11. Considérant que la CIREST soutient qu'en estimant que la procédure de constatation des incidents prévue par l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières est applicable à l'ensemble des infractions énoncées par le contrat, le tribunal a dénaturé les termes de celui-ci en privant d'effet utile les sanctions énoncées ; qu'elle fait valoir qu'il est impossible d'accorder un délai de rétablissement pour remédier à des infractions constituées par de brèves actions ne pouvant être réparées comme l'absence de propreté d'un véhicule, des bruits excessifs lors de la collecte ou le non respect d'un horaire ou d'un délai ;


12. Considérant que l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit que : " Toute infraction au présent CCAP et au CCTP donne lieu à l'application d'une pénalité dont le montant est évalué selon les modalités ci-après ... " ; qu'après avoir listé les 39 cas relevant de trois catégories d'infractions, afférentes respectivement aux caractéristiques techniques des moyens, à l'exploitation du service et aux défauts de performance du cocontractant, il stipule que : " La CIREST pourra constater sur le terrain tout incident lié à l'exécution du service. Il établira un ticket d'incident qui sera transmis par télécopie ou courrier électronique au titulaire. / Le ticket d'incident, valant mise en demeure, relèvera ; - la nature de l'incident ; - la situation géographique ; - le délai de rétablissement ; A défaut de rétablissement dans les délais indiqués ci-dessus, la CIREST informe le titulaire, par lettre RAR, de l'application du montant de la pénalité. La CIREST reste seule juge du bien fondé des arguments présentés par le titulaire. En conséquence, celui-ci ne pourra élever aucune protestation dans les cas où la CIREST maintiendrait l'application des pénalités après qu'il ait formulé ses observations " ;


13. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la procédure dite du " ticket d'incident " constitue une procédure contradictoire spécifique, dans le cadre de laquelle la CIREST doit inviter son cocontractant à présenter ses observations avant de lui infliger des pénalités en exécution du marché ; que cette procédure oblige l'autorité publique à notifier à son cocontractant les infractions constatées, en lui précisant la nature et la situation géographique de celles-ci, ainsi qu'un délai de rétablissement ; qu'à supposer même qu'aucun délai de rétablissement ne soit envisageable pour certains incidents dès lors que ceux-ci ne pourraient, compte tenu de leur nature, être réparés, la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées devrait néanmoins être respectée dès lors qu'elle n'a pas uniquement pour finalité de permettre au cocontractant de remédier à l'infraction constatée mais également de présenter ses observations sur l'incident qui lui est reproché, avant que ne soit définitivement mise à sa charge une pénalité, et d'en éviter la répétition ; que, par suite, la procédure du ticket d'incident, expressément applicable à " tout incident lié à l'exécution du service ", couvrait donc nécessairement les trois catégories d'incidents recensés par l'article 11 et devait être respectée pour l'ensemble des incidents constatés, alors même qu'ils ne seraient pas susceptibles d'un rétablissement et que la fixation d'un délai apparaitrait par suite sans objet ; qu'il est constant qu'elle ne l'a pas été pour la période de janvier à octobre 2010 en litige, qui correspondait aux premiers mois du marché ; que les pénalités ont donc été imposées à la suite d'une procédure irrégulière ;


14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CIREST n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a déchargé la société SEPUR du montant des pénalités qu'elle lui avait infligées au titre du marché de collecte des déchets ménagers ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la CIREST sur leur fondement ;



DECIDE :


Article 1er : La requête de la Communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) est rejetée.
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No 13BX03428



Abstrats

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Mauvaise exécution.
39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.

Source : DILA, 09/04/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Bordeaux

Date : 02/04/2015