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CAA de MARSEILLE, 1ère chambre - formation à 3, 20/03/2014, 13MA02236, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. BENOIT

Rapporteur : M. Lilian BENOIT

Commissaire du gouvernement : M. REVERT

Avocat : BOUMAZA


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 13MA02236, présentée pour M. B... C..., demeurant au..., par Me E... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300132 du 18 mars 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 juillet 2012 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire à la société en nom collectif (SNC) Marseille Docks Libres, ensemble la décision du 8 novembre 2012 du maire de Marseille rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler ledit arrêté et ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille et de la SNC Marseille Docks Libres le versement de la somme de 2 392 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :

- le rapport de M. Benoit, président,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant MeE..., de Me F...et Me G... pour M. C...et de Me D...pour la SNC Marseille Docks libres ;

1. Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 juillet 2012 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire à la société en nom collectif (SNC) Marseille Docks Libres ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. C...a reçu la notification de l'ordonnance attaquée le 6 avril 2013 ; que cette notification a fait courir le délai d'appel de deux mois francs jusqu'au 7 juin 2013 ; que la requête a été enregistrée le 6 juin 2013 ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la SNC Marseille Docks Libres tirée de la tardiveté de la requête d'appel doit être écartée ;

4. Considérant que, par courrier enregistré au greffe de la Cour le 25 juillet 2013, M. C... a justifié de la notification de sa requête tant à la commune de Marseille qu'à la SNC Marseille Docks Libres, bénéficiaire du permis de construire en cause, dans le délai de quinze jours francs imposé par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la SNC Marseille Docks Libres tirée de la méconnaissance de ces dispositions doit être écartée ;

Sur la régularité et le bien fondé de l'ordonnance attaquée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : 4o Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. (...) " ;

6. Considérant que, sans critiquer le recours à la procédure de demande de régularisation, M. C...soutient que le contenu de la demande faite le 17 janvier 2013 était irrégulier ; que, toutefois, en lui demandant d'indiquer la distance séparant son bien du terrain d'assiette de l'opération par la production d'un plan, le tribunal a sollicité la communication d'informations lui permettant d'apprécier son intérêt à agir ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

7. Considérant que M. C... soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'un vice de procédure, en raison de l'absence d'invitation par le tribunal à justifier du caractère actuel de sa propriété ; que, toutefois, si le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a retenu cette circonstance, il a jugé que la demande était irrecevable au motif que le requérant ne justifiait pas d'un intérêt suffisant pour agir compte tenu de la configuration des lieux ; qu'il suit de là que l'irrégularité alléguée par M. C...n'a pas eu d'incidence sur le sens du jugement ;
8. Considérant que M. C... fait valoir qu'il est propriétaire d'un immeuble consistant en un bâtiment à usage d'usine et d'habitation, situé au 20 rue de Jouven, soit à une distance de 200 mètres environ du projet en litige ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, eu égard à la forte densité urbaine du secteur au sein duquel le projet contesté est situé, à la distance de 200 mètres séparant le projet de l'immeuble dont se prévaut le requérant et à la configuration des lieux, malgré l'importance du projet et l'éventuelle visibilité partielle sur le projet depuis le bien de l'intéressé non établie en l'état de l'instruction, M. C..., qui ne fait valoir que sa qualité de propriétaire de l'immeuble et ne met en avant aucune gêne dans son exploitation, ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour agir contre le permis de construire en cause ; que cette irrecevabilité revêt un caractère manifeste ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a pu, à bon droit, rejeter la demande de M. C... sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative précitées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme résultant de l'article 2 de l'ordonnance susvisée du 18 juillet 2013 : " -Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) " ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (...) " ;

12. Considérant que M. C...soutient que les dispositions de la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction méconnaissent l'article 38 de la Constitution et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

13. Mais considérant, d'une part, que la loi du 1er juillet 2013 sert de fondement à l'ordonnance susvisée du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme dont est issu l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, les dispositions de la loi du 1er juillet 2013 ne sont pas directement applicables au litige ; que ces dispositions, d'autre part, en se bornant à habiliter le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, ne sont pas de nature, par elles-mêmes, à porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, par suite, la question soulevée par M. C... ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...soutient que l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme est contraire à la Constitution en ce qu'il méconnait le principe de séparation des pouvoirs et la répartition des compétences entre les juridictions ; que ce moyen est utilement soulevé devant le juge administratif dès lors qu'en l'absence de ratification expresse de l'ordonnance du 18 juillet 2013 par le législateur, cet article conserve le caractère d'un acte administratif ; qu'il résulte de l'exposé des motifs de la loi du 1er juillet 2013 et du rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance du 18 juillet 2013 que le législateur a entendu habiliter le Gouvernement à prendre toute disposition utile en aménageant les compétences et les pouvoirs des juridictions ; qu'ainsi, l'aménagement de la répartition des compétences entre les juridictions, autorisé par la loi, n'entache aucunement l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme d'une inconstitutionnalité ; que cet article n'est contraire ni à l'objectif d'intelligibilité ni à celui de clarté de la loi ; que, en tout état de cause, il n'est pas nécessaire de surseoir à statuer pour transmission d'une question préjudicielle au juge judiciaire ;

15. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme n'ont pas eu pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'affecter le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ; qu'ainsi, en l'absence de dispositions expresses contraires dans l'ordonnance susvisée du 18 juillet 2013, elles sont applicables aux litiges en cours à la date d'entrée en vigueur de ces dispositions ;

16. Considérant que la SNC Marseille Docks Libres fait valoir que le recours de M. C... a eu pour effet de reporter la réalisation du projet et pour conséquence le désistement de 132 clients réservataires, que l'ensemble immobilier en cause est un projet d'envergure dont le chiffre d'affaires s'élève à 90 millions d'euros et que, dans ces circonstances, le recours a engendré un préjudice financier que la SNC évalue à la somme de 3 860 723 euros ; que, toutefois, ainsi que le soutient le requérant, le permis de construire attaqué a fait l'objet d'autres recours, dont un a fait l'objet d'un arrêt de la Cour en date du 31 octobre 2013 et trois de jugements du tribunal administratif de Marseille en date du 13 février 2014 ; qu'ainsi, les préjudices allégués par la SNC ne sont pas uniquement imputables au recours de M. C... ; que le lien de causalité n'est, dès lors, pas établi entre ce dernier et le préjudice du bénéficiaire du permis ; que, par suite, les conclusions à fin d'allocation de dommages et intérêts présentées par la SNC Marseille Docks Libres doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SNC Marseille Docks Libres, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à M. C... quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 4 000 euros à la SNC Marseille Docks Libres en application de ces dispositions ;

Sur l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros. " ; que la requête présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner M. C... à payer une amende de 3 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.C....

Article 2 : La requête de M. C... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SNC Marseille Docks Libres au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : M. C... versera la somme de 4 000 (quatre mille) euros à la SNC Marseille Docks Libres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : M. B... C..., né le 27 septembre 1966 à Tunis (Tunisie), est condamné à payer une amende de 3 000 (trois mille) euros pour recours abusif en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la commune de Marseille et à la SNC Marseille Docks Libres.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille et à la directrice régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'Azur pour le recouvrement de l'amende.

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N° 13MA02236
JD



Abstrats

54-01-04-01 Procédure. Introduction de l'instance. Intérêt pour agir. Absence d'intérêt.
68-06-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles de procédure contentieuse spéciales. Introduction de l'instance. Intérêt à agir.

Source : DILA, 01/04/2014, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Marseille

Date : 20/03/2014