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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09/01/2014, 13NC00867, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. EVEN

Rapporteur : M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ

Commissaire du gouvernement : M. COLLIER

Avocat : COTILLOT


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me D... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101083 du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 avril 2011 par lequel le président du conseil général du département de la Haute-Marne a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au président du conseil général de procéder à la reconstitution de sa carrière, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Marne le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu son droit à un procès équitable, garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve, méconnaissant ainsi les droits de la défense ;
- la décision du 14 avril 2011 est insuffisamment motivée en fait ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le directeur général des services a émis le 22 décembre 2009 un avis favorable à la poursuite de son contrat, qu'aucune difficulté ne lui a été signalée avant le 5 janvier 2010, terme de sa période d'essai, qu'aucun des documents produits par le département ne permet d'établir la réalité des faits qui lui ont été reprochés pendant sa période d'activité du 5 octobre 2009 au 19 janvier 2010, et qu'il fait l'objet d'appréciations favorables dans le cadre de ses nouvelles fonctions ;
- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir dès lors que son licenciement fait suite à une altercation avec une élue qui s'était autorisée une allusion sur sa vie privée ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 août 2013, présenté pour le département de la Haute-Marne, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le département de la Haute-Marne fait valoir que :

- le tribunal administratif n'a pas méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les deux affaires sur lesquelles le rapporteur public s'est prononcé ne sont pas identiques, que ce dernier n'est pas un membre de la formation de jugement et qu'il ne participe pas au délibéré ;
- la charge de la preuve n'a pas été irrégulièrement inversée dès lors que l'appelant ne produit aucun élément de nature à faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination ;
- en tout état de cause, les pièces du dossier établissent que le licenciement est fondé sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressé ;
- la décision attaquée est suffisamment motivée en fait ;
- les documents produits par l'administration établissent la réalité des faits reprochés à l'appelant ;
- ce dernier n'apporte aucun élément de nature à contredire l'appréciation portée sur son inaptitude à occuper les fonctions de direction qui lui avaient été confiées ;
- le directeur général des services n'a été informé des faits caractérisant l'insuffisance professionnelle de l'intéressé qu'après avoir émis un avis favorable à la poursuite de son contrat ;
- le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour M. C...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er décembre 2013, présenté pour le département de la Haute-Marne qui conclut aux mêmes fins par les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2013 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M.C..., et de MeB..., pour le département de la Haute-Marne ;

1. Considérant que M.C..., agent contractuel, recruté à compter du 5 octobre 2009 par le département de la Haute-Marne pour occuper les fonctions de directeur du développement local, de la culture, du sport et de la vie associative, a été licencié pour insuffisance professionnelle par un arrêté du président du conseil général en date du 15 février 2010 ; que cet arrêté ayant été annulé par un jugement du 17 février 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, l'intéressé a été réintégré dans les effectifs du département par un arrêté du 21 février suivant, et informé, par courrier du même jour, de ce que l'administration envisageait de prendre une nouvelle mesure de licenciement à son encontre, laquelle a été prononcée par arrêté du 14 avril 2011 ; que M. C... fait appel du jugement du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que ni le devoir d'impartialité rappelé par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (...) ", qui s'impose à toute juridiction, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que les mêmes juges, dont l'impartialité n'est pas mise en cause, statuent successivement sur deux décisions administratives prises à l'encontre d'un même requérant et que le rapporteur public puisse conclure à deux reprises sur ces décisions ; qu'ainsi, la seule circonstance que certains magistrats du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant participé à l'élaboration du jugement du 17 février 2011 sont à nouveau intervenu dans le cadre de la seconde instance afférente au jugement du 7 mars 2013 n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ;

Sur la légalité de l'arrêté du 14 avril 2011 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 42 du décret susvisé du 15 février 1988 : " (...) La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement (...) " ; qu'après avoir précisé que la capacité managériale constitue une condition d'exercice essentielle des fonctions de direction confiées à M.C..., lequel était chargé d'animer et de coordonner la direction du développement local, de la culture, des sports et de la vie associative, et de proposer une nouvelle organisation pour cette direction, en concertation avec ses collaborateurs, l'arrêté attaqué a exposé de façon précise les difficultés rencontrées par l'intéressé dans ses relations avec les équipes travaillant sous sa responsabilité, en indiquant que " l'attitude distante et le management abrupt de l'intéressé ont été perçus par ses collaborateurs comme la marque d'un désintérêt à leur égard, voire d'un dénigrement du travail accompli, à l'origine d'un mal-être exprimé auprès du médecin de prévention et de la directrice des ressources humaines " ; que l'arrêté en a déduit que ces difficultés relationnelles et managériales avérées et croissantes caractérisent une insuffisance professionnelle de l'agent ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué du 14 avril 2011 portant licenciement de M. C...est suffisamment motivé ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 28 janvier 2010 par le directeur général des services, de l'attestation du médecin de prévention en date du 25 février 2010, et de celle de la directrice des ressources humaines du 28 février 2010, que M. C...a rencontré d'importantes difficultés dans ses relations avec les agents de la direction du développement local, de la culture, des sports et de la vie associative, dont il devait assurer l'animation et la réorganisation conformément au " document de cadrage " daté du 5 octobre 2009 ; que selon ce rapport et ces attestations, le comportement professionnel de M. C...s'est caractérisé, pendant sa période d'activité au sein du département de la Haute-Marne, par un commandement autoritaire, une écoute insuffisante de ses collaborateurs, pour lesquels il s'est montré peu disponible, la prise de décisions abruptes et incomprises de ses services, la rétention d'informations et la prise d'instructions tardives générant une urgence artificielle ; qu'il ressort en particulier des courriels échangés les 4 et 5 janvier 2010 entre le directeur général des services et M. C... que ce dernier n'est pas parvenu à élaborer un projet de réorganisation de ses services pour la mi-décembre 2009, objectif qui lui avait été expressément assigné par le " document de cadrage " ; que si l'appelant fait observer que le directeur général des services a émis un avis favorable, le 22 décembre 2009, à la poursuite de son contrat et qu'aucune critique n'a jamais été formulée sur sa manière de servir avant le 5 janvier 2010, date à laquelle sa période d'essai a pris fin, il n'apporte aucun élément de nature à réfuter les reproches précis et circonstanciés formulés par l'administration à son encontre ; qu'en particulier, ni les cartes de voeux adressées par certains élus à M. C...pour la nouvelle année 2010, ni l'attestation du 22 janvier 2013 selon laquelle l'intéressé fait l'objet d'une appréciation favorable dans ses fonctions actuelles de rédacteur au service France Domaine, ne sont de nature à contredire les éléments pris en compte par l'administration, dont il résulte qu'il n'a pas été en mesure d'assurer ses fonctions ; qu'en prononçant le licenciement contesté pour insuffisance professionnelle à raison des difficultés relationnelles rencontrées par M. C... avec les équipes qu'il dirigeait, et une inaptitude à exercer des fonctions de direction, l'autorité compétente n'a entaché sa décision ni d'une erreur quant à la matérialité des faits, ni d'une erreur d'appréciation ;
4. Considérant, en troisième lieu, que M. C...affirme que la mesure de licenciement dont il a été l'objet fait suite à une altercation, survenue le 15 janvier 2010, avec une élue du conseil général après que celle-ci ait publiquement exprimé des remarques concernant sa vie privée ; que, toutefois, si l'appelant fait état d'une concomitance entre cette altercation et l'engagement, le 19 janvier 2010, de la procédure de licenciement déclenchée à son encontre, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment du rapport établi par le directeur général des services, que le département de la Haute-Marne s'est exclusivement fondé sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressé pour prendre la décision attaquée ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que son licenciement aurait été prononcé pour des motifs étrangers à sa manière de servir et serait entaché d'un détournement de pouvoir ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Haute-Marne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C...la somme que le département de la Haute-Marne demande sur le fondement des mêmes dispositions ;


D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Haute-Marne fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au département de la Haute-Marne.

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N° 13NC00867



Abstrats

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.
37-03-05 Juridictions administratives et judiciaires. Règles générales de procédure. Composition des juridictions.

Source : DILA, 14/01/2014, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 09/01/2014