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CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 02/07/2015, 14LY00463, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. MESMIN d'ESTIENNE

Rapporteur : M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE

Commissaire du gouvernement : M. DURSAPT

Avocat : LAMAMRA


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Sécoval, désormais appelée société par actions simplifiée JAD, a demandé au Tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'annuler le titre de recette n° 52, d'un montant de 31 412,39 euros, émis à son encontre le 18 février 2010 par la communauté de communes du Val de Drôme, de prononcer la décharge de cette somme, de condamner la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque, de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant des pénalités de retard mises à sa charge, d'annuler le titre de recette n° 52, d'un montant de 31 412,39 euros, émis le 18 février 2010 par la communauté de communes du Val de Drôme à son encontre, de prononcer la décharge de cette somme et de condamner la communauté de communes du Val de Drôme à lui rembourser la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de cette garantie, diminuée du montant des travaux ainsi que des pénalités de retard ainsi minorées ;

Par un jugement n° 1002033 du 11 décembre 2013, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé le titre de recette n° 52, d'un montant de 31 412,39 euros, émis le 18 février 2010 par la communauté de communes du Val de Drôme à l'encontre de la société JAD, a déchargé la société JAD de la somme de 31 412,39 euros, a mis à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme le versement à la société JAD de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par une requête, enregistrée le 13 février 2014, la société JAD, représentée par Me Lamamra, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de condamnation de la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque, outre les intérêts de droits et intérêts
capitalisés ;

2°) de condamner la communauté de communes du Val de Drôme à lui verser la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque, outre les intérêts de droits à compter du 5 novembre 2009, date de sa requête introductive d'instance, et intérêts capitalisés depuis le 5 novembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges, qui ont fait une lecture restrictive et incomplète de ses écritures, ont rejeté sa demande tendant à ce que lui soit restituée la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui a été versée à la communauté de communes du Val de Drôme par la BTP Banque, dès lors que l'intangibilité du décompte général définitif (DGD) qui ne faisait état ni des travaux de levée de réserves, ni de pénalités contractuelles, l'absence de lien entre les réserves émises à la réception et les travaux effectués d'office, l'existence d'une réfaction déjà effectuée par le maître de l'ouvrage sur le montant de la prestation concernée ainsi que l'absence de notification du marché de substitution l'ont privée de son droit de contrôle et de suivi de travaux réalisés à ses frais ; qu'elle établit, au surplus, avoir subi le préjudice dont elle sollicite réparation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que lui soit restituée la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui a été versée à la communauté de communes du Val de Drôme par la BTP Banque, dès lors que l'intangibilité du décompte général définitif faisait obstacle à ce que la communauté de communes puisse mettre en recouvrement une créance qui n'était pas due ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2014, la communauté de communes du Val de Drôme prise en la personne de son président en exercice, représentée par Me Champauzac, avocat, conclut, à titre principal au rejet de la requête et au rejet de la demande de la société JAD devant le Tribunal administratif de Grenoble ; à titre subsidiaire, à ce que le montant de la décharge accordée à la société JAD soit cantonné à la somme de 1 904,01 euros et dans tous les cas à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Val de Drôme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- s'agissant de la demande tendant à ce que soit restituée à la société JAD la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui a été versée à la communauté de communes du Val de Drôme par la BTP Banque, cette demande est irrecevable dès lors que seule la banque avait qualité pour agir en remboursement du règlement de cette garantie ; que la société JAD n'a dès lors pas d'intérêt pour agir ;
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la régularité de l'émission du titre de recette envers la BTP Banque correspondant au montant de cette garantie à première demande ;
- en l'absence, avant le 15 mars 2008, d'un mémoire contestant le décompte général notifié le 30 janvier 2008, la société JAD n'est plus recevable à en contester le contenu ;
- la communauté de communes était quant à elle fondée à mettre en oeuvre l'intégralité de la garantir de première demande sous couvert du décompte général définitif, laquelle garantie constituait une obligation autonome et indépendante du marché afin de garantir le paiement des sommes restant dues en vertu dudit décompte ;
- la communauté de communes était fondée à faire exécuter aux frais de la requérante les travaux d'un montant de 3 408,60 euros TTC exécutés par la société Buih en conséquence de la défaillance de la société JAD et correspondants aux réserves émises ; le décompte général devenu définitif mentionne de même expressément les pénalités d'un montant de 2 500 euros TTC correspondants aux absences de la société aux réunions de chantier ;
- très subsidiairement la cour cantonnera la décharge de paiement demandée par la société JAD au montant figurant sur le titre exécutoire, diminué des sommes dues par la société en vertu du DGD, soit la somme de 3 408,60 euros TTC correspondant aux réserves émises à laquelle s'ajoute la somme de 2 500 euros TTC correspondant aux absences aux réunions de chantier, soit une décharge limitée à 1 904,01 euros.

Par un mémoire, enregistré le 14 mai 2014, la société JAD a présenté des observations.

Elle soutient que :
- l'obligation autonome et indépendante du marché que constitue la garantie à première demande consentie par la BTP Banque ne prive nullement la requérante de son intérêt à agir en indemnisation du préjudice qu'elle a subi en s'acquittant des sommes versées à tort à ce titre par la banque à la communauté de communes ;
- la juridiction administrative est parfaitement compétente pour connaître d'une telle action dès lors qu'il s'agit là de conclusions indemnitaires dirigées contre une personne morale dont le comportement lui a occasionné un préjudice ;
- l'intangibilité du décompte général définitif ne fait nullement obstacle à ce que la requérante conteste les bases de liquidation des titres exécutoires ;
- l'autorité de la chose jugée qui s'attache au dispositif du jugement, qui est devenu définitif sur ce point, et aux motifs qui en sont le soutien, fait obstacle à la remise en cause de l'annulation du titre exécutoire n° 52 et donc à la prétention de la commune de mettre en jeu la garantie à première demande ;
- la société requérante demeure fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle a subi d'un montant de 7 812,60 euros, correspondant aux travaux exécutés par la société Buih qu'elle n'avait pas à supporter et aux pénalités pour absence de présence aux réunions de chantier alors que le DGD faisait apparaitre un solde nul ;
- la créance de la communauté de communes était en tout état de cause prescrite dès lors que la demande de la communauté de communes n'apparaît pour la première fois que dans ses écritures du 27 mars 2014.

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2014, la communauté de communes du Val de Drôme a présenté des observations.

Elle soutient que :
- la demande de la société tendant à la réparation d'un préjudice est nouvelle en appel et doit par suite être rejetée comme irrecevable ;
- aucune demande préalable n'a lié le contentieux s'agissant de cette demande ;
- aucune faute n'a été commise par la communauté de communes en mettant en oeuvre la garantie à première demande ; la légalité des titres exécutoires afin de mettre en oeuvre la garantie à première demande n'a d'ailleurs pas été mise en cause ;
- la requérante n'a subi aucun préjudice dès lors que le solde du décompte était nul et que celui-ci est devenu définitif ; qu'en tout état de cause, la communauté de communes était en droit de faire exécuter des travaux aux frais de la requérante et de recouvrer les pénalités de retard stipulées dès lors que la société JAD n'a pas rempli correctement ses obligations contractuelles ;

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2014, la société JAD a présenté des observations.

Elle soutient que :
- la demande de l'exposante n'est pas nouvelle en appel dès lors que dès la première instance elle sollicitait la condamnation de la communauté de communes à lui verser un montant équivalent à celui de la garantie à première demande dont elle a dû s'acquitter auprès de BTP Banque ; qu'une demande tendant à la décharge d'une somme figurant sur un titre exécutoire ressort du plein contentieux et que le contentieux a été lié dès la première instance ;
- les faits allégués générateurs de responsabilité éventuelle de la requérante sont intervenus ou ont été révélés postérieurement à l'intervention du DGD.

Par ordonnance du 5 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2015.

Vu :
- les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- et les observations de Me Lamamra, représentant la société JAD, et de MeC..., substituant Me Champauzac, représentant la communauté de communes du Val de Drôme.


1. Considérant que selon l'acte d'engagement en date du 11 mai 2006, la société à actions simplifiée Sécoval, devenue la société par actions simplifiée JAD, s'est vu confier la réalisation du lot n° 1, maçonnerie, d'un marché public passé sous maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes du Val de Drôme en vue de la réalisation de " la base des arts de la Rue " dans la commune d'Eurre ; que la réception des travaux, prononcée avec effet au 30 juillet 2007, a été assortie de plusieurs réserves dont l'une portait sur l'application de deux couches de peinture bitumineuse sur les longrines ; que cette réserve n'a pas été levée par la société JAD ; que la communauté de communes du Val de Drôme lui a notifié le décompte général afférent à ce marché et lui a fait savoir, par courrier en date du 30 juin 2008, que, faute pour l'intéressée de l'avoir contesté dans les formes prévues par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ce décompte avait acquis un caractère définitif ; que, le 25 mars 2009, la communauté de communes du Val de Drôme a fait réaliser les travaux de peinture litigieux par une société tierce, la société Buih, aux frais de la société JAD ; que le 10 septembre 2009, la communauté de communes a émis un titre de recette n° 247 d'un montant de 31 412,39 euros, adressé à la société JAD et correspondant à la liquidation des pénalités de retard dues par cette société en raison de la non-levée de la réserve litigieuse ainsi que deux titres de recette n° 245 et n° 246, d'un montant de 2 850 euros et de 4 962,61 euros, adressés à la BTP Banque en sa qualité de garant à première demande de la société JAD et correspondant respectivement au montant des travaux réalisés d'office par la société Buih et à la liquidation d'une partie des pénalités de retard ; que le titre de recette n° 247 a été retiré par la communauté de communes du Val de Drôme et remplacé par un titre n° 52, émis le 18 février 2010 pour un montant identique ; que la société JAD a demandé l'annulation du titre émis le 18 février 2010 et a sollicité du Tribunal administratif de Grenoble le prononcé de la décharge de la somme correspondante, outre la condamnation de la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer cette somme, assortie des intérêts de droit capitalisés ; que la société JAD demande l'annulation du jugement du 11 décembre 2013 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de condamnation de la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros et demande la condamnation de ladite communauté de communes à lui verser cette somme, outre les intérêts de droits à compter du 5 novembre 2009 ainsi que les intérêts capitalisés depuis le 5 novembre 2010 ;


Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative et sur les fins de non recevoir opposées par la communauté de communes du Val de Drôme à la demande de la société JAD :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 101 du code des marchés publics : " Le marché peut prévoir, à la charge du titulaire, une retenue de garantie qui est prélevée par fractions sur chacun des versements autres qu'une avance. (...) Dans l'hypothèse où le montant des sommes dues au titulaire ne permettrait pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie, celui-ci est tenu de constituer une garantie à première demande selon les modalités fixées à l'article 102. (...) " ; qu'aux termes de l'article 102 du même code : " La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande ou, si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, par une caution personnelle et solidaire. Le montant de la garantie à première demande ou de la caution personnelle et solidaire ne peut être supérieur à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. Leur objet est identique à celui de la retenue de garantie qu'elles remplacent. (...) Dans l'hypothèse où la garantie ou la caution ne serait pas constituée ou complétée au plus tard à la date à laquelle le titulaire remet la demande de paiement correspondant au premier acompte, la fraction de la retenue de garantie correspondant à l'acompte est prélevée. (...) " ; qu'aux termes de l'article 5-1 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché conclu entre la communauté de communes du Val de Drôme et la société JAD et relatif aux retenues de garantie : " Il est appliqué sur des sommes dues, à titre d'acompte, une retenue de garantie de 5 % (...). La retenue de garantie peut être remplacée au gré du titulaire par une garantie à première demande (...). La retenue est remboursée, et les établissements ayant accordé leur caution ou leur garantie à première demande sont libérés si l'administration n'a pas, avant expiration du délai de garantie, notifié par lettre recommandée au contractant ou à l'établissement selon le cas que le marché n'a pas été correctement exécuté. (...) " ;


3. Considérant que la société Secoval a proposé, conformément à l'article 101 précité du code des marchés publics de substituer à la retenue de garantie, une garantie à première demande destinée à couvrir les réserves éventuellement émises à la réception des travaux ; que par un acte du 1er aout 2006, la BTP Banque s'est engagée, dans la limite du montant garanti, à payer à la communauté de communes du Val de Drôme, à la première demande et sans pouvoir soulever aucune contestation, les sommes que cette dernière pourrait lui réclamer ; que la communauté de communes du Val de Drôme a appelé, le 10 septembre 2009, en paiement la garantie à première demande ;

4. Considérant que la décision par laquelle la communauté de communes du Val de Drôme a procédé à l'appel de la garantie à première demande délivrée par BTP Banque constitue une mesure d'exécution du contrat né entre cet établissement bancaire et la communauté de communes de l'acceptation par cette dernière de ladite garantie ; qu'il résulte de la nature même de la garantie à première demande que les obligations mises à la charge de la banque par le contrat de garantie la liant à la collectivité sont autonomes par rapport à celles incombant à la société JAD dans le cadre de l'exécution du marché de travaux dont elle était titulaire et que, dès lors, ce contrat, qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public et ne comporte aucune clause exorbitante du droit commun, a le caractère d'un contrat de droit privé ; que pour autant la société JAD, en sa qualité de donneur d'ordre d'une garantie à première demande, est recevable à demander devant le juge du contrat la mainlevée de cette garantie ou la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour elle d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base ;

5. Considérant la société JAD a demandé la restitution par la communauté de communes du Val de Drôme de la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant qui a été versé à celle-ci par la BTP Banque en se prévalant d'éléments tenant notamment, à la mise en oeuvre du marché de travaux qui lui avait été confié ; que la société JAD qui, pour prouver le caractère indu du versement fait à la communauté de communes du Val de Drôme par la BTP Banque, apporte la preuve du prélèvement qu'a opéré celle-ci sur son compte ouvert auprès de cet établissement, établit avoir subi le préjudice dont elle sollicite la réparation ; que, dès lors, tant l'exception d'incompétence de la juridiction administrative à connaître de la demande de la société JAD, soulevée par la communauté de communes du Val de Drôme, que la fin de non recevoir que celle-ci oppose à cette demande pour défaut d'intérêt pour agir ou tirée de ce que le contentieux n'aurait pas été lié, doivent être écartées ;


Sur la régularité du jugement :

6. Considérant que pour rejeter les conclusions de la société JAD tendant à condamner la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque, les premiers juges ont considéré " ...qu'en se bornant à affirmer par les moyens qu'elle développait qu'elle prétendait établir le caractère indu des sommes mises en recouvrement au titre de la garantie à première demande ", la société JAD ne précisait pas le fondement de ses conclusions à fin de restitution de cette garantie ;

7. Considérant toutefois que l'argumentation présentée en première instance par la société JAD avait précisément trait au caractère indu des sommes recouvrées par la communauté de communes en raison de la mise en oeuvre de la garantie à première demande ; que ce fondement de contestation était clair et suffisant ; que la société JAD est dès lors fondée à soutenir que le tribunal qui, au demeurant, a visé et analysé sa demande comme tendant à obtenir la restitution de la somme prélevée par la banque au titre de la garantie à première demande dont elle avait dû s'acquitter, a ainsi fait une lecture restrictive et incomplète de ses écritures et a, par suite, entaché d'irrégularité son jugement ; que le jugement attaqué doit en conséquence être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société JAD aux fins de condamnation de la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque, outre les intérêts de droits et intérêts capitalisés ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société JAD devant le Tribunal administratif de Grenoble ;


Sur la demande de restitution de la somme versée au titre de la garantie à première demande :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa version alors en vigueur et qui constitue l'une des pièces du marché : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article " et qu'aux termes de l'article 13.45 dudit cahier : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepte par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché " ;

10. Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que si le maître d'ouvrage notifie le décompte général d'un marché public de travaux alors même que des réserves relatives à l'état de l'ouvrage achevé n'ont pas été levées ou qu'il n'est pas fait état de sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes, même si un litige portant sur la responsabilité des constructeurs est en cours devant le juge administratif ; que le caractère définitif du décompte général fait ainsi obstacle à ce que le maître d'ouvrage obtienne le remboursement de telles sommes par la mise en oeuvre de la garantie à première demande ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Val de Drôme a, le 30 avril 2008, notifié à la société JAD le décompte général afférent au marché conclu en vue de la réalisation du lot numéro 1, maçonnerie, dans le cadre des travaux de construction de la base des arts de la rue à Eurre ; que ce décompte général était devenu définitif en juin 2008, ainsi que le relève d'ailleurs la communauté de communes du Val de Drôme dans son courrier en date du 30 juin 2008 adressé à la société JAD ;

12. Considérant, d'autre part, que la seule mention " pour mémoire " dans ce décompte général et définitif d'une " réfaction pour mauvaise exécution " des travaux litigieux, non assortie de l'indication de la somme correspondant à la réfaction envisagée, ne permet pas de relever l'existence alléguée par la collectivité d'une inexécution du marché par la société JAD ; que la communauté de communes du Val de Drome, qui ne peut donc prétendre avoir fait état dans le décompte général qu'elle a établi, de sommes correspondant à la réalisation de travaux nécessaires à la levée de réserves, n'était, dès lors, pas fondée à appeler en paiement la garantie à première demande dont la société Sécoval avait demandé la substitution à la retenue de garantie ;

13. Considérant que la société JAD est en conséquence fondée à demander la restitution de la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande réclamée indument par la communauté de communes du Val de Drome à la BTP Banque, versée par cette dernière à cette collectivité, puis prélevée sur le compte de la société JAD ouvert auprès de cet établissement bancaire ;


Sur les intérêts :

14. Considérant que la société JAD a droit aux intérêts de la somme de 7 812,61 euros à compter du 7 mai 2010, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif ;


Sur les intérêts des intérêts :

15. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 7 mai 2011, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la communauté de communes du Val de Drome doivent dès lors être rejetées ;

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de Drome une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société JAD et non compris dans les dépens ;


DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1002033 du 11 décembre 2013, du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société JAD aux fins de condamnation de la communauté de communes du Val de Drôme à lui restituer la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui lui a été versée par la BTP Banque.
Article 2 : La communauté de communes du Val de Drôme est condamnée à verser à la société JAD la somme de 7 812,61 euros correspondant au montant de la garantie à première demande qui a été versée à la communauté de communes du Val de Drôme par la BTP Banque, outre les intérêts de droits sur cette somme à compter du 7 mai 2010.
Article 3 : Les intérêts sur la somme de 7 812,61 euros que la communauté de communes du Val de Drôme a été condamnée à verser à la société JAD, échus à la date du 7 mai 2011, seront capitalisés à cette date, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La communauté de communes du Val de Drôme versera à la société JAD une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande et des conclusions de la requête de la société JAD est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la communauté de communes du Val de Drôme présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société JAD et à la communauté de communes du Val de Drôme.


Délibéré après l'audience du 11 juin 2015 à laquelle siégeaient :
M. Mesmin d'Estienne, président,
Mme D...et Mme B...A..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.
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N° 14LY00463



Abstrats

17-03-02-03-01-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats de droit privé. Contrats dépourvus de clauses exorbitantes du droit commun et de participation au service public.
39-05-02-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif. Effets du caractère définitif.
39-06-01-01-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Questions générales. Réception des travaux.

Source : DILA, 15/07/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 02/07/2015