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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 03/03/2015, 14NC00670, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. COUVERT-CASTÉRA

Rapporteur : Mme Julie KOHLER

Commissaire du gouvernement : M. LAUBRIAT

Avocat : GUYOT & DE CAMPOS


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2014, présentée pour la société Nord Est TP Canalisations, dont le siège social est situé 6 bis rue Ampère, BP 327 à Châlons-en-Champagne (51013), par la SELARL Guyot et De Campos ; la société Nord Est TP Canalisations demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200454 du 11 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des pénalités de retard mises à sa charge par la commune d'Aÿ-Champagne dans le cadre du marché dont elle était titulaire de restructuration et d'embellissement de certaines rues de la commune, et à la condamnation de la commune à lui verser les intérêts moratoires à compter du 1er mars 2011 ;

2°) de condamner la commune d'Aÿ-Champagne à lui verser la somme de 92 667 euros HT au titre du règlement de son marché, avec intérêts moratoires, calculés sur la base du taux marginal de la Banque Centrale Européenne, majoré de sept points, à compter du 1er mars 2011 ;


3°) de mettre à la charge de la commune d'Aÿ-Champagne le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a appliqué le cahier des clauses administratives générales applicables au marchés de travaux (CCAG Travaux) alors qu'il ne s'appliquait pas au marché litigieux qui n'y faisait pas expressément référence ;

- dès lors qu'aucune stipulation contractuelle ne précise que les pénalités sont dues sans mise en demeure, la commune ne pouvait les appliquer sans mise en demeure ;

- à titre subsidiaire, le délai d'exécution ne pouvait commencer à courir avant la notification du marché ;

- il n'existe pas de planning contractuel ;

- aucun retard ne lui est imputable ;

- de nombreuses sujétions nouvelles lui ont été imposées en cours de chantier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2014, présenté pour la commune d'Aÿ-Champagne, représentée par son maire en exercice, par la SELAS cabinet Devarenne associés, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de la société Nord Est TP Canalisations sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le CCAG Travaux était applicable au marché en litige de sorte qu'aucune mise en demeure n'était requise ;

- en tout état de cause, le décompte général proposé par le maître d'oeuvre mentionnait les pénalités de retard, ce qui vaut mise en demeure ;

- le fait que l'exécution des travaux ait débuté avant la notification du marché ne le rend pas illégal ;

- la société est à l'origine de retards ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 octobre 2014 présenté pour la société Nord Est TP Canalisations, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le code des marchés publics ;


Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

Vu le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me Keyser, avocat de la commune d'Aÿ-Champagne ;


1. Considérant que la commune d'Aÿ-Champagne a conclu en 2009 des marchés relatifs à la restructuration et à l'embellissement de certaines rues de la commune ; que le lot " réseau assainissement " a été attribué à la société Nord Est TP Canalisations (NETPC) ; que la commune a appliqué des pénalités de retard à cette société pour un montant de 92 667 euros ; que la société, contestant l'application de ces pénalités, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune à lui verser la somme de 92 667 euros au titre du solde de son marché ; qu'elle relève appel du jugement du 11 février 2014 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur l'application au marché en litige du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG) :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 janvier 1976, applicable à la date de la passation du marché en litige : " Est approuvé le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dont le texte est annexé au présent décret. / Ce cahier n'est applicable qu'aux marchés qui s'y réfèrent " ; que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige comprend un article IV " Pièces contractuelles " au sein duquel figurent des sous-rubriques 4.2 " pièces annexes " et 4.2.2 " pièces annexes générales " mentionnant notamment le " cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux " ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, ce document est bien applicable au marché en litige, sans que la circonstance que le CCAP n'énumère pas, dans un article récapitulatif, les articles du CCAG auxquels il est dérogé, ait une incidence ;





Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du CCAG : " (...) 13.41. Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. 13.42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ; - trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. Le délai de quarante-cinq jours est ramené à un mois pour les marchés dont le délai d'exécution n'excède pas trois mois. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société NETPC a transmis son projet de décompte final au maître d'oeuvre le 31 janvier 2011 ; que ce dernier lui a retourné, le 2 février 2011, un document présenté comme un modèle de présentation du décompte, reprenant, pour partie, les éléments du projet de décompte final ; que, contrairement à ce que prévoient les stipulations précitées, aucun décompte général signé par la personne responsable du marché n'a été notifié à l'entreprise avant que la commune ne procède au paiement du solde proposé par le maître d'oeuvre ; que, faute de décompte général régulièrement établi, la commune d'Aÿ-Champagne n'est fondée à soutenir ni qu'un décompte général serait devenu définitif, ni qu'une réclamation tendant à contester ce décompte aurait dû lui être transmise avant la saisine du tribunal administratif par la société NETPC ;

Sur l'application des pénalités de retard :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20.1 du CCAG applicable au marché de travaux en cause : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, (...), il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité journalière de 1/3000ème du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. (...) Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre " ; qu'il résulte de ces dispositions que, sauf stipulation contraire du cahier des clauses administratives particulières du marché, les pénalités de retard sont dues de plein droit et sans mise en demeure préalable du cocontractant, dès constatation par le maître d'oeuvre du dépassement des délais d'exécution ; qu'en l'espèce, le cahier des clauses administratives particulières, qui dérogeait seulement au cahier des clauses administratives générales quant au montant des pénalités, ne prévoyait pas de mise en demeure du cocontractant avant application des pénalités de retard ; que, par suite, la société NETPC n'est pas fondée à soutenir que la commune d'Aÿ-Champagne ne pouvait appliquer des pénalités de retard sans mise en demeure préalable ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 81 du code des marchés publics : " (...) les marchés et accords-cadres d'un montant supérieur à 20 000 Euros HT sont notifiés avant tout commencement d'exécution " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un marché n'est pas opposable au titulaire et, partant, ne fait peser à son égard aucune obligation, tant que ne lui a pas été remis l'exemplaire signé du représentant de la collectivité publique contractante ;


7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ordre de service de démarrage des travaux notifié à la société NETPC a fixé comme date de démarrage des travaux le 14 avril 2009 ; que le marché n'a toutefois été notifié à la société par la commune d'Aÿ-Champagne que le 17 juin 2009 ; que, dans ces conditions, la société est fondée à soutenir que la commune ne pouvait lui reprocher des retards d'exécution antérieurs à la notification du marché ;

8. Considérant que s'agissant de l'absence de planning contractuel alléguée par la société NETPC, la mention de l'article 4.3 du CCAP qui renvoie à un article VIII-2 inexistant, ne résulte que d'une erreur de plume qui pouvait être aisément corrigée comme un renvoi à l'article 7.1.3 dudit CCAP ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société, un planning des différentes phases du chantier a bien été établi dans les conditions prévues à l'article 7.1.3 du CCAP et est, en application de l'article 4-3 du CCAP devenu une pièce contractuelle après la période de préparation ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des comptes-rendus de réunions de chantier, que la société NETPC a cumulé cent quinze jours de retard qui ont empêché les autres entreprises de démarrer leurs travaux ; que la première phase des travaux qui devait s'achever en janvier 2010, n'a été réceptionnée qu'en juin 2010 ; que, si l'entreprise soutient que ces retards auraient pour origine les travaux supplémentaires mis à sa charge en cours d'exécution des travaux et ayant fait l'objet de l'avenant n°1, elle ne produit aucun élément de nature à établir que la prise en compte de la durée de ces travaux supplémentaires, dans le calcul des pénalités de retard qui lui ont été appliquées, serait insuffisante ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, les pénalités de retard ne peuvent toutefois être infligées à la société que pour les retards postérieurs à la notification du marché, intervenue soixante-quatre jours après la date de démarrage des travaux ; que la commune ne pouvait ainsi appliquer des pénalités que pour un retard de cinquante-et-un jours calendaires au lieu de cent quinze ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que la commune a décidé de n'appliquer que 60% du montant des pénalités ; qu'ainsi, la commune ne pouvait appliquer des pénalités de retard à la société NETPC qu'à hauteur de la somme de 41 095,80 euros ; qu'il résulte de ce qui précède que la société NETPC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant au reversement de la somme de 51 571,20 euros, correspondant à la différence entre les pénalités de retard d'un montant de 92 667 euros qui ont été appliquées par le maître d'ouvrage et la somme de 41 095,80 euros qui pouvait être retenue à ce titre ;

Sur les intérêts :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 21 février 2002 applicable au marché en litige : " I. - Le défaut de paiement dans les délais prévus par le décret du 7 mars 2001 susvisé fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. (...) II. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points. (...)V. - En cas de désaccord sur le montant d'un acompte ou du solde, l'ordonnancement ou le mandatement est effectué sur la base provisoire des sommes admises par la personne publique contractante. Lorsque les sommes ainsi payées sont inférieures à celles qui sont finalement dues au titulaire, celui-ci a droit à des intérêts moratoires calculés sur la différence " ;

11. Considérant, d'une part, que le marché en litige ne mentionne pas le taux des intérêts moratoires ; que, dès lors, en application des dispositions précitées, la société NETPC a droit à des intérêts moratoires sur la somme de 51 571,20 euros au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne, majoré de sept points ;

12. Considérant, d'autre part, que ces intérêts ont commencé à courir à compter de la date à laquelle la commune d'Aÿ-Champagne a reçu la demande de paiement de la différence entre la somme réglée par elle et le montant que la société estimait lui être dû, soit à compter du 23 novembre 2011 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société NETPC, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune d'Aÿ-Champagne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Aÿ-Champagne une somme de 1 500 euros à verser à la société NETPC sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1200454 du 11 février 2014 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La commune d'Aÿ-Champagne versera à la société NETPC la somme de 51 571,20 euros (cinquante-et-un mille cinq cent soixante-et-onze euros et vingt centimes) au titre du remboursement des pénalités de retard.

Article 3 : La somme de 51 571,20 euros portera intérêts moratoires au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points, à compter du 23 novembre 2011.
Article 4 : La commune d'Aÿ-Champagne versera à la société NETPC une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nord Est TP Canalisations et à la commune d'Aÿ-Champagne.


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N° 14NC00670



Abstrats

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.

Source : DILA, 08/04/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 03/03/2015