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Cour administrative d'appel de Paris, 6ème Chambre, 04/05/2015, 14PA01918, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU

Rapporteur : M. Brice AUVRAY

Commissaire du gouvernement : Mme VRIGNON-VILLALBA

Avocat : Cabinet Aldo SEVINO


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Entreprise Roussière a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner l'Office public de l'habitat (OPH) de la ville de Vincennes à lui verser une somme de 17 640 euros toutes taxes comprises au titre du solde du lot n°7 " plomberie - chauffage - VMC " du marché de travaux de réhabilitation et de transformation d'un immeuble situé 188, rue Diderot à Vincennes en vue de la création de 14 logements locatifs sociaux, somme assortie des intérêts de droit à compter du
7 novembre 2011 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'OPH de Vincennes la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1304511/8 du 26 février 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête et l'a condamnée à verser la somme de 1 500 euros à l'OPH de Vincennes au titre des frais irrépétibles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2014, la société Entreprise Roussière, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 26 février 2014 ;

2°) de constater que le projet de décompte établi par l'entreprise Roussière le 6 décembre 2010 présente le caractère d'un décompte final et ne contient aucune pénalité de retard ;

3°) de condamner l'OPH de Vincennes à lui verser la somme de 17 640 euros, dont 11 561, 03 euros au titre du solde du marché et 6 078, 87 euros au titre de l'indemnité d'assurance, somme assortie des intérêts moratoires à compter du 17 novembre 2011 ;

4°) de déclarer illégale la compensation effectuée par l'OPH de Vincennes au titre des pénalités de retard ;

5°) de condamner l'OPH de Vincennes à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le décompte général n'ayant pas été établi puis notifié par l'OPH de Vincennes, la procédure de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux n'avait pas à être respectée ;
- l'OPH de Vincennes a omis de lui régler le solde du marché d'un montant de 11 561, 03 euros ;
- elle n'a pas reçu l'intégralité de l'indemnité d'assurance qui a été versée à l'OPH de Vincennes par la société mutuelle assurance du bâtiment - travaux publics (SMABTP) et reste créancière de la somme de 6 078, 87 euros ;
- l'OPH de Vincennes reste redevable d'une somme de 17 640 euros qu'elle s'abstient de verser volontairement en compensation des pénalités de retard illégalement retenues ;
- lesdites pénalités de retard ont été calculées sur une formule erronée et en fonction d'un retard qui ne lui est pas imputable ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2014 sous forme de télécopie régularisée le 27 juin 2014, l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête ou, à titre subsidiaire, à son rejet au fond et, en tout état de cause, à la condamnation de la société Entreprise Roussière à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que la société requérante n'a pas respecté la procédure préalable à la saisine du juge prévue par l'article 50 du CCAG travaux ;
- le décompte des pénalités émis antérieurement au décompte général qui a été signé sans réserve par la société Entreprise Roussière, ne peut plus faire l'objet d'une contestation juridictionnelle ;
- la société Roussière doit être regardée comme réclamant le paiement du solde du marché et de la franchise retenue par la SMABTP, d'un montant de 6 840 euros ;
- les pénalités de retard, qui ont fait l'objet d'un décompte de pénalités et d'un titre exécutoire, n'ont jamais été versées par la société requérante, circonstance faisant obstacle à ce que soit ordonné leur remboursement ;
- la somme perçue au titre de l'indemnité d'assurance a été intégralement reversée à la société Roussière ;

Par ordonnance du 17 décembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au
13 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors en vigueur ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales alors applicable aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la société Entreprise Roussière, et de MeB..., représentant l'OPH de la ville de Vincennes.

Une note en délibéré, enregistrée le 15 avril 2015, a été présentée par MeA..., pour l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes, et le 28 avril 2015, par MeC..., pour la société Entreprise Roussière.

1. Considérant que l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes a confié à la société Entreprise Roussière, par acte d'engagement signé le 13 janvier 2009, la réalisation du lot n° 7, intitulé " plomberie - chauffage - VMC " du marché de travaux destinés à la réhabilitation d'un immeuble sis 188, rue Diderot à Vincennes en vue de la création d'un ensemble de logements locatifs sociaux, pour un montant initial de 193 328, 59 euros hors taxes, soit 231 220, 99 euros toutes taxes comprises, montant modifié par deux avenants ; que la livraison de l'ouvrage a notamment été retardée par un acte de vandalisme, en dédommagement duquel la société d'assurance SMABTP a versé à l'OPH de Vincennes la somme de 47 101, 84 euros, franchise déduite ; que l'ouvrage a été définitivement réceptionné sans réserve le
3 septembre 2010, à la suite de quoi le solde du marché a été arrêté le 16 septembre 2010 à 11 561, 03 euros ; que l'OPH de Vincennes a, par ailleurs, notifié à l'entrepreneur, par courrier du 6 décembre 2010, un décompte de pénalités établi le 1er décembre 2010, d'un montant de 17 640 euros pour un retard de cinquante-six jours concernant la livraison d'une colonne de gaz ; que la société Entreprise Roussière fait appel du jugement du 26 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit versée la somme de 17 640 euros au titre du solde du marché litigieux et de l'indemnité d'assurance perçue par le maître d'ouvrage ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Office intimé :

2. Considérant que l'article 50.22 du CCAG travaux, en sa version applicable en l'espèce, issue du décret n°76-87 du 21 janvier 1976 modifié, dispose que : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage " ; que l'article 50.31 du même texte dispose que : " Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché "

3. Considérant que l'Office public de Vincennes fait valoir qu'en signant sans réserve le décompte général, devenu définitif, et en ne présentant aucun mémoire de réclamation relatif à ce décompte préalablement à la saisine du juge, la société Entreprise Roussière n'a pas respecté la procédure susmentionnée pour contester le décompte du 6 décembre 2010, rendant irrecevable sa requête ; que, toutefois, les conclusions présentées par la société requérante ne tendent à la contestation ni du bien-fondé, ni du contenu du décompte précité ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée du non-respect de la procédure précontentieuse prévue par l'article 50 du CCAG travaux ne peut qu'être écartée;

Sur les pénalités de retard et le titre exécutoire n° 363 du 13 décembre 2010 :
4. Considérant que l'article 13.41 du CCAG travaux dispose que : " Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ;
- l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation " ; que l'article 13.42 du même texte dispose que : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service (...) " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, suite à la réception définitive de l'ouvrage, la société Entreprise Roussière, entrepreneur, a établi un décompte final intitulé " Facture définitive " reprenant l'ensemble des travaux réalisés, les acomptes versés par l'OPH de Vincennes et établissant un solde du marché à 11 561,03 euros toutes taxes comprises, arrêté le 16 septembre 2010 ; que le 1er décembre 2010, l'OPH de Vincennes a établi à l'encontre de la société Entreprise Roussière un décompte de pénalités pour un retard de cinquante-six jours, d'un montant de 17 640 euros ; que, le 6 décembre 2010, l'OPH de Vincennes, maître d'ouvrage, a établi un projet de décompte général reprenant l'ensemble des mentions qu'imposent les dispositions susmentionnées, notamment le décompte final établi par l'entrepreneur, le solde du marché identique à celui établi par la société Entreprise Roussière ainsi qu'une récapitulation du montant des travaux exécutés et restant à régler, mais ne reprenant pas les pénalités de retard susmentionnées ; que ce décompte a été signé sans réserve par l'entrepreneur, le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage ; que la circonstance qu'il n'ait pas été notifié par ordre de service ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse être regardé comme le décompte général du marché ;

6. Considérant, en second lieu, que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations des parties ;

7. Considérant d'une part que le caractère définitif du décompte général établi par le maître d'ouvrage s'acquiert à défaut de contestation par l'entrepreneur dans un délai de
quarante-cinq jours à compter de sa notification régulière par le maître d'ouvrage; qu'il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié à plusieurs reprises à la société Entreprise Roussière, qui l'a, en tout état de cause, signé sans réserve ; que, par suite, ce décompte général du 6 décembre 2010 qui a d'ailleurs a fait l'objet d'un mandatement le 9 décembre suivant de la part du maître de l'ouvrage, doit être regardé comme ayant acquis un caractère définitif et intangible ;
8. Considérant, d'autre part qu'en n'incluant pas dans le montant fixé par le décompte général devenu définitif celui des pénalités de retard, l'OPH de Vincennes ne peut être regardé comme ayant commis une simple erreur ou une omission au sens de l'article 1269 du code de procédure civile, ce qui lui eût permis de procéder à la révision du décompte général devenu définitif, mais comme ayant, en définitive, renoncé à faire application desdites pénalités ; que le caractère intangible du décompte s'oppose à ce que l'OPH de Vincennes puisse émettre à l'encontre de l'entrepreneur un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une somme de
17 640 euros correspondant aux pénalités de retard dans l'exécution du marché qui ne figurait pas au décompte général établi par le maître d'ouvrage ; qu'il résulte de ce qui précède que le titre exécutoire du 13 décembre 2010 doit être annulé ; que cette annulation implique que la société requérante soit déchargée de l'obligation de payer la somme de 17 640 euros ;
Sur le paiement du solde du marché et de l'indemnité d'assurance :

9. Considérant que le montant du marché retenu dans le décompte général, devenu définitif, s'élève à 231 220, 99 euros toutes taxes comprises ; que l'assureur SMABTP a versé à l'OPH de Vincennes une somme de 47 101, 84 euros, franchise déduite, au titre de l'indemnisation des préjudices causés par un acte de vandalisme commis sur le chantier ; qu'il est constant que l'intégralité de cette somme devait revenir à l'entrepreneur ;

10. Considérant qu'à la date à laquelle le décompte général définitif du marché a été arrêté, quatre acomptes avaient été versés à la société Entreprise Roussière, pour un montant total de 219 659, 96 euros toutes taxes comprises ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un dernier virement d'un montant de 41 022, 87 euros a été réalisé au profit de la société Entreprise Roussière le 3 janvier 2011; que le montant total des sommes versées à l'entrepreneur s'élève à 260 682, 83 euros, montant qui, supérieur à celui du décompte général devenu définitif, égal à 231 220, 99 euros, inclut nécessairement l'indemnité versée par l'assureur, la SMABTP ; qu'ainsi, l'OPH de Vincennes reste redevable à la société Entreprise Roussière d'une somme totale de 17 640 euros qui, due au titre du solde du marché, correspond précisément au montant des pénalités litigieuses que l'Office public de l'habitat intimé a ainsi recouvrées par voie de compensation ; qu'il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de la société Entreprise Roussière tendant à ce que la Cour condamne l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes à lui verser la somme de 17 640 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011, date à laquelle l'OPH de Vincennes a reçu la demande de paiement de cette somme ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la société Entreprise Roussière ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Entreprise Roussière, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que l'Office public de l'habitat de Vincennes demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l'Office public de l'habitat de Vincennes une somme de 2 000 euros, à verser à la société Entreprise Roussière sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1304511/8 en date du 26 février 2014 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire n° 363 d'un montant de 17 640 euros émis le 13 décembre 2010 est annulé.
Article 3 : L'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes est condamné à verser à la société Entreprise Roussière la somme de 17 640 (dix-sept mille six cent quarante) euros au titre du solde du marché majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011.
Article 4 : L'Office public d'habitat de la ville de Vincennes versera à la société Entreprise Roussière une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Roussière et à l'Office public de l'habitat de la ville de Vincennes.


Délibéré après l'audience du 13 avril 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.



Lu en audience publique, le 4 mai 2015.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

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N° 14PA01918



Abstrats

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.

Source : DILA, 11/05/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 04/05/2015