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CAA de PARIS, 4ème chambre, 30/06/2015, 14PA02667, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme COËNT-BOCHARD

Rapporteur : M. Christophe CANTIE

Commissaire du gouvernement : M. ROUSSET

Avocat : PRUD'HOMME


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2014, présentée pour la société GDF Suez Energie Services " Cofely Services ", dont le siège social est 1 place des Degrés à Puteaux (92800), par
MeA...'homme ; la société GDF Suez Energie Services " Cofely Services " demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1310918/3-1 du 25 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) à lui verser la somme de 166 483,20 euros TTC ou, à défaut, celle de 161 483,20 euros TTC, assortie des intérêts contractuels et des intérêts capitalisés, au titre du remboursement de pénalités indûment déduites de ses factures établies dans le cadre du marché public de maintenance multi-techniques des installations des centres de l'EPIDE, signé le 10 janvier 2011, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive imputable à cet établissement public ;

2°) de faire droit à sa demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'EPIDE le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa demande était irrecevable ; sa réclamation a été formée dans les conditions prévues à l'article 1.9 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; seule la décision du 21 mars 2013 a fait courir le délai de recours administratif de deux mois ; le délai de recours a été suspendu par son recours gracieux formé le 3 avril 2013 ; ses mémoires des 2 octobre et 9 novembre 2012 sont recevables au regard des stipulations de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable ; la lettre du 23 mars 2012 reçue le 26 mars suivant n'a pu faire courir le délai de réclamation dès lors qu'elle ne fait pas mention des délais et voies de recours, en méconnaissance des dispositions de l'article 19-2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ; par courrier du 17 octobre 2012, l'EPIDE a admis la recevabilité du mémoire du 2 octobre 2012 en reconnaissant que la lettre valait contestation, en ne mentionnant pas le fait qu'elle aurait été présentée hors délai et en renonçant expressément à la forclusion en indiquant que la société devait saisir le tribunal administratif dans le délai de deux mois ; les parties sont entrées en pourparlers transactionnels dans le délai de recours, en supposant que celui-ci ait commencé à courir ; l'EPIDE a renoncé à opposer tout irrecevabilité, en faisant courir un nouveau délai de deux mois à compter de la réception de la lettre du 21 mars 2013 ; le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable, dès lors que l'EPIDE a fait mention d'une juridiction qui n'est pas compétente pour connaître du litige ;
- les pénalités litigieuses sont infondées ; en effet, s'agissant de la garantie de pérennité du matériel, les canalisations enterrées en cause ne font pas partie du matériel objet du contrat, dès lors qu'elles ne figurent pas dans l'annexe 1 au cahier des clauses techniques particulières (CCTP), ni ne sont mentionnées à l'article 2.2.2 du CCTP ; les prestations contractuelles concernaient la seule maintenance préventive et corrective et non le remplacement du matériel vétuste, non visible et nécessitant l'intervention d'une unité extérieure spécialisée ; s'agissant des garanties de continuité et de conditions de fonctionnement, les canalisations d'eau potable ne sont pas couvertes par les garanties prévues à l'article 3.2 du CCTP ;
- les pénalités litigieuses sont basées sur des faits erronés dès lors, d'une part, que la fuite en cause est apparue début mars 2012, d'autre part, que les mesures de quantité d'eau relevées semestriellement par le concessionnaire de l'EPIDE ne sauraient établir une augmentation accrue de la consommation d'eau à compter du mois de décembre 2011 ; il suit de là qu'un retard d'intervention entre l'apparition de la fuite et sa réparation ne peut lui être imputé ;
- subsidiairement, le montant des pénalités doit être limité à la somme totale de
37 315,20 euros TTC, eu égard à la date d'apparition de la fuite en cause ; plus subsidiairement, il y a lieu pour le juge de moduler le montant des pénalités en le fixant à la somme de 5 000 euros, compte tenu de sa disproportion par rapport au montant du prix du marché en tant qu'il porte sur le site de Doullens ;
- la résistance abusive opposée par l'EPIDE, préalablement et pendant la procédure juridictionnelle, justifie qu'il soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2014, présenté pour l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE), représenté par son président en exercice, par Me B...et MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société GDF Suez Energie Services " Cofely Services " la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :
- la requête de la société appelante est irrecevable, en l'absence de production du jugement attaqué ;
- la demande indemnitaire de l'entreprise est irrecevable en ce qu'elle n'a pas été précédée d'une réclamation préalable, conformément aux stipulations de l'article 37-2 du CCAG applicable, sans que l'article 1.9 du CCAP ait pu y faire obstacle ; les courriers adressés les 12 octobre et 9 novembre 2012, qui ne précisent pas la somme réclamée, ne constituent pas des mémoires de réclamation ;
- en tout état de cause, les pénalités litigieuses sont fondées, dès lors que le réseau d'eau potable fait partie des " voiries et réseaux divers " concernés par les prestations de maintenance, que la garantie de continuité concerne l'ensemble des canalisations d'eau et que la fuite est apparue le 21 décembre 2011 ; le montant des pénalités n'est pas disproportionné par rapport au montant global du marché et du préjudice subi ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 janvier 2015, présenté pour la société GDF Suez Energie Services " Cofely Services ", par MeA...'homme, qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que :
- le jugement attaqué a été joint à la requête d'appel ;
- l'EPIDE a irrégulièrement prélevé les pénalités sur les sommes dues avant l'aboutissement de la négociation transactionnelle préalable obligatoire ;
- en l'absence de constat précisant la date de la fuite en cause, les pénalités litigieuses ne sauraient être infligées ;
- l'EPIDE ne saurait justifier la proportionnalité des pénalités de retard par rapport à son préjudice résultant de l'importante consommation en eau consécutive à la fuite en cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;


1. Considérant que, par un marché public d'un montant de 963 231,28 euros H.T. signé le 10 janvier 2011, l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) a confié à la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " la maintenance multi-techniques des installations de ses centres pour une période probatoire d'un an à compter du 13 janvier 2011 ; que cette période a été portée à quinze mois par avenant du 9 janvier 2012 ; que, par un courrier du 23 mars 2012, notifié le 26 mars suivant, l'EPIDE a informé la société GDF de l'application de pénalités contractuelles pour un montant total de 166 483,20 euros TTC, par déduction de ce montant des factures des mois de février, mars et avril 2012, en raison de son intervention tardive à réparer une fuite d'eau apparue sur le site de Doullens (Somme) ; que la société GDF fait appel du jugement en date du 25 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'EPIDE à lui verser la somme de 166 483,20 euros TTC ou, à défaut, celle de 161 483,20 euros TTC, assortie des intérêts contractuels et des intérêts capitalisés, au titre du remboursement des pénalités indûment déduites de ses factures, et la somme de 5000 euros au titre de la résistance abusive imputable à cet établissement public ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009, auquel renvoie l'article 2.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en cause : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion." ; qu'aux termes de l'article 1.9 du titre IV du
CCAP : " Si des différends doivent s'élever entre le Maître d'ouvrage et le titulaire du marché quant à l'exécution des clauses du présent marché et qu'aucune transaction n'ait abouti, l'affaire est soumise, en cas de litige persistant à la juridiction compétente, soit le Tribunal administratif de Paris " ;

3. Considérant que la notification, le 26 mars 2012, à la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " du courrier de l'EPIDE informant celle-ci de l'application des pénalités a fait naître un différend portant sur lesdites sanctions au sens des stipulations précitées de l'article 37.2 du CCAG-FCS ; que ces stipulations imposaient à l'entreprise titulaire du marché de communiquer à l'EPIDE, dans un délai de deux mois suivant cette date, un mémoire de réclamation exposant les motifs et le montant des sommes réclamées ; que si l'entreprise soutient que ce délai n'a pu commencer à courir, elle ne peut utilement invoquer sur ce point les stipulations de l'article 1.9 du titre IV du CCAP dont l'objet est de déterminer le tribunal administratif territorialement compétent en cas de litige, ni se prévaloir des dispositions de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ou de celles de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, concernant la mention des délais et voies de recours, dès lors que les parties au contrat n'ont pas expressément consenti à leur application ;

4. Considérant qu'il est constant que la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " n'a pas transmis à l'EPIDE de mémoire de réclamation dans le délai de deux mois courant à compter de la naissance du différend portant sur les pénalités ; qu'elle fait valoir que l'EPIDE aurait renoncé à se prévaloir de cette circonstance ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, dans un courrier du 17 octobre 2012, le représentant de l'EPIDE a confirmé l'application des pénalités en réponse à la lettre du 2 octobre 2012 par laquelle l'entreprise s'était bornée à solliciter son indulgence ; que, dans un courrier du 21 mars 2013 adressé à la société en réponse à sa lettre du 9 novembre 2012 demandant à l'établissement public de revenir sur sa position, le représentant de l'EPIDE a rappelé que l'organisme avait accepté de rencontrer les représentants de l'entreprise au cours d'une réunion du 10 janvier 2013 où avait été évoquée la possibilité d'un règlement amiable du litige mais a informé celle-ci qu'il n'entendait pas s'engager dans cette voie ; qu'alors qu'il n'est pas démontré que l'EPIDE aurait accepté une solution négociée au cours de cette réunion, l'organisme public, qui s'est borné à confirmer l'application des pénalités en indiquant à la société qu'elle était à même de saisir le tribunal administratif, ne peut être regardé en l'espèce comme ayant admis avoir été saisi par l'entreprise d'un mémoire de réclamation recevable et, par suite, comme ayant tacitement renoncé à opposer au titulaire la forclusion prévue par l'article 37.2 du CCAG-FCS ; que les circonstances que l'EPIDE a mentionné par erreur dans son courrier du 10 janvier 2013 la possibilité pour la société de saisir le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et que celle-ci aurait saisi la juridiction compétente dans le délai de recours contentieux sont sans incidence sur l'application des stipulations de l'article 37.2 du CCAG-FCS ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'EPIDE était fondé à opposer la forclusion à la demande indemnitaire présentée par société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'EPIDE, que la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPIDE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " le versement à l'EPIDE de la somme de 2 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " est rejetée.
Article 2 : La société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " versera à l'EPIDE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société GDF Suez Energies Services " Cofely Services " et à l'établissement public d'insertion de la défense.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,
C. CANTIÉLe président,
E. COËNT-BOCHARD
Le greffier,
A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 14PA02667



Abstrats

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.

Source : DILA, 02/08/2017, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Paris

Date : 30/06/2015