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Conseil d'État, Section du Contentieux, 28/12/2009, 290937, Publié au recueil Lebon

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Président : M. Stirn

Rapporteur : Mme Paquita Morellet-Steiner

Commissaire du gouvernement : M. Olléon Laurent

Avocat : SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 28 février et 28 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL BRASSERIE DU THEATRE, dont le siège social est sis 1, rue de Vesle à Reims (51100), représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SARL BRASSERIE DU THEATRE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 décembre 2005 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation du jugement en date du 12 mars 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Reims du 3 mai 2000 rejetant sa demande tendant au renouvellement du bail résultant de la convention en date du 17 mai 1991 par laquelle la commune de Reims l'a autorisée à occuper les locaux du café du théâtre situés dans le bâtiment abritant le théâtre municipal et, d'autre part, à l'annulation de cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit dans cette mesure à ses conclusions présentées en appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Reims la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié déterminant les formes de procéder du Tribunal des conflits ;

Vu le code justice administrative ;



Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SARL BRASSERIE DU THEATRE et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la ville de Reims,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SARL BRASSERIE DU THEATRE et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la ville de Reims ;





Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par contrat en date du 17 mai 1991, la commune de Reims a, pour une durée de neuf ans venant à expiration le 30 juin 2000, mis à la disposition de la SARL BRASSERIE DU THEATRE des locaux situés dans le même immeuble que le théâtre municipal et dans lesquels cette société exploite un café et un restaurant ; que la société a, le 18 avril 2000, fait signifier à la commune par voie d'huissier une demande de renouvellement de son bail commercial pour une nouvelle période de neuf ans ; que, par lettre du 3 mai 2000, le maire de Reims a rejeté cette demande au motif que la société n'était pas titulaire d'un bail commercial mais d'une convention d'occupation du domaine public communal ; que la SARL BRASSERIE DU THEATRE se pourvoit en cassation contre l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 décembre 2005, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du jugement en date du 12 mars 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant que ce jugement avait rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus ainsi opposé par le maire de Reims ;

Considérant qu'indépendamment de la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance au domaine public d'un tel bien était, avant la date d'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que, dès lors, en se fondant, pour juger, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, que les locaux mis à la disposition de la SARL BRASSERIE DU THEATRE appartenaient au domaine public communal, sur les seules circonstances que ces locaux étaient situés dans l'enceinte du théâtre municipal et qu'en outre, ils avaient été mis à la disposition de cette société par un contrat expressément qualifié par les parties de convention d'occupation du domaine public, sans rechercher si ces locaux, qui n'étaient pas directement affectés à l'usage du public, devaient être regardés comme étant eux-mêmes affectés au service public culturel de la commune de Reims et spécialement aménagés à cet effet, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la SARL BRASSERIE DU THEATRE est fondée à demander, dans la mesure précitée, l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'accès aux locaux mis à la disposition de la SARL BRASSERIE DU THEATRE s'effectue par une entrée située directement sur la rue et distincte de celle du théâtre municipal de Reims ; que si, en vertu de la convention conclue le 17 mai 1991 avec la commune de Reims, cette société bénéficie du droit exclusif de vendre pendant les représentations théâtrales des rafraîchissements et des produits comestibles au buffet du premier étage du théâtre ainsi qu'à la buvette des deuxièmes galeries, aucune stipulation de cette convention ne lui fait obligation d'assurer ces prestations ; que la convention ne contient pas davantage de stipulations lui imposant pour les jours ou les horaires d'ouverture de ses locaux des sujétions liées aux spectacles donnés dans le théâtre ; que si ces locaux sont situés dans le même immeuble que le théâtre municipal et si la société dispose de communications internes permettant de fournir les prestations qu'elle décide d'assurer au buffet ou à la buvette du théâtre, ces seules circonstances ne permettent pas de les regarder comme l'un des éléments de l'organisation d'ensemble du théâtre et par suite comme étant affectés au service public culturel de la commune de Reims ou comme un accessoire du domaine public communal ; que, dès lors, la SARL BRASSERIE DU THEATRE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que la convention conclue le 17 mai 1991 avait la nature d'une convention d'occupation du domaine public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 35 ajouté au décret susvisé du 26 octobre 1849 par l'article 6 du décret du 25 juillet 1960 portant réforme de la procédure des conflits d'attribution : Lorsque le Conseil d'Etat statuant au contentieux, la Cour de cassation ou toute autre juridiction statuant souverainement et échappant ainsi au contrôle tant du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation, est saisi d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction saisie peut, par décision ou arrêt motivé qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence ;

Considérant que la décision du maire de Reims rejetant la demande de la SARL BRASSERIE DU THEATRE tendant au renouvellement du bail résultant de la convention en date du 17 mai 1991 constitue une décision relative à la gestion du domaine privé de la commune ; que la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître des conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision, qu'elle prenne la forme d'une délibération de l'organe délibérant de la commune ou, comme en l'espèce, d'un acte du maire, soulève une difficulté sérieuse de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 précité du décret du 26 octobre 1849 ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 décembre 2005 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SARL BRASSERIE DU THEATRE tendant à l'annulation du jugement en date du 12 mars 2002 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Reims du 3 mai 2000 rejetant sa demande tendant au renouvellement du bail résultant de la convention en date du 17 mai 1991.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur les conclusions, mentionnées à l'article 1er, présentées devant la cour administrative d'appel de Nancy par la SARL BRASSERIE DU THEATRE jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour y statuer.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à LA SARL BRASSERIE DU THEATRE et à la commune de Reims.

Abstrats

17-03-02-02-01-02 COMPÉTENCE. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION. COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL. DOMAINE. DOMAINE PRIVÉ. AUTORISATION D'OCCUPATION. - CONTESTATION D'UNE DÉCISION DE REFUS, PRISE PAR UN MAIRE, DE RENOUVELER LE BAIL AUTORISANT L'OCCUPATION D'UNE DÉPENDANCE DU DOMAINE PRIVÉ DE LA COMMUNE - DIFFICULTÉ SÉRIEUSE [RJ1] - RENVOI AU TRIBUNAL DES CONFLITS (ART. 35 DU DÉCRET DU 26 OCTOBRE 1849).
24-02-03 DOMAINE. DOMAINE PRIVÉ. CONTENTIEUX. - CONTESTATION D'UNE DÉCISION DE REFUS, PRISE PAR UN MAIRE, DE RENOUVELER LE BAIL AUTORISANT L'OCCUPATION D'UNE DÉPENDANCE DU DOMAINE PRIVÉ DE LA COMMUNE - COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE - DIFFICULTÉ SÉRIEUSE [RJ1] - RENVOI AU TRIBUNAL DES CONFLITS (ART. 35 DU DÉCRET DU 26 OCTOBRE 1849).

Résumé

17-03-02-02-01-02 Convention passée entre une commune et une personne privée, autorisant cette dernière à occuper une dépendance de son domaine privé. La décision par laquelle le maire rejette la demande tendant au renouvellement du bail résultant de cette convention constitue une décision relative à la gestion du domaine privé de la commune. La question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître des conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision, qu'elle prenne la forme d'une délibération de l'organe délibérant de la commune ou, comme en l'espèce, d'un acte du maire, soulève une difficulté sérieuse de nature à justifier son renvoi devant le Tribunal des conflits, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849.
24-02-03 Convention passée entre une commune et une personne privée, autorisant cette dernière à occuper une dépendance de son domaine privé. La décision par laquelle le maire rejette la demande tendant au renouvellement du bail résultant de cette convention constitue une décision relative à la gestion du domaine privé de la commune. La question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître des conclusions tendant à l'annulation d'une telle décision, qu'elle prenne la forme d'une délibération de l'organe délibérant de la commune ou, comme en l'espèce, d'un acte du maire, soulève une difficulté sérieuse de nature à justifier son renvoi devant le Tribunal des conflits, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849.

Source : DILA, 22/02/2011, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 28/12/2009