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Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 23/12/2011, 329016

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Président : M. Jacques Arrighi de Casanova

Rapporteur : Mme Christine Allais

Commissaire du gouvernement : M. Edouard Geffray

Avocat : HAAS ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 21 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Yvette A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 08MA01890, 08MA01891 du 14 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir prononcé un non-lieu de statuer sur sa requête à fin de sursis à exécution, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n°s 0500949, 0603332, 0604934 du 22 février 2008 du tribunal administratif de Nice, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Nice sur sa demande du 25 octobre 2004 tendant à être réintégrée dans ses fonctions de chef du service du patrimoine de l'Opéra de Nice et à être indemnisée du préjudice subi et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 12 septembre 2006 refusant de prolonger son activité au-delà de 65 ans et de l'arrêté du 31 juillet 2006 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 83-64 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de Mme A et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la commune de Nice,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de Mme A et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la commune de Nice,




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a été déchargée de ses fonctions de chef du service du patrimoine de l'Opéra de Nice et affectée à de nouvelles fonctions au sein de ce service en décembre 2003 ; que le maire de Nice a opposé une décision implicite de rejet à la demande présentée par l'intéressée le 25 octobre 2004, tendant à être réintégrée dans ses fonctions de chef de service ; qu'il l'a admise, par un arrêté du 31 juillet 2006, à faire valoir ses droits à la retraite et a, par décision du 12 septembre 2006, refusé de prolonger son activité au-delà de 65 ans ; que, par l'arrêt attaqué du 14 avril 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 22 février 2008 du tribunal administratif de Nice qui, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du maire de Nice analysées ci-dessus ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Nice à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de la décision de refus de la réintégrer dans ses anciennes fonctions ;

En ce qui concerne le refus de réintégrer Mme A dans ses anciennes fonctions et la réparation du préjudice résultant pour elle de cette décision :

Considérant, en premier lieu, que si Mme A contestait devant la cour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de la réintégrer dans ses anciennes fonctions de chef de service, la légalité de la décision prise préalablement de changer son affectation, un tel moyen était inopérant, dès lors que la décision attaquée ne constituait pas le prolongement nécessaire du changement d'affectation ; qu'ainsi, en ne répondant pas au moyen tiré de ce que ce changement d'affectation constituait une sanction déguisée, la cour n'a pas entaché sa décision d'irrégularité ; que, par ailleurs, si la cour a fait état des notes de ses supérieurs hiérarchiques lui demandant de mettre fin à des " comportements inacceptables ", c'est en tout état de cause sans en dénaturer la portée ; qu'enfin, si Mme A soutient que la cour a à tort relevé qu'elle aurait méconnu la procédure applicable à un achat auquel elle a procédé en soutenant qu'elle ne pouvait avoir connaissance de cette procédure, un tel moyen, présenté pour la première fois en cassation, est en tout état de cause sans influence sur le bien fondé de l'arrêt attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour écarter l'argumentation tirée par Mme A de ce qu'elle aurait été victime de harcèlement moral, la cour a estimé que les décisions prises par les supérieurs hiérarchiques de l'intéressée, notamment son changement de bureau et la modification de ses attributions, étaient motivées par son comportement et par ses insuffisances professionnelles ; qu'en statuant ainsi, elle n'a entaché sa décision d'aucune dénaturation des pièces du dossier soumis à son appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a saisi le juge de conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi sans avoir au préalable présenté de demande à l'administration ; qu'en l'absence de toute défense au fond de l'administration, la cour, qui n'était pas tenue de vérifier si l'intéressée avait adressé une demande à l'administration postérieurement à l'introduction de sa requête, a pu, sans méconnaître son office, juger irrecevables, faute de décision préalable, les conclusions indemnitaires de Mme A ;

En ce qui concerne le refus de maintenir Mme A en activité au-delà de la limite d'âge :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public que les décisions qui refusent une autorisation doivent être motivées ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1.1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;
" Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. (...) " ;

Considérant que, eu égard à sa portée, la décision par laquelle l'autorité administrative refuse de faire droit à une demande de maintien en activité présentée en application de ces dispositions doit être regardée comme un refus d'autorisation, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la décision du 12 septembre 2006 par laquelle le maire de Nice a refusé de la maintenir en activité n'entrait dans aucune des catégories de décisions qui doivent faire l'objet d'une motivation en application des dispositions de cette loi ; que l'arrêt attaqué doit, par suite, être annulé, en tant seulement qu'il a rejeté les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de cette décision ;

Considérant qu'il y a lieu de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 12 septembre 2006 ne comportait pas les éléments de fait et de droit sur lesquels elle était fondée ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce titre par la commune de Nice ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros au même titre ;





D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 14 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 2006 du maire de Nice.
Article 2 : La décision du 12 septembre 2006 du maire de Nice est annulée.
Article 3 : Le jugement n°s 0500949, 0603332, 0604934 du 22 février 2008 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : La commune de Nice versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Nice au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Yvette A et à la commune de Nice. Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Abstrats

01-03-01-02-01-01-06 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE. QUESTIONS GÉNÉRALES. MOTIVATION. MOTIVATION OBLIGATOIRE. MOTIVATION OBLIGATOIRE EN VERTU DES ARTICLES 1 ET 2 DE LA LOI DU 11 JUILLET 1979. DÉCISION REFUSANT UNE AUTORISATION. - DÉCISION DE REJET D'UNE DEMANDE DE MAINTIEN ACTIVITÉ D'UN FONCTIONNAIRE.
36-05-005 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. POSITIONS. POSITION D'ACTIVITÉ. - DÉCISION DE REJET D'UNE DEMANDE DE MAINTIEN EN ACTIVITÉ - OBLIGATION DE MOTIVATION - EXISTENCE.

Résumé

01-03-01-02-01-01-06 La décision par laquelle l'autorité administrative refuse de faire droit à une demande de maintien en activité présentée en application de l'article 1.1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public doit être regardée comme une décision refusant une autorisation, au sens de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, soumise comme telle à l'obligation de motivation.
36-05-005 La décision par laquelle l'autorité administrative refuse de faire droit à une demande de maintien en activité présentée en application de l'article 1.1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public doit être regardée comme une décision refusant une autorisation, au sens de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, soumise comme telle à l'obligation de motivation.

Source : DILA, 28/06/2012, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 23/12/2011