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Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 30/11/2011, 341542, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme Sylvie Hubac

Rapporteur : M. Olivier Rousselle

Commissaire du gouvernement : Mme Sophie-Justine Lieber


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi, enregistré le 15 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0900243 du 18 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Cayenne, statuant sur la requête de M. René A, a annulé l'arrêté ministériel du 22 avril 2009 portant suspension de ses fonctions à plein traitement à compter de la levée de la mesure judiciaire d'interdiction d'exercer ses fonctions et renvoyant à un arrêté préfectoral la privation de traitement de l'intéressé pour service non fait ;




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,



- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;





Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par ordonnance du 8 avril 2009, après avoir mis en examen M. A pour aide au séjour irrégulier en bande organisée, prise de mesures destinées à faire échec à l'exécution des lois et violation du secret professionnel, le juge d'instruction de Cayenne a placé celui-ci sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer son activité de fonctionnaire de police au sein de la direction départementale de la police aux frontières de Guyane, à laquelle il était affecté ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui avait décidé, par un arrêté du 9 avril 2009 pris sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires, de suspendre M. A de ses fonctions à plein traitement a, par un arrêt modificatif du 22 avril 2009 visant l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, d'une part, reporté la date d'effet de la mesure de suspension à la date de la levée de l'interdiction professionnelle décidée par le juge d'instruction et, d'autre part, décidé que, jusqu'à cette date, l'intéressé serait privé de traitement pour service non fait ; que, sur la demande de M. A, par un jugement du 18 mai 2010 contre lequel le ministre se pourvoit en cassation, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 22 avril 2009 ;

Considérant que si l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun , et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, notamment en raison de l'interdiction d'exercer ses fonctions résultant d'une mesure de contrôle judiciaire ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 22 avril 2009, le tribunal administratif, après avoir retenu que, par cet arrêté, le ministre de l'intérieur avait pris une mesure de suspension à l'encontre de M. A sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, a énoncé qu'en application des dispositions de cet article, l'intéressé ne pouvait être privé de son traitement même en l'absence de service fait ;

Considérant toutefois qu'en statuant ainsi alors que, par l'arrêté contesté, après avoir relevé que M. A était dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions de policier en raison de l'interdiction imposée par le juge d'instruction, le ministre s'était borné, comme il en avait la faculté, à interrompre le versement du traitement de l'intéressé pour absence de service fait pendant la durée de cette interdiction sans prendre à son égard, durant cette période, de mesure de suspension sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, son jugement, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité externe :

Considérant que, par une décision du 17 novembre 2008 portant délégation de signature, régulièrement publiée, modifiant une décision du 21 septembre 2005, le directeur de l'administration de la police nationale a donné délégation à M. Gicquel, chef du bureau des gradés et gardien de la paix, à l'effet, notamment, de signer les arrêtés portant suspension des personnels des services actifs de la police nationale ainsi que les arrêtés portant révision de situation administrative de tous les fonctionnaires de la police nationale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Gicquel n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté contesté doit être écarté ;

Considérant que la décision privant M. A de son traitement pour service non fait jusqu'à la levée de l'interdiction professionnelle résultant du contrôle judiciaire ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation de la commission administrative paritaire et de communication du dossier, n'est pas fondé ;

Sur la légalité interne :

Considérant que, par l'arrêté du 9 avril 2009 modifié par l'arrêté contesté du 22 avril 2009, le ministre a retenu que la nature des faits reprochés à M. A justifiait que soit prise à son égard une mesure de suspension conservatoire à compter de la levée de l'interdiction professionnelle décidée par le juge d'instruction ; qu'il résulte de cette motivation que, conformément aux exigences de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, la mesure de suspension a été prise en considération de la gravité des faits pour lesquels l'intéressé a été mis en examen ;

Considérant par ailleurs que, contrairement à ce que soutient le requérant selon lequel le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en affirmant, en méconnaissance des termes de l'ordonnance du juge d'instruction, que celle-ci interdisait à l'intéressé toute activité au sein de la police nationale, il résulte de l'arrêté contesté que, pour justifier l'interruption de la rémunération de M. A jusqu'à la levée de la mesure d'interdiction professionnelle décidée par le juge, le ministre s'est fondé sur la circonstance que cette interdiction faisait obstacle à l'exercice de ses fonctions de policier au sein de la direction départementale de la police aux frontières de Guyane ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2009 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 18 mai 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Cayenne est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. René A.

Source : DILA, 06/12/2011, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 30/11/2011