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Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 06/02/2013, 347622

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Rapporteur : Mme Catherine Chadelat

Commissaire du gouvernement : M. Damien Botteghi

Avocat : SCP DIDIER, PINET ; SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 21 mars, 21 juin et 11 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme B...A..., demeurant au...,; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08VE04146 du 20 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0510182 du 21 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Tremblay-en-France en date du 19 septembre 2005 supprimant, à compter du 1er décembre 2005, le poste de médecin-directeur du centre municipal de santé Françoise Dolto qu'elle occupait, à l'annulation des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005 du maire de Tremblay-en-France ayant respectivement pour objet de l'informer de son licenciement, de la placer en préavis et de prononcer le licenciement et à la condamnation de la commune de Tremblay-en-France à lui verser une indemnité de 112 149,79 euros au titre du licenciement, du préavis et des congés payés non pris ainsi qu'une indemnité de 25 870 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour Mme A... ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de MmeA..., et de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Tremblay-en-France,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de Mme A..., et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Tremblay-en-France ;






1. Considérant qu' il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a été recrutée par la commune de Tremblay-en-France par un contrat du 24 juin 1988 pour assurer les fonctions de direction et de coordination du centre municipal de santé Françoise Dolto ainsi que des consultations de pédiatrie dans cet établissement ; que, par une délibération du 19 septembre 2005, le conseil municipal a supprimé le poste de médecin directeur de ce centre à compter du 1er décembre 2005 à la suite de la restructuration des trois centres de santé de la commune ; que, par un courrier du 26 septembre 2005, le maire de la commune a informé Mme A...de son licenciement pour suppression d'emploi puis, par une lettre du 21 octobre 2005, qu'elle était placée en préavis de licenciement à compter du 1er octobre 2005 et que son préavis s'achèverait le 30 novembre 2005 ; que, par un arrêté du 8 novembre 2005, le maire de la commune a mis fin aux fonctions de Mme A...et a fixé le montant de son indemnité de licenciement ; qu'après avoir demandé à la commune de lui verser des indemnités au titre de congés annuels non pris, au titre du préavis dont elle aurait été indûment privée et au titre de la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de son licenciement, Mme A...a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 19 septembre 2005 et des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005 et de conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser les différentes indemnités qu'elle lui avait demandées ; que, par un jugement du 21 octobre 2008, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté l'ensemble de ces conclusions ; que l'appel formé par MmeA... contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 20 janvier 2011 ; que le pourvoi en cassation de MmeA..., qui ne soulève devant le Conseil d'Etat aucun moyen se rapportant à la légalité de la délibération du 19 septembre 2005, est dirigé contre cet arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à la légalité des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005, sur les conclusions relatives aux indemnités demandées au titre de congés annuels non pris, au titre du préavis et au titre de la réparation du préjudice résultant, selon l'intéressée, de l'illégalité du licenciement ;

Sur les conclusions relatives à l'indemnité compensatrice pour congés annuels non pris :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 15 février 1988 : " ... En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, l'agent qui, du fait de l'administration, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice... Lorsque l'agent a pu bénéficier d'une partie de ses congés annuels, l'indemnité compensatrice est proportionnelle au nombre de jours de congés annuels dus et non pris ... " ;

3. Considérant, d'une part, qu'en statuant sur les conclusions relatives à l'indemnité compensatrice prévue par ces dispositions, dont elle était saisie par l'appel formé par MmeA..., la cour administrative d'appel s'est prononcée au vu de l'argumentation des parties et n'a pas relevé d'office un moyen dont elle aurait dû, au préalable, informer les parties en vertu de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que d'autre part, en jugeant que si Mme A... contestait le montant de l'indemnité compensatrice de congés annuels qui lui a été versée, elle n'établissait ni que sept jours de congés accordés mais non pris lui restaient dus, ni que l'administration l'aurait empêchée d'en bénéficier, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits et pièces du dossier qui n'est pas susceptible, en l'absence de dénaturation, d'être discutée devant le juge de cassation ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à l'indemnité compensatrice pour congés annuels non pris ;

Sur les conclusions relatives à la légalité des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005 et les conclusions relatives aux indemnités demandées au titre du préavis et de la réparation du préjudice résultant de l'illégalité du licenciement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les agents contractuels... continuent à être employés dans les conditions prévues par la législation et la réglementation applicables ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit en tant qu'elles ne dérogent pas à ces dispositions légales ou réglementaires " ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de ces dispositions et relatif aux agents non contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis qui est de huit jours au moins si l'intéressé a accompli moins de six mois de services, d'un mois au moins s'il a accompli des services d'une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans... " ; qu'aux termes de l'article 40 de ce décret : " L'agent non titulaire engagé pour une durée déterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale avant le terme de son engagement qu'après un préavis qui lui est notifié dans les délais prévus à l'article 39 (...). Les mêmes règles sont applicables à tout licenciement d'agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée " ; qu'il résulte de ces dispositions que si un agent non titulaire de la fonction publique territoriale, engagé pour une durée indéterminée, ne peut faire l'objet d'un licenciement sans que soit respecté un préavis d'une durée minimale variable selon son ancienneté dans le service, il est loisible aux parties de prévoir dans le contrat une durée de préavis plus favorable à l'agent en considération de son ancienneté et de la nature de ses fonctions ; que, toutefois, le préavis ainsi fixé par les stipulations du contrat ne saurait, du fait d'une durée excessive, avoir pour effet d'entraver le possibilité, pour l'autorité administrative, de mettre un terme au contrat dans l'intérêt du service et de procéder au licenciement de l'agent ; que, saisi de conclusions par lesquelles un agent conteste le licenciement dont il a fait l'objet au motif que le délai de préavis prévu par son contrat n'a pas été respecté, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, eu égard, d'une part, à l'ancienneté de l'agent et à la nature de ses fonctions, d'autre part, à l'exigence qui vient d'être rappelée, la légalité du délai retenu par l'administration, lequel ne peut en tout état de cause être inférieur à la durée minimale résultant des dispositions du décret du 15 février 1988 ; que, saisi de conclusions tendant au versement d'une indemnité à raison de la durée du préavis ou de l'illégalité du licenciement, il appartient au juge de déterminer le montant de l'indemnité éventuellement due en fonction du délai de préavis qu'il juge, dans les circonstances de l'espèce, adapté, eu égard aux critères et à l'exigence mentionnés ci-dessus ;

5. Considérant que, pour juger que Mme A...ne pouvait se prévaloir des stipulations de l'article 10 de son contrat, qui prévoyaient une durée de préavis d'un mois par année d'ancienneté, sans que celle-ci puisse être inférieure à trois mois, et qu'elle ne pouvait solliciter à ce titre une indemnité de préavis de dix-sept mois, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que ces stipulations étaient illégales, comme contraires aux dispositions des articles 39 et 40 du décret du 15 février 1988 ; qu'en écartant ainsi les stipulations du contrat de Mme A...et en estimant que la durée de préavis ne pouvait excéder deux mois, sans rechercher si la durée du préavis résultant de l'application des stipulations du contrat devait être regardée comme excessive et si le maire avait pu, sans entacher le licenciement de Mme A...d'illégalité, décider de limiter la durée effective du préavis à deux mois, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l'arrêt, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à l'annulation des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005 et sur les conclusions relatives aux indemnités demandées au titre du préavis et de la réparation du préjudice résultant de l'illégalité du licenciement ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tremblay-en-France le versement à Mme A...d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A...à ce même titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 janvier 2011 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A...relatives à l'annulation des décisions des 26 septembre, 21 octobre et 8 novembre 2005 du maire de Tremblay-en-France et sur les conclusions relatives au versement d'indemnités au titre du préavis et de la réparation du préjudice résultant de l'illégalité du licenciement.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune de Tremblay-en-France versera à Mme A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A...et les conclusions présentées par la commune de Tremblay-en-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la commune de Tremblay-en-France.


Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CESSR:2013:347622.20130206

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 06/02/2013