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Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 30/12/2013, 352597, Inédit au recueil Lebon

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Rapporteur : M. Pascal Trouilly

Commissaire du gouvernement : M. Alexandre Lallet

Avocat : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Aslo a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 11 février 2008 par laquelle le conseil général du département de l'Hérault a préempté quatre parcelles situées sur le territoire de la commune de Saint-Guilhem-le-Désert, ainsi que la décision du 19 mai 2008 rejetant le recours gracieux formé contre cette délibération.

Par un jugement n° 0802903 du 31 décembre 2009, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions et a enjoint au département de proposer les biens en cause à la SCI Aslo, acquéreur évincé.

Par un arrêt n° 10MA00924, 11MA00716 du 11 juillet 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le département de l'Hérault à l'encontre de ce jugement et lui a enjoint d'exécuter le jugement selon les modalités définies par ce dernier.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 septembre et 12 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt n° 10MA00924 et 11MA00716 de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 juillet 2011 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Aslo la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2012, la SCI Aslo conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du département de l'Hérault et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SCI Aslo ;





CONSIDERANT CE QUI SUIT :


1. L'article L. 142-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels (...), le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non (...) ". Aux termes de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Pour la mise en oeuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption (...). / A l'intérieur de ces zones, le département dispose d'un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation volontaire, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit (...) ".

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) imposent des sujétions (...) ". Relèvent de cette catégorie les décisions de préemption d'un terrain prises sur le fondement des dispositions de l'article L. 142-3 du code de l'urbanisme.

3. La cour administrative d'appel de Marseille a relevé, d'une part, que la délibération litigieuse du 11 février 2008, par laquelle le conseil général du département de l'Hérault a préempté des parcelles situées sur le territoire de la commune de Saint-Guilhem-le-Désert, se bornait à indiquer qu'elle était prise " dans le cadre de la politique du département de protection, d'aménagement et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles " et, d'autre part, que la seule circonstance que la délibération ait visé le rapport du président du conseil général, adressé aux conseillers généraux avant la réunion du conseil général en application de l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales, ne saurait conduire à regarder le conseil général comme s'étant approprié les motifs figurant dans ce rapport. En statuant ainsi et en en déduisant que cette délibération avait méconnu les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, dès lors qu'elle avait jugé que la délibération du 11 février 2008 ne pouvait être regardée, en tout état de cause, comme valablement motivée par référence au rapport de présentation du président du conseil général, la cour n'avait pas à se prononcer sur la réalité de la transmission de ce rapport à l'acquéreur évincé, ni sur la charge de la preuve du caractère complet du contenu du courrier de notification. Ainsi, en ne répondant pas aux critiques formées par le département de l'Hérault à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Montpellier sur ces deux points, qui étaient sans incidence sur la solution du litige, elle n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient le département de l'Hérault, la cour ne s'est pas fondée sur la circonstance que la notification faite à la SCI Aslo, acquéreur évincé, aurait été incomplète mais sur le fait que la délibération litigieuse était insuffisamment motivée. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en retenant un tel motif, que la société pouvait utilement invoquer, alors même que la décision de préemption n'avait pas à lui être notifiée.

6. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Hérault n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'il attaque, rejetant son appel, ni, par voie de conséquence, de son article 2, qui lui enjoint d'exécuter le jugement du tribunal administratif.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCI Aslo, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du département de l'Hérault est rejeté.
Article 2 : Le département de l'Hérault versera une somme de 3 000 euros à la SCI Aslo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de l'Hérault et à la SCI Aslo.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Source : DILA, 23/03/2016, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CESSR:2013:352597.20131230

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 30/12/2013