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Conseil d'État, 7ème - 2ème SSR, 25/03/2013, 364950, Publié au recueil Lebon

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Rapporteur : Mme Laurence Marion

Commissaire du gouvernement : M. Gilles Pellissier

Avocat : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 18 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département de l'Isère, représenté par le président du conseil général ; le département de l'Isère demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206382 du 20 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative a, à la demande de la société PL Favier, annulé la procédure de mise en concurrence engagée par le département de l'Isère pour la passation d'un marché portant sur le renouvellement, le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords des bâtiments du conseil général de l'Isère, en ce qui concerne le lot n° 3 " territoire Val du Dauphiné ", et la décision d'attribution de ce lot à la société Eiffage ainsi que toute décision s'y rapportant ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société PL Favier ;

3°) de mettre à la charge de la société PL Favier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de l'Isère, et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société PL Favier,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département de l'Isère, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société PL Favier ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le département de l'Isère a lancé le 31 juillet 2012 une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande portant sur le renouvellement, le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords des bâtiments du conseil général, divisé en treize lots ; que, par un courrier du 27 novembre 2012, la société PL Favier a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du lot n° 3 à la société Eiffage ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux conclusions présentées par la société PL Favier sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, en annulant la procédure de passation litigieuse ainsi que toute décision s'y rapportant, en ce qui concerne le lot n° 3 ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 5 du code des marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. (...) " ; que le I de l'article 53 du même code dispose que : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :/ 1° (...) sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins, tels que définis à l'article 5 du code des marchés publics, compte tenu des objectifs de développement durable ; que, dans le cadre d'une procédure d'attribution d'un marché qui, eu égard à son objet, est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d'apprécier les offres au regard du critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté dès lors que ce critère n'est pas discriminatoire et lui permet d'apprécier objectivement ces offres ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit en relevant que, par nature et indépendamment des personnels susceptibles d'être concernés par l'exécution du marché, les travaux de renforcement et de renouvellement de chaussées prévus par le marché litigieux ne présentent aucun lien direct avec l'insertion professionnelle des publics en difficulté ; qu'il y a lieu, en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler son ordonnance ;

5. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société PL Favier ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de marché public fixe, parmi les critères de sélection des offres, le critère des performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, pondéré pour 15 % de la note finale ; que l'article 6 du règlement de consultation indique que cette performance en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté doit être appréciée au vu des éléments indiqués par les candidats, lesquels doivent notamment indiquer les modalités d'accueil et d'intégration de la personne en insertion recrutée dans le cadre de l'exécution du marché, présenter son référent avec son éventuelle formation au tutorat ou indiquer la progression et la formation de la personne en insertion recrutée ; que ce critère de performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, ainsi mis en oeuvre pour évaluer l'offre des candidats, est en rapport avec l'objet de ce marché de travaux publics, susceptible d'être exécuté au moins en partie par du personnel engagé dans une démarche d'insertion ; que, par suite, la société PL Favier n'est pas fondée à soutenir que le critère relatif aux performances en matière d'insertion professionnelle ne présente pas de lien avec l'objet du marché et ne pouvait légalement être retenu, alors même que le département de l'Isère n'a pas repris de telles exigences dans le cadre des clauses d'exécution du marché et que celui-ci devait s'exécuter sous la forme de bons de commande ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société PL Favier, l'attribution de la même note aux deux candidats par le pouvoir adjudicateur sur ce critère ne traduit pas la volonté de celui-ci d'ôter à ce critère toute portée et de modifier ainsi les modalités d'appréciation des offres ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que la demande présentée par la société PL Favier doit être rejetée ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société PL Favier, pour la procédure suivie devant le tribunal administratif de Grenoble et le Conseil d'Etat, la somme de 4 500 euros que le département de l'Isère demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la société PL Favier soit mise à la charge du département, lequel n'est pas partie perdante dans la présente instance ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble
du 20 décembre 2012 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société PL Favier devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : la société PL Favier versera la somme de 4 500 euros au département de l'Isère au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de l'Isère et à la société PL Favier.

Abstrats

39-02 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. - EXAMEN DES CANDIDATURES ET DES OFFRES - ATTRIBUTION DU MARCHÉ - DÉTERMINATION DE L'OFFRE ÉCONOMIQUEMENT LA PLUS AVANTAGEUSE (ART. 53 DU CMP) - MÉTHODE - CRITÈRES NON DISCRIMINATOIRES ET LIÉS À L'OBJET DU MARCHÉ - MARCHÉ SUSCEPTIBLE D'ÊTRE EXÉCUTÉ PAR DES PERSONNELS ENGAGÉS DANS UNE DÉMARCHE D'INSERTION - POSSIBILITÉ DE RECOURIR AU CRITÈRE D'INSERTION PROFESSIONNELLE DES PUBLICS EN DIFFICULTÉ - EXISTENCE [RJ1].

Résumé

39-02 Dans le cadre d'une procédure d'attribution d'un marché qui, eu égard à son objet, est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion, le pouvoir adjudicateur peut légalement prévoir d'apprécier les offres au regard du critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté mentionné au 1° du I de l'article 53 du code des marchés publics (CMP), dès lors que ce critère n'est pas discriminatoire et lui permet d'apprécier objectivement ces offres.

Source : DILA, 13/11/2018, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

ECLI:FR:CESSR:2013:364950.20130325

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Conseil d'État

Date : 25/03/2013