Le décrochage scolaire renvoie à un processus cumulatif, plus ou moins long, qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu’à le quitter avant d’avoir obtenu une qualification équivalente au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle, de type CAP ou BEP.
Un nombre de décrocheurs encore trop élevé
On compte 98 000 jeunes « décrochés » en 2016, sachant que 26 186 jeunes sont revenus en formation cette année-là. Ce sont aussi, aujourd’hui, 620 000 jeunes de 18 à 24 ans sortis précocement du système éducatif qui se trouvent en dehors de tout dispositif de formation et en situation précaire du fait que les emplois faiblement qualifiés sont aujourd’hui largement occupés par de jeunes diplômés. Les risques de décrochage sont inégalement répartis mais le phénomène touche tous les milieux sociaux. Il concerne davantage les garçons que les filles.
Un processus complexe aux causes multiples
Il est le fruit d’une très grande diversité d’interactions possibles entre des facteurs internes et externes à l’école. Aussi, n’existe-t-il pas de portrait-robot du décrocheur ni de profil type, mais autant d’histoires et de cas différents que de décrocheurs.
Une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre qu’un tiers des sortants sans diplôme avaient un faible niveau scolaire à l’entrée en 6e, mais 20 % des sortants étaient de bons élèves qui ont décroché en classe de 1re ou de terminale : rien ne permet d’affirmer que les élèves décrocheurs ne possèdent pas les capacités suffisantes pour réussir leur scolarité (cf. Bibliographie : DEPP, 2013).
Les étapes du décrochage
Les chercheurs notent le passage du décrochage cognitif aux comportements de rejet de l’école (passivité, refus du travail scolaire, chahut, etc.), liés à l’ennui et au sentiment de dépréciation scolaire de la part des enseignants. Viennent les retards puis l’absentéisme « pour s’échapper d’une source de contraintes, de souffrance et d’échec » (cf. Bibliographie : Bernard, 2011). Ces étapes ne s’organisent pas forcément de manière linéaire.
Remarque
L’absentéisme est considéré comme l’un des éléments les plus prédictifs du décrochage scolaire mais, entre absentéisme et décrochage, où est la cause, où est l’effet ?
L’effet établissement
Selon les travaux du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), les risques d’absentéisme sont deux fois plus importants pour les élèves les plus faibles scolairement et c’est dans les établissements où le niveau est le plus faible que l’on s’absente le plus (deux fois plus que dans les autres). Cet effet établissement en France est nettement plus élevé qu’en moyenne internationale.
L’environnement scolaire
C’est un facteur de contexte important souligné dans toutes les études.
Le public accueilli, les ressources des établissements, leur structure, les pratiques enseignantes mises en œuvre, etc. exercent un rôle majeur sur la persévérance scolaire.
Le décrochage interroge le système scolaire et sa capacité à garder tous les élèves qu’il accueille. On peut plus particulièrement incriminer :
- une école insuffisamment bienveillante ;
- des pratiques didactiques et pédagogiques inadaptées aux besoins des élèves, qui favorisent le décrochage cognitif et accentuent les écarts ;
- des pratiques d’évaluation qui entament l’estime de soi ;
- un climat scolaire peu sécurisant ;
- de mauvaises relations entre enseignants et/ou une faible implication des équipes pédagogiques ;
- des ressources et des pratiques pédagogiques moins exigeantes face à un public défavorisé ;
- une orientation contrainte provoquant l’abandon des études, en particulier en cours de CAP.
L’influence du groupe des pairs
Le rejet par les pairs, les manifestations d’exclusion ou de discrimination peuvent provoquer une souffrance qui conduit au décrochage.
Par ailleurs, le sentiment de dévalorisation de soi sur le plan scolaire peut inciter les élèves décrocheurs à se tourner vers des pairs solidaires pour ensemble faire front aux exigences scolaires.
L’aspect social
Pour certains jeunes en situation de précarité, prévenir le décrochage scolaire passe d’abord par le fait de trouver les moyens de satisfaire leurs besoins élémentaires : nourriture, toit, sommeil (cf. Mieux inclure les élèves en situation de grande pauvreté). La lutte contre le décrochage contribue à la prévention de la pauvreté.
A noter
Selon la dernière enquête Pisa, pour plusieurs centaines de milliers de jeunes, l’école et la formation sont vécues comme une source de mal-être ; aussi, qualifier un enfant ou un adolescent de décrocheur ou d’absentéiste implique qu’il serait seul responsable de sa situation.
Les troubles émotionnels et du comportement
Ces troubles regroupent des comportements affectant le « soi » : manque de confiance, dépression, anxiété, phobie, perte d’intérêt dans ses activités, et des comportements affectant aussi la relation à l’autre : trouble oppositionnel avec ou sans provocation.
Ces troubles sont corrélés avec le risque de décrochage, sans qu’on puisse établir de lien de causalité, de telles difficultés psychologiques pouvant être induites par un parcours scolaire problématique générateur d’une grande souffrance psychique. Les liens entretenus entre l’estime de soi, la motivation scolaire et la dépression expliquent en partie la complexité des processus à l’œuvre sur le plan personnel dans l’abandon des études.
Le cas d’élèves à haut potentiel
Un certain nombre d’entre eux, qui s’ennuient à l’école ou se sentent inadaptés au cadre scolaire, viennent grossir significativement les rangs des décrocheurs (cf. Climat scolaire et bien-être des élèves).
Les graves effets du décrochage scolaire
Sur le plan psychologique, le préjudice est très important en termes d’estime de soi et de qualité de vie.
Sur le plan social, la non-valorisation des talents de chacun est un gâchis pour la société et menace la cohésion sociale. Un jeune qui ne réussit pas son insertion sociale et professionnelle est surexposé à certains risques : emplois précaires, problèmes de santé, conduites addictives, délinquance.
Sur le plan économique, le décrochage génère des coûts importants pour la société, nettement supérieurs à ceux générés par les politiques publiques dans ce domaine.