Action… réaction
Le fonctionnement pyramidal de l'enseignement dans sa forme prémoderne ne nécessitait pas la participation des élèves. D’une certaine manière, le verbe magistral l’excluait tant sur le plan pédagogique qu'éducatif. Cette forme verticale de la relation maître-élève est perçue aujourd’hui comme une forme de violence exercée par les adultes sur les enfants et les jeunes, légitimée à la fois par le caractère privatif de l'enfance, par la nécessité d'accéder à un état supérieur, et par l'impossibilité dans laquelle ces derniers se trouvent d'y accéder par eux-mêmes.
Sur le plan institutionnel, les comportements individuels ou collectifs qui vont du consumérisme, de la passivité à l'agressivité, manifestent la réaction des élèves contre l'autorité sans partage qu'ils ont pu subir au nom du culte de l’autorité et de la discipline. Dans le domaine de la vie scolaire, l'histoire des établissements du second degré, celle des lycées en particulier, est émaillée de contestations multiformes (chahuts, charivaris, révoltes scolaires, bizutage dans sa forme transgressive à l’institution) qui attestent le refus des élèves de se soumettre au pouvoir absolu de l'administration.
Remarque
Les avancées significatives concernant les droits des élèves se sont toujours produites après de grands mouvements contestataires ou revendicatifs comme Mai 68 ou le mouvement lycéen de 1990. Ces contestations et les concessions qui peuvent en résulter ne manquent pas d’engendrer des stratégies de résistance, qui peuvent émaner tant des enseignants que de l’encadrement : les premiers, parce qu’ils peuvent se sentir remis en cause par le système représentatif ; le second, en se limitant à l’aspect formel de la démocratie et en n’autorisant les délégués à s’exprimer qu’après s’être assuré que leur parole ne constitue pas une menace transgressive de nature à perturber le fonctionnement immuable de l’instutition.
Du chef de classe au délégué
La fonction de délégué voit le jour en 1968. Elle fait suite à la première reconnaissance de la participation des élèves en 1945. Une circulaire d’après-guerre consacrait cette participation, mais le « représentant » était le représentant du professeur, le chef ou le capitaine apte à aider les enseignants à tenir la classe. Supplétif des enseignants, le chef de classe était reconnu par la confiance que plaçaient en lui les enseignants et par la crainte qu’il suscitait chez ses camarades, autorité voire autoritarisme découlant de la procuration enseignante dans un univers clos caractérisé par le culte de la discipline.
Aujourd’hui,la place de l’élève délégué au sein de la classe et au sein de l’institution n’est plus celle qu’occupait jadis le capitaine ou chef de classe. La légitimité du délégué n’émane plus du professeur. Le délégué est désormais élu par ses pairs. Cette élection lui confère le pouvoir d’être l’interprète de ses camarades, de pouvoir exprimer leurs doléances et non ses opinions personnelles, de devenir un médiateur et de mettre à disposition ses qualités d’animateur. Il n’est pas simplement une courroie de transmission, un porteur de cahiers de texte et d’appel (lesquels n’existent plus grâce à la dimension numérique). Pas plus qu’il ne se doit d’être un modèle sur le plan scolaire : il est un élève élu par ses pairs.
Une démocratie participative ?
L’école sera-t-elle un jour un espace de rencontre égalitaire adultes-apprenants ? L’asymétrie pédagogique et éducative n’est-elle pas la condition sine qua non pour un enseignement, pour une éducation, pour une formation possible ? C’est toute la question posée par la transmission des savoirs et des comportements dans un univers bouleversé par la révolution numérique et l’individuation des connaissances de l’humanité à la portée de tous en dehors même de l’école.
L’affirmation des droits de l’enfant par les instances internationales, la propagation du concept d’une école inclusive associées à l’évolution systémique des EPLE dont l’autonomie pédagogique et l’initiative constituent un label, font qu’aujourd’hui la place de l’apprenant a profondément évolué. Au sein de son collège ou de son lycée, l’élève est devenu un acteur à part entière.
A fortiori, la multiplication des instances de concertation ouvertes aux enseignants - l’émergence du conseil pédagogique en est l’illustration depuis 2006 – fait qu’aujourd’hui le système représentatif des apprenants est devenu une nécessité pour assurer un équilibre dans le fonctionnement interne des EPLE.
Remarque
Il est donc possible de parler d’une démocratie participative où l’apprenant devient un acteur à part entière de son établissement et des instances de l’institution.