La définition du marché public
En principe, un marché public est un contrat administratif, conclu à titre onéreux entre un organisme public et un ou plusieurs acheteurs publics (
CCP, art. L. 1111-1
) pour répondre aux besoins d’un organisme public en matière de travaux (
CCP, art. L. 1111-2
), de fournitures (
CCP, art. L. 1111-3
) ou de services (
CCP, art. L. 1111-4
). Les marchés qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à 25 000 € HT doivent être conclus par écrit (
CCP, art. L. 2112-1
et
R. 2112-1
). Il s’agit d’une définition traditionnelle, qui donne aux marchés publics un champ d’application particulièrement large.
La distinction avant la directive
Avant que n’interviennent la
directive sur les concessions
et les textes de transposition, la jurisprudence a été conduite à préciser les frontières de la délégation de service public, qui est aujourd’hui une catégorie de concession. La notion de délégation de service public a été progressivement définie par la jurisprudence, essentiellement par opposition à la notion de marché public, ainsi que par référence à d’autres catégories de contrats.
Déjà, le juge avait posé comme critère que le délégataire assume une part du risque d’exploitation (
CE, 15 juin 1994, n° 136734, Syndicat intercommunal des transports publics de la région de Douai
). Il avait été conduit à requalifier des délégations de service public en marchés publics (
CE, 5 juin 2009, n° 298641, Société Avenance-enseignement et santé
).
Exemple : ainsi, une convention, par laquelle une commune charge un prestataire d’organiser un festival de musique, sans qu’il y ait de mission de service public, sans que la commune contrôle la promotion musicale et les tarifs, n’est pas une délégation de service public, mais un marché public de prestation de services (
CE, 23 mai 2011, n° 342520,
Commune de Six-Fours-les-Plages
).
L’apport de la directive 2014/23/UE
Avec la nouvelle définition de la concession, qui se fonde sur la notion de risque, et qui donne une définition de ce risque, la jurisprudence est conduite à mieux cerner ses frontières.
Postérieurement à la publication de la directive, le Conseil d’État a été conduit à faire application de la notion de risque.
Un contrat relatif à l’exploitation sur le domaine public d’une commune de mobilier urbain supportant de la publicité est une concession de services. Ainsi en a jugé le Conseil d’État dans sa décision Ville de Paris (
CE, 5 févr. 2018, n° 416581
).
Par une décision en date du 24 mai 2017, le Conseil d’État est venu compléter sa jurisprudence en la matière en rappelant le critère de qualification d’une concession relatif au transfert du risque d’exploitation au délégataire (
CE, 24 mai 2017, n° 407213, Société Régal des îles
).
Dans cette décision, la commune de Saint-Benoît avait signé avec la société Dupont Restauration Réunion une convention provisoire pour la gestion du service public de restauration municipale.
Les stipulations relatives à la rémunération du concessionnaire prévoyaient que le concessionnaire recevrait, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune, qui couvraient 86 % de la rémunération du cocontractant. Ainsi, le risque économique du cocontractant ne portait, aux termes de la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés. Le contrat a été requalifié en marché public de services.
Contrat de concession et Code de la commande publique
Aux termes de l’
article L. 1121-1 du Code de la commande publique
, « Un contrat de concession est un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, qu’il a supportés ».
Un contrat de concession peut porter sur des travaux et être un contrat de concession de travaux (
CCP, art. L. 1121-2
) ou sur des services et être alors un contrat de concession de service (
CCP, art. L. 1121-3
). S’il porte sur des travaux et des services, il sera qualifié de contrat de concession de travaux, si son objet porte principalement sur des travaux que sur des services ; sinon, ce sera le contraire (
CCP, art. L. 1121-4
).
Le cas de la gérance
C’est dans le cadre de la jurisprudence antérieure que la jurisprudence a été conduite à s’intéresser à la formule de la gérance. Dans la littérature traditionnelle, consacrée aux concessions ou aux délégations de service public, la gérance était considérée comme une variante de concession de service public, à côté de la concession pure, de la régie intéressée, et de l’affermage. La gérance est un mode de gestion dans lequel l’autorité publique confie à un tiers la mission d’exécution du service public, moyennant une rémunération forfaitaire. Dans le système de la gérance, le gérant entretient une relation directe avec l’usager, ce qui a pu expliquer qu’elle ait été considérée comme un mode concessif ; la relation directe avec l’usager, et notamment la facturation, ayant longtemps été considérée comme un des critères de la reconnaissance de l’appartenance à la catégorie concessive.
L’exclusion de la gérance de la catégorie des délégations de service public
Avec le critère d’une rémunération directement liée aux résultats d’exploitation, la reconnaissance de la gérance – parfois considérée comme une sorte de mandat – comme un mode concessif devenait très douteuse, puisque le critère d’une rémunération qui soit substantiellement fonction des résultats d’exploitation ne pouvait être rempli, s’agissant d’une rémunération de caractère forfaitaire. Dans une décision intervenue quelques années après la loi Sapin (
CE, 7 avril 1999, n° 156008, Commune de Guilherand-Granges
), le Conseil d’État a considéré qu’un contrat de gérance était en fait un marché public. Nul doute que la nouvelle définition de la concession exclut clairement la gérance de la catégorie des délégations de service public.
Le cas de la régie intéressée
On peut également s’interroger sur l’appartenance de certains contrats de régie intéressée à la catégorie des concessions. La régie intéressée est un mode de gestion dans lequel le régisseur assure l’exploitation du service, mais perçoit une rémunération forfaitaire assortie d’un intéressement fondé sur un certain nombre de critères représentatifs de l’exploitation. Avec la nouvelle définition de la concession, il faudra que cet intéressement génère un risque suffisant pour qu’une régie intéressée soit qualifiée de concession.