Fondement législatif
En vertu de l’
article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, en principe, tout agent public est, après son recrutement sur un emploi permanent, soumis au statut de la fonction publique à laquelle il se rattache. Toute dérogation visant à recruter un agent sur un emploi public permanent via un contrat doit être expressément prévue et par là même fondée sur une disposition législative. Le statut de fonctionnaire est donc, aujourd’hui, le principe ; celui de contractuel, l’exception. Ce que rappelle le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019, en ses n° 20 à 28, spécialement le n° 21, et que les chiffres de la fonction publique territoriale confirment (cf. infra les contractuels en chiffres).
L’
article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale conforte la disposition législative précitée en affirmant que les personnes nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des départements, des régions ou de leurs établissements publics, sont régies par la loi précitée du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.
Exception législative
La fonction publique territoriale connaît donc une exception principielle à la soumission de ses agents au statut et à la qualification de fonctionnaire, posée par l’article 3 de la loi suscitée du 26 janvier 1984. Aux termes de cet article, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié :
- soit à un accroissement temporaire d’activité, pour une durée maximale de 12 mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de 18 mois consécutifs ;
- soit à un accroissement saisonnier d’activité, pour une durée maximale de 6 mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de 12 mois consécutifs.
Mais, et c’est important de le souligner, ce recours au contrat ne vise, en principe, que des emplois à temps complet ou non, mais non permanents. Finalement, et originellement, le recours au contrat était logiquement entendu comme une mesure d’adaptation à un besoin ponctuel, voire limité, en termes de recrutement.
C’est ce qu’illustre d’ailleurs parfaitement le cas des « sapeurs-pompiers contractuels ». En effet, en vertu de l’
article 3-6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
, le statut de contractuel peut être aussi accordé, de manière occasionnelle, à des sapeurs-pompiers, rattachés à des services départementaux d’incendie et de secours, pour assurer le remplacement momentané de sapeurs-pompiers professionnels ou pour exercer des fonctions correspondant à un besoin lié à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité. Seuls des sapeurs-pompiers volontaires peuvent être recrutés par contrat à cette fin. Ils bénéficient alors des mêmes conditions, légales et réglementaires, fixant le régime de protection sociale applicables aux personnels relevant des cadres d’emplois de sapeurs-pompiers professionnels.
Autres exceptions
Les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent logiquement, cette fois-ci, recruter par contrat des collaborateurs de cabinet, des collaborateurs d’élus ou des personnes occupant des emplois de direction (emplois fonctionnels) et ce, en application, respectivement, des articles
110
,
110-1
et
47
de la loi du 26 janvier 1984. Ce sont toutefois des postes de confiance qui ne concernent pas, par essence, des emplois permanents. Il est à préciser que, concernant les postes de direction susmentionnés, les possibilités envisagées ont été élargies par l’article 16 de la loi suscitée du 6 août 2019, qui a donc modifié l’article 47 susmentionné.
En vertu de l’
article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
, peuvent être aussi recrutés par contrat des bénéficiaires de l’obligation d’emploi, visés par les 1° au 4° et 9° au 11° de l’
article L. 5212-13 du Code du travail
. Mais ce contrat prépare la titularisation éventuelle de la personne ainsi recrutée ; par suite, sa durée ne peut pas excéder celle de la durée de stage ou de la scolarité prévue par le statut particulier du cadre d’emplois ayant vocation à le régir à l’issue de ce stage. Il ne peut être renouvelé qu’une fois, et ce pour la même période que celle initiale. À l’issue de cette période déterminée de contrat, le contractuel a vocation à être titularisé s’il remplit les conditions d’aptitude pour l’exercice de sa fonction.
Depuis 2006, en vertu de l’article 38 bis de la loi du 26 janvier 1984, de jeunes gens de 28 ans sans formation diplômante ou qualification professionnelle peuvent être recrutés contractuellement sur des emplois de catégorie C en vue d’une titularisation ; ce dispositif dit « Pacte » (parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’État) est aussi ouvert aux personnes en situation de chômage de longue durée, âgées de 45 ans et plus et bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l’allocation de solidarité spécifique ou de l’allocation aux adultes handicapés (ou du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de parent isolé dans les départements d’outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon). La durée d’un tel contrat ne peut être inférieure à 12 mois, ni supérieure à 24 mois. Ce contrat ne peut être renouvelé qu’une fois pour une période d’un an. À l’issue de ce contrat, son bénéficiaire a vocation à être titularisé ; c’est pourquoi ce contrat est assorti d’un système de tutorat et de formation pour le guider dans l’administration et le former à un métier en vue de son adaptation la plus opérationnelle possible à un emploi public.
Première « véritable » dérogation
L’article 3-1 de la
loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
, modifié par l’article 22 de la loi précitée du 6 août 2019, et inspiré du I de l’
article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, pose une première et principale dérogation au recours principiel à un fonctionnaire pour occuper un emploi permanent. Ainsi prévoit-il, en vue de répondre à des besoins temporaires, de recourir à des contractuels, mais pour occuper les emplois permanents des collectivités locales et de leurs établissements publics. Cette dérogation vise, par exemple, le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d’agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un détachement de courte durée, d’une disponibilité de courte durée prononcée d’office, de droit ou sur demande pour raisons familiales, d’un détachement pour l’accomplissement d’un stage ou d’une période de scolarité préalable à la titularisation dans un corps ou un cadre d’emplois de fonctionnaires ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à un corps ou un cadre d’emplois, d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service ou de tout autre congé régulièrement octroyé.
Cet article ajoute que les contrats conclus dans l’une de ces hypothèses doivent l’être pour une durée déterminée et renouvelés, par décision expresse, dans la limite de la durée de l’absence du fonctionnaire ou de l’agent contractuel à remplacer. Ils peuvent prendre effet avant le départ de cet agent.
Comme l’indique le I de l’
article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, de tels recrutements sur des emplois permanents d’agents publics contractuels relèvent d’une procédure spéciale de recrutement, aujourd’hui fixée par l’
article 5 du décret n° 2019-1414 sus évoqué du 19 décembre 2019
; cet article complète utilement le décret n° 88-145 du 15 février 1988 régissant les agents publics contractuels territoriaux, par des articles 2-2 à 2-10.
Deuxième dérogation
L’
article 3-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
pose une deuxième et principale dérogation. Ainsi prévoit-il, mais cette fois-ci pour les besoins afférents à la continuité du service, la possibilité pour les collectivités locales et leurs établissements publics de recourir à des contractuels, toujours pour occuper des emplois permanents, en vue de faire face à une vacance temporaire d’emploi, et ce dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire. Le contrat est alors conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. Sa durée peut être prolongée, dans la limite d’une durée totale de 2 ans, mais, en principe, seulement tant que la procédure de recrutement pour pourvoir l’emploi par un fonctionnaire n’a pu aboutir.
Troisième dérogation
L’
article 3-3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
, modifié par l’article 21 de la loi précitée du 6 août 2019, vise une autre et très importante dérogation, qui concerne la possibilité de recourir à des contractuels mais, cette fois-ci, de manière éventuellement permanente, donc à durée indéterminée. Cette possibilité vise des emplois permanents, pour lesquels il n’existe pas de cadre d’emplois de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes, de toutes les catégories, A, B ou C, lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions – spécialement leur complexité technique – le justifient et sous réserve qu’aucun fonctionnaire n’ait pu être recruté, ou encore, pour les communes ou communes nouvelles de moins de 1 000 habitants, ainsi que pour les EPCI de moins de 15 000 habitants. Cette possibilité peut aussi concerner des emplois à temps non complet de n'importe quels autres collectivités et établissements locaux que ceux mentionnés, mais lorsque la quotité de temps de travail est inférieure à 50 % ; elle vise aussi les emplois des communes de moins de 2 000 habitants et des groupements de communes de moins de 10 000 habitants dont la création ou la suppression dépend de la décision d’une autorité qui s’impose à la collectivité ou à l’établissement en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d’un service public.
Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d’une durée maximale de 3 ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d’une durée maximale de 6 ans. Si, à l’issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée.
Quatrième dérogation : les « contrats de projet »
Aux termes du II de l’article 3 de la loi susmentionnée du 6 août 2019, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent, pour mener à bien un projet ou une opération précis et identifiés, recruter un agent par un contrat à durée déterminée, dont l’échéance coïncide avec la réalisation du projet ou de l’opération. Le contrat est conclu pour une durée minimale d’un an voire d’une durée maximale de 6 ans, en vertu de l’accord des parties. La limite de 6 ans n’est pas exclusive de la conclusion de plusieurs CCD ; il y a donc possibilité de renouvellement du contrat initial. Mais cette « durée-limite » est impérative, parce que, au-delà de 6 ans, le CDD devient, en principe, CDI ! Reste donc entière la question d’un projet ou d’une opération porteurs, dont la réalisation n’est pas finalisée dans la période des 6 ans… Le régime du contrat de projet, spécialement dans la FPT, a été fixé par les articles 3 à 17, du
décret n° 2020-172 du 27 février 2020
relatif au contrat de projet dans la fonction publique, qui complète ainsi le
décret n° 88-145 du 15 février 1988
relatif aux agents contractuels de la FPT.
Autres dérogations
Le recours au contrat est aussi envisagé en cas de reprise de salariés de droit privé dans le cadre d’un service public administratif géré par une personne publique (
art. 14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
; voir
C. trav., art. L. 1224-3
) ou pour assurer des missions d’assistant maternel (
CASF, art. L. 421-1
) ou d’assistant familial (
CASF, art. L. 421-2
). Ces emplois peuvent être, pour les premiers, ou sont, pour les seconds, permanents.
In fine, il existe aussi les « contrats d’accompagnement dans l’emploi », et plus spécialement les « contrats uniques d’insertion » (CUI-CAE), depuis une réforme législative du 26 juillet 2019, qui sont des contrats passés dans le secteur non marchand et qui facilitent, grâce à une aide financière de l’État pour l’employeur – public ou privé –, l’accès durable à l’emploi au bénéfice prioritaire des personnes rencontrant des difficultés sociales et/ou d’insertion professionnelle. Ils permettent des recrutements à durée déterminée ou indéterminée et sont régis par les
articles L. 5134-19-1
et
R. 5134-14
et suivants du Code du travail. Ces CUI sont aussi appelés, de manière courante voire commune, des « contrats aidés ».
Ces contrats nous renvoient au lien juridique ambigu entre la « durée du contrat » et la « permanence de l’emploi ». Reste que, comme ce type de contrat peut viser des recrutements à durée indéterminée, il est possible, mais pas exclusif, que ce contrat soit utilisé pour assurer des embauches de personnes sur des emplois permanents.