Dommages causés par un engin de chantier
Même opérant dans le cadre d’un marché public, un engin de chantier, selon les caractéristiques qui sont les siennes, peut être un véhicule. Tel est toujours le cas lorsqu’il est doté d’un dispositif lui permettant de se déplacer de façon autonome ; il constitue alors un « véhicule » au sens de la
loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957
. Or, la responsabilité attachée aux accidents de véhicule est en vertu des dispositions de l’
article 1er de la loi du 31 décembre 1957
(« par dérogation à l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, les tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque »).
Par suite, sans qu’y fasse obstacle le fait que cet engin participait à l’exécution de travaux publics, la juridiction judiciaire est seule compétente pour connaître de l’action en réparation de désordres causés par une pelle mécanique ayant endommagé des canalisations de gaz souterraines (
TC, 12 décembre 2005, GDF c/ Société Jean Lefebvre Picardie, req. n° 3492
, Rec. 665), par une trancheuse ayant sectionné des câbles installés sous la chaussée (
TC, 12 décembre 2005, France Télécom c/ Société Travaux Publics Électricité, req. n° 3481
, Rec. 665) ou par la chute de la flèche d’une grue mobile utilisée pour la réalisation de travaux de construction d’un ouvrage sur une autoroute (
TC, 30 juin 2008, Mme Lefèbvre c/ Société Setec et a., req. n° 3680
).
Exception : présence d’un contrat administratif
Notons toutefois qu’il résulte des dispositions de l’
article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957
, éclairées par les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi, que « le législateur n’a entendu déroger aux règles de compétence découlant du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires qu’en ce qui concerne les actions en responsabilité extracontractuelle, en visant à ce titre une action civile qui est soit jointe à l’action pénale, soit exercée séparément [et] que n’entre donc pas dans le champ des prévisions de la loi une action en responsabilité qui a pour fondement les liens contractuels existant entre l’auteur présumé du dommage et la victime dès lors que le contrat est soumis, comme c’est le cas notamment pour les marchés de travaux publics en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII, à un régime de droit public, auquel la loi n° 57-1424 n’a nullement pour objet ou pour effet de mettre un terme » (
TC, 12 février 2001, Commune de Courdimanche et Compagnie Groupama Île-de-France c/ Agent judiciaire du Trésor, req. n° 3243
: compétence de la juridiction administrative pour connaître de la mise en cause par la commune, du fait des préjudices propres qu’elle invoque, de la responsabilité de l’État en raison de travaux publics exécutés à la suite de la passation d’un contrat de maîtrise d’œuvre entre ces deux collectivités publiques).
C’est aussi pour cette raison que l’article 1er de la loi du 31 décembre 1957 n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de déroger aux règles normales de compétence applicables aux actions en responsabilité engagées sur un fondement autre que celui qui est seul visé par cette disposition que dans ses arrêts précédemment cités, le Tribunal des conflits a pris le soin de préciser que le juge judiciaire n’était compétent que parce qu’il n’était ni établi ni même allégué que le dommage ait eu sa cause déterminante dans une conception défectueuse des travaux.
A contrario, relève de la compétence des juridictions de l’ordre administratif l’action en responsabilité engagée par un automobiliste, fondée sur les conditions défectueuses d’exécution d’un chantier par une entreprise de travaux publics (
TC, 2 mars 2009, Mme Campeggi et Cie QBE c/ Société aménagement hydroélectrique polynésienne (SAHP) et Cie AXA, req. n° 3691
).