Parce que les sommes qui transitent sur ce compte ont vocation à être éclatées rapidement sur le compte personnel de chacune des entreprises groupées. En effet, le groupement ne dispose pas de la personnalité juridique et la constitution d’un compte bancaire est par définition temporaire. Il est d’ailleurs important que les sommes soient réparties rapidement et ne restent pas immobilisées sur ce compte, car cela constitue un des éléments retenus par la jurisprudence pour requalifier le groupement momentané en société de fait en considérant qu’il ne s’agit plus de compte de transfert mais d’un compte social.
Le droit à l’avance s’apprécie par rapport au montant total du marché, de la tranche ou du bon de commande et non par rapport au montant de la part des prestations devant être exécutées par chacun de ses membres. (Sur les conditions qui ouvrent droit à une avance, se reporter à la fiche Gérer le versement et le remboursement de l’avance.)
S’il est possible d’individualiser les prestations respectives de chaque membre ainsi que leur montant, l’acheteur verse la part de l’avance revenant à chacune des entreprises.
À défaut, l’avance est versée sur le compte du groupement ou du mandataire commun qui aura la charge de la répartir entre les membres du groupement :
- lorsque le titulaire est un groupement solidaire, la garantie à première demande est fournie par le mandataire pour la totalité de l’avance ;
- lorsque le titulaire est un groupement conjoint, chaque membre fournit une garantie correspondant à l’avance qui lui est consentie. Si le mandataire du groupement conjoint est solidaire, il peut constituer la garantie à première demande pour la totalité de l’avance.
Cette situation peut apparaître lorsque le mandataire est chargé de répartir les sommes payées par le maître d’ouvrage sur le compte unique de transfert et, placé en redressement ou en liquidation judiciaire, ne les reverse pas aux autres cotraitants.
La jurisprudence administrative considère que dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage ne peut être tenu responsable d’avoir imposé le paiement des prestations entre les mains du mandataire dans la mesure où les autres cotraitants l’ont contractuellement désigné dans l’acte d’engagement et dans la convention de groupement et où ce paiement unique est également prévu dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) que les cotraitants ont accepté.
Pas plus, le maître d’ouvrage ne saurait être tenu responsable de ne pas avoir vérifié que le mandataire avait souscrit un contrat d’assurance garantissant les cotraitants contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle liée au maniement de fonds.
Cette vérification doit être opérée par les membres du groupement eux-mêmes, et le contrat qui les lie (la convention de groupement) reste un contrat de droit privé auquel le maître d’ouvrage n’est pas partie.
Dès lors, en cas de défaillance de l’entreprise mandataire, dans l’hypothèse où le maître d’ouvrage a réglé les prestations sur le compte unique de transfert, les cotraitants impayés devront se tourner vers l’administrateur judiciaire et déclarer leur créance au passif de l’entreprise.
Qu’il soit conjoint ou solidaire, un groupement momentané d’entreprises, qui n’a pas de personnalité morale, n’a pas qualité pour agir en justice.
En revanche, individuellement, chaque membre du groupement conjoint candidat dispose de la qualité pour agir en justice, que ce soit au stade de la passation du marché pour en contester l’attribution ( CAA Nantes, 4e ch., 14 mai 2018, n° 17NT01662 ) ou en phase d’exécution, lorsque le groupement est titulaire et souhaite saisir le tribunal administratif pour présenter une requête tendant, par exemple, au paiement de travaux supplémentaires ou à une demande d’indemnisation.
Les entreprises membres d’un groupement solidaire peuvent se représenter mutuellement en justice dans toutes les instances relatives aux obligations attachées à l’exécution du marché. Toutefois, cette représentation mutuelle de membres du groupement cesse lorsque, présents dans l’instance, ils formulent des conclusions divergentes ( CE, 22 juin 2012, n° 350757 ).
Le mandataire est parfois investi contractuellement de la faculté de « représenter » auprès du maître d’ouvrage le groupement, ce qui a pour conséquence de lui donner la faculté de réclamer le paiement du marché pour l’ensemble des membres, quelle que soit la répartition interne des tâches à accomplir, et même malgré le refus d’un membre de s’associer à la saisine du tribunal administratif ( CE, 4 juin 1976, n° 85342, Sté toulousaine immobilière ).
Sur ce point, il convient donc de vérifier à la fois les dispositions du marché et de la convention de groupement.
À cet effet, sachez que les conditions générales des modèles de convention de groupement proposés par les organisations professionnelles du BTP, qu’il s’agisse de groupement conjoint ou solidaire, précisent que la mission du mandataire ne s’étend pas à la représentation en justice des membres du groupement.
Enfin, pour ce qui concerne la phase postérieure à l’exécution du marché, dans un litige relatif à la responsabilité décennale des constructeurs, le Conseil d’État a considéré que la solidarité entre les membres s’étendait à l’obligation de réparer les désordres au titre de la garantie décennale, et donc la représentation mutuelle en justice se poursuivait pour les besoins de cette réparation, même dans l’hypothèse où la convention de groupement en aurait prévu l’expiration ( CE, 11 mai 2011, n° 327452, Sté d’études, de recherche et de développement d’automatismes ). Cette solidarité ne bénéficie toutefois qu’au maître d’ouvrage.
C’est la raison pour laquelle il est important que la convention de groupement anticipe cette difficulté en prévoyant l’obligation de s’informer mutuellement de toute action à l’encontre de l’un d’entre eux qui émanerait du maître d’ouvrage, car cette dernière interrompt les délais de recours ou de garantie à l’égard de tous, parfois à leur insu.