L'historique du CCAS de Marseille

L'assistance, la bienfaisance et l'action sociale à Marseille ont connu des développements particuliers.

Les origines

En effet, en 1720, la peste frappe Marseille et détruit une partie de sa population. Le régent adopte alors, par arrêt en Conseil du Roi, l'isolement de la ville et de sa proche région. Il est instauré un contrôle étroit des personnes et des biens et interdit aux bateaux venant de Marseille d'entrer dans d'autres ports français.

Ces mesures s'avèrent efficaces puisque la peste reste circonscrite en Provence et la maladie disparaît dès 1722.

Le résultat de cette campagne contre la peste a encouragé le développement de nouveaux instruments administratifs en matière de protection des populations.

Ce progrès en matière de protection a été accompagné du changement de mentalité en ce qui concerne l'assistance aux populations, notamment pour les plus fragiles (pauvres, vieillards, enfants). Ainsi, pour Montesquieu :

quelques aumônes que l'on fait à un homme nu dans les rues ne remplissent point les obligations de l'État qui doit à tous les citoyens une substance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit point contraire à la santé.

On assiste, alors, à un glissement du sentiment chrétien (la charité) vers un devoir de la puissance publique (la bienfaisance).

Cette idée a été reprise par les Cahiers de doléances rédigés en vue de la réunion des États généraux, convoqués par Louis XVI en 1789, et réaffirmée par le Comité de mendicité de l'Assemblée constituante, présidé par La Rochefoucauld-Liancourt, qui évoquera le « droit des pauvres sur la Société ».

Cette évolution aboutira à la loi du 7 frimaire an VII (27 novembre 1796), qui charge les bureaux de bienfaisance de percevoir « 1 décime par franc en sus du prix de chaque billet d'entrée pour tout spectacle ». L'impôt sur les spectacles fait toujours partie des recettes traditionnelles des CCAS. Cette loi accorde, de fait, une existence légale aux bureaux de bienfaisance et met en œuvre une action laïque de solidarité.

Les développements propres à Marseille

Le 28 octobre 1938, survint, à Marseille, un événement terrible : les « Nouvelles Galeries », situées sur la Canebière, prirent feu. On trouvait en face de ce lieu le Grand Hôtel Noailles, où étaient descendues un certain nombre de personnalités, venues assister au xxxv e Congrès du Parti radical, dont le président du Conseil, Édouard Daladier, et le maire de Lyon, Édouard Herriot.

Lorsque la nouvelle de l'incendie arriva jusqu'à la salle du congrès, les débats furent immédiatement interrompus. La panique qui s'ensuivit ainsi que la mauvaise organisation des secours participèrent à la tragédie, qui vit 73 personnes décéder lors de l'incendie. Édouard Daladier s'écria alors : « N'y-a-t-il donc personne pour faire régner l'ordre dans cette ville ! »

La tragédie, survenue en présence de telles personnalités dans la ville, eut des conséquences très néfastes pour l'administration municipale. Le corps municipal des sapeurs-pompiers de la ville fut dissout pour faire place à la création d'un bataillon de marins-pompiers.

Mais, surtout, la ville de Marseille fut mise sous tutelle par l'État, par un décret-loi du 20 mars 1939, et un administrateur extraordinaire fut nommé pour gérer la commune.

L'action sociale de la ville ne fut pas épargnée par ce texte. En effet, le décret se propose :

de transformer entièrement les conditions dans lesquelles fonctionnent à Marseille les établissements d'assistance et de bienfaisance, les dispositions que contient à cet égard la loi de 1851 ne sont plus adaptées aux problèmes que pose l'assistance dans une cité d'un million d'âmes, en complète évolution, à laquelle sa situation de grand port de transit entre la métropole et l'Empire impose des charges et des devoirs particuliers. La législation applicable à la ville de Paris, trop ancienne elle aussi, ne pourrait être purement et simplement transposée. Le projet tout en posant les bases essentielles du régime nouveau et en permettant à bref délai un retour au droit commun pour l'application de la loi de 1893 sur l'assistance médicale gratuite, renvoie pour le surplus, à un régime d'administration publique.

Il fallut attendre la Libération pour que la commune retrouve son autonomie.

1970 est une date clé pour l'action sociale à Marseille. En effet, le décret n o  70-816 du 9 septembre 1970 attribue une organisation spécifique au bureau d'action sociale de la ville de Marseille (qui a cette appellation depuis 1953). Mais, surtout, ce texte entérine, à Marseille, la scission entre l'action sociale et l'assistance publique.

Cette scission traduit la distinction qui est désormais faite entre l'action envers les malades et l'action envers les indigents. Ainsi, ce texte prévoit que les agents de l'assistance publique à Marseille en fonction dans les services rattachés au bureau d'aide sociale de Marseille sont mis à disposition de cet établissement public, tandis que les agents titulaires disposent d'une année pour opter pour leur maintien au sein de l'assistance publique ou leur rattachement au bureau d'aide sociale.

Le CCAS de Marseille aujourd'hui

Les lois de décentralisation des années 1980 ont conféré un statut particulier aux trois plus grandes villes de France : Paris, Lyon et Marseille. Pour Marseille, ce statut se justifiait, notamment, en raison des dimensions géographiques très importantes de la commune. Les statuts ont prévu la division du territoire de ces trois communes en arrondissements.

Marseille est donc divisée en seize arrondissements, regroupés en huit mairies d'arrondissement, chacune administrée, sous réserve des compétences du conseil municipal, en conseils d'arrondissement. La commune est également gérée par un conseil municipal composé de 101 membres, nombre exceptionnel par rapport aux autres grandes communes de France.

À l'instar des dispositions spécifiques de la loi PLM, la loi particulière de 1986 notesLoi n o  86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé, article 55.
et le décret du 6 mai 1995 notesDécret n o  95-562 du 6 mai 1995 relatif aux centres communaux et intercommunaux d'action sociale, abrogé par le décret n o  2004-1136 du 21 octobre 2004 relatif au Code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire).
ont prévu des dispositions spécifiques pour les CCAS de ces trois grandes villes. Le centre communal d'action sociale de la ville de Marseille est régi par des dispositions qui lui sont propres au sein du Code de l'action sociale et des familles (résultant des codifications de 2001 et de 2004).

L'article L. 123-4 du Code de l'action sociale et des familles prévoit que le statut des CCAS de Paris, Lyon et Marseille est fixé par voie réglementaire.

Ces dispositions à caractère réglementaire sont aujourd'hui les articles R. 123-62 et suivants du CASF et plus particulièrement les articles R. 123-62 et R. 123-63 pour le CCAS de Marseille.

Ces articles modifient la composition du conseil d'administration du CCAS de Marseille en lui attribuant un seuil plus élevé de membres que pour les autres CCAS. En effet, le conseil d'administration du CCAS de Marseille peut comprendre jusqu'à seize membres élus et seize membres nommés (au lieu de huit), soit trente-trois membres au total, en comptant le maire, président de droit du conseil ( cf.   Chap. 2 ).

En outre, la composition du conseil d'administration du CCAS de Marseille se distingue en ce que doivent y siéger non plus un mais deux membres des associations familiales, désignés sur proposition de l' UDAF.

Enfin, l'article R. 123-63 du CASF indique que les fonctions de comptable du CCAS de Marseille sont exercées par le receveur municipal.

Important

À l'heure actuelle, le conseil d'administration du centre communal d'action sociale de la ville de Marseille est composé de dix-huit membres plus le maire.

Le contexte actuel et les réponses du CCAS de Marseille

Outre ses compétences obligatoires, qui sont celles de droit commun, le CCAS de la ville de Marseille dirige sa politique essentiellement à l'attention des personnes âgées. Il a donc largement contribué à atténuer les effets de la canicule de 2003, qui a fait, dans cette ville, un nombre bien moins important de victimes que dans les autres grandes villes de France.

Cette action est particulièrement justifiée dans une ville de plus de 800 000 habitants, où plus de 180 000 personnes ont plus de 60 ans.

Cette politique volontariste est constituée d'éléments traditionnels (résidences pour personnes âgées, soins à domicile, portage de repas...), mais aussi de politiques innovantes en ce domaine (accompagnement des aînés dans leurs démarches quotidiennes). Aujourd'hui, le CCAS de Marseille gère également pour le compte du maire le registre des personnes fragilisées vivant à leur domicile prévu à l'article L. 121-6-1 du CASF, dans le cadre du plan départemental d'alerte et d'urgence en cas de risques exceptionnels.

Par ailleurs, la situation économique (plus de 44 000 bénéficiaires du RMI), mais également géographique (territoire particulièrement étendu), complexifie l'intervention du CCAS sur la commune. Cette situation a conduit le CCAS de Marseille à développer ses implantations sur tout le territoire de la commune, ainsi qu'à diversifier son action. De fait, le CCAS instruit les demandes de RSA, gère des logements provisoires dans le cadre de l'éradication de l'habitat indigne, est agréé comme centre de formation et assure, notamment, la formation de bénéficiaires du RSA dans le cadre du diplôme d'État d'auxiliaire de la vie sociale (DEAVS), accorde des aides pour la gratuité dans les transports en commun (personnes âgées, aveugles civils, anciens combattants, chômeurs indemnisés...).

Enfin, le CCAS de Marseille souhaite donner toute sa portée à l'article R. 123-1 du CASF qui indique que les CCAS :

procèdent annuellement à une analyse des besoins sociaux de l'ensemble de la population qui relève d'eux, et notamment de ceux des familles, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes en difficulté.

En effet, le CCAS de Marseille entend faire de l' analyse des besoins sociaux (ABS) ( cf.   Partie 2, Chap. 2 ) un document de travail incontournable pour toutes les institutions, publiques ou privées, animant une action sociale sur le territoire de la commune.