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Statut de l’élu local : “La PPL exclut le conflit d’intérêt public-public pour les élus d’Epl”

Élus

À l'occasion du congrès qu'elle organise du 14 au 16 octobre à Montpellier, la FedEpl se penche sur la proposition de loi sur le statut de l'élu en cours d'adoption et les conséquences spécifiques qu'elle implique pour les élus présidents ou membres de conseil d'administration d'Epl. L'occasion aussi de présenter un guide réalisé en coproduction avec l'AFA sur la déontologie et la prévention des atteintes à la probité dans les Epl. Pour Benjamin Gallèpe, « la perception du risque est forte et il est nécessaire de mettre un terme à cette situation où le président d'une Epl ne serait pas en mesure de participer au vote d'une délibération concernant l'activité de son entreprise publique locale ! ».

Avant sa démission, le Premier ministre, dans un courrier adressé aux maires, avait affiché son intention de voir « aboutir, avant les élections municipales », la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local. Le texte a été adopté en période estivale en première lecture par l’Assemblée nationale et doit désormais repasser par la case Sénat… quand un nouveau gouvernement sera mis en place. Françoise Gatel, sénatrice UC et auteure de la proposition de loi, vient d’être nommée ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, ce qui irait probablement dans le sens d’une continuité du parcours de ce texte attendu par les associations d’élus avant les élections municipales.

En quoi la PPL sur le statut de l’élu concerne-t-elle ceux qui président ou sont dans les conseils d’administration des Entreprises publiques locales ?

Les articles 18 et 18 bis de cette PPL excluent le principe de conflit d’intérêt public-public du droit. Si elle était adoptée, il n’y aurait ainsi plus de présomption de conflit d’intérêt au sens pénal dans le cadre des fonctions occupées par les élus dans les organismes publics et donc des  Epl. Nous avons quelques amendements pour sécuriser encore un peu plus les élus sur le plan juridique que nous aimerions voir adopter. Si nous y parvenons, cela lèverait le risque d’une contradiction entre la lecture que pourrait en faire un juge et le Code des collectivités tel qu’il serait réécrit. La notion d’intérêt public doit pourvoir s’appliquer comme telle pour les Sociétés publiques locales comme pour les Sociétés d’économie mixte ou encore les Sociétés d’économie mixte à Opération unique.

La fin du conflit d’intérêt public-public met donc un terme à la nécessité des déports pour les élus dans les instances délibératives où des votes concerneraient directement les Epl dont ils sont présidents ou membres des conseils d’administration…

C’est bien ça que le texte prévoit également, à l’exception de la rémunération et des délibérations contractuelles. Ceci met un terme aux problèmes de quorum, de vaudeville dans les assemblées et de risques de perte de majorité lors des votes de délibérations proposées de fait par la majorité qui, si cette dernière n’est pas très élargie, pouvait subir un échec puisque les élus concernés ne pouvaient voter lesdites délibérations.

Sur les autres amendements à venir, quel serait la précision que vous souhaitez ?

Nous souhaitons que l’ensemble des trois formes juridiques des Epl soient explicitement prises en compte et qu’il ne persiste pas de doute sur le fait que les élus de l’économie mixte locale exercent un mandat « d’intérêt public » au sens de la proposition de loi. Nous considérons comme le législateur que nous répondons à ces critères mais nous préférons que ce soit écrit noir sur blanc. Des amendements de coordinations doivent également permettre de rendre pleinement applicables les autres avancées du texte aux Epl, sans laisser des interrogations une fois adopté.

Ce qui rassurerait les élus actuels et ceux qui seraient amenés à s’engager dans l’économie mixte locale après les élections municipales de 2026…

Il y a une crainte des élus de voir toutes les décisions prises tout au long du mandat au cours desquelles ils seraient restés dans le conseil municipal ou métropolitain sans se déporter ou, pire encore, pris part au vote. Certains présidents d’associations ont par exemple été condamnés pour non-déport, et deux administrateurs de Spl dans le Finistère ont récemment été mis en examen par le procureur pour avoir voté un avenant concernant leur Spl.
La perception du risque est donc forte et il est nécessaire de mettre un terme à cette situation où le président d’une Epl ne serait pas en mesure de participer au vote d’une délibération concernant l’activité de son entreprise publique locale ! L’autre problème est plus pratique et relève de l’organisation pour les assemblées délibérantes puisque si chaque fois, après les élections municipales et donc le renouvellement des élus dans les Epl, un élu doit sortir de la salle le temps que les autres élus valident son élection, les premiers conseils municipaux risquent de durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines ! Car aujourd’hui, on procède par « paquets » : une liste est proposée, votée, puis on passe à la liste suivante. Si l’on veut être très prudent, il n’y aurait plus de listes mais des décisions individuelles sur chacun des élus, avec, chaque fois, l’élu concerné qui sort le temps de son élection puis qui revient pour laisser sa place à l’extérieur au prochain qui sera désigné ! Au lieu donc de nommer dix élus à la fois pour un conseil d’administration, ces nominations deviennent individuelles. Ce qui multiplie par dix le temps de la décision.

C’est à croire que les parlementaires ne connaissent pas les Epl ?

Le plus difficile a été de faire comprendre effectivement que ce fonctionnement n’était pas normal. Mais une fois que les parlementaires l’ont entendu, la volonté de changer les choses s’est manifestée assez rapidement.

Le guide coécrit avec l’Agence française anticorruption s’inscrit aussi dans la volonté de clarifier le travail des élus d’Epl ?

Cette démarche commune s’inscrit dans la continuité du Livre blanc de la FedEpl sur la transparence de gestion des Epl. Le travail avec l’Agence française anticorruption (AFA) permet de bien préciser toutes les procédures que les Epl doivent mettre en place dans leurs actes de gestion. Défauts déclaratifs, risques de prises illégales ou de conflit d’intérêts, rémunérations des dirigeants, politique relative aux cadeaux, etc. Des cas pratiques sont présentés et sont communs à ceux auxquels sont confrontés les autres entreprises dans le privé.

Stéphane Menu

Isabelle Jegouzo, directrice de l’AFA
« Les Epl sont exposées à des risques spécifiques »

Créée par la loi Sapin II du 9 décembre 2016, l’Agence française anticorruption (AFA) accompagne les acteurs publics et privés dans la prévention et la détection des atteintes à la probité.
« Depuis la loi 3DS du 21 février 2022, cette mission s’étend à toutes les entreprises publiques locales (Epl), c’est-à-dire aux SEM (sociétés d’économie mixte) et SPL (services publics locaux) ».
Pour la directrice, « à l’interstice de la sphère publique et privée, les Epl occupent une position singulière qui les expose à des risques spécifiques : diversité d’activités, multiplicité de partenaires, relations contractuelles complexes.
Les plus grandes Epl — plus de 500 salariés et 100 M€ de chiffre d’affaires — sont assujetties à l’article 17 de la loi Sapin II, qui impose un dispositif anticorruption obligatoire.
Les autres relèvent de l’article 3, invitant à des mesures proportionnées à leur taille et à leurs risques ».

« Illustrer concrètement les situations à risques »

Pour les accompagner, notamment les structures plus modestes, l’AFA et la FedEpl ont conçu un guide pratique et opérationnel, véritable kit déontologique et de prévention des atteintes à la probité.
« Présenté sous forme de fiches, il invite élus, dirigeants et salariés à s’interroger sur la déontologie en entreprise (conflits d’intérêts, cadeaux, parrainages…) et propose des bonnes pratiques adaptées à mettre en œuvre.
Le guide se distingue également par la réflexion approfondie qu’il propose sur les risques d’atteintes à la probité, rencontrés par les Epl du fait de la diversité de leurs missions.
En abordant aussi bien les fonctions supports (telles que les ressources humaines ou les marchés publics) que les métiers opérationnels (urbanisme, logement, culture, environnement), il offre une approche sectorielle permettant d’identifier et d’illustrer concrètement les situations à risques, certaines ayant déjà donné lieu à des condamnations pénales.
L’objectif visé est de permettre à chaque Epl, selon ses moyens et ses réalités, de déployer progressivement un plan de prévention et de détection des atteintes à la probité », explique la directrice.

Posté le 14/10/25 par Rédaction Weka