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Cédric Vial : “Si l’État ne finance pas les AESH, les collectivités devront aller au contentieux”

Éducation

Depuis la rentrée scolaire 2024, la loi du 27 mai 2024 impose à l'État de financer la rémunération des personnes qui accompagnent les élèves en situation de handicap (AESH), "durant le temps scolaire et le temps de pause méridienne". Mais, un an plus tard, dans certains départements l'État ne prend toujours pas ce coût en charge, ce qui oblige parfois les communes à assurer elles-mêmes le financement des AESH. Le 28 août 2025, à la veille de la rentrée scolaire, le sénateur Cédric Vial (Savoie), à l'origine du texte, a pris l'initiative d'adresser un courrier à la ministre de l'Éducation nationale alors en place, Élisabeth Borne, pour lui demander de veiller à son application.

Malgré la chute du Gouvernement Bayrou, les ministres encore en place doivent gérer les affaires courantes, et Cédric Vial nous explique qu’il ne relâchera pas la pression.

Depuis la rentrée 2024, l’État doit financer l’accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH) pendant la pause déjeuner. Quel est le coût de cette mesure ?

L’État finançait les AESH depuis 2005. Mais en novembre 2020, une jurisprudence du Conseil d’État a dit que c’était aux collectivités d’assumer ce financement, qu’elles ont donc pris en charge pour les écoles publiques pendant deux rentrées scolaires. Ma loi a permis de revenir à la situation ante : c’est l’État qui paye. Nous avons estimé que le coût de l’accompagnement s’élèverait à environ 25 millions d’euros si tous les enfants qui en avaient besoin en bénéficiaient. Le ministère de l’Éducation nationale a considéré que cette mesure pouvait entraîner des demandes supplémentaires, et que le coût pouvait même atteindre 32 millions d’euros, mais 25 millions d’euros me paraît une estimation très correcte et assez large. Cela représente entre 1 200 et 1 300 ETP*, c’est-à-dire des agents qui sont déjà dans le plafond d’emploi du ministère. Il ne s’agit pas de postes supplémentaires, c’est simplement une notion budgétaire. Le ministère a donné des consignes pour que des AESH collectifs s’occupent de plusieurs enfants pendant le temps de midi, lorsque c’est possible, ce qui pourrait réduire un peu le coût.

Pourtant, il y a des départements où cela ne fonctionne pas ?

Ça fonctionne partout mais ça ne fonctionne pas bien partout. Je suis beaucoup monté au créneau l’année dernière car je suis très choqué de voir que les cadres du ministère considèrent que, certes, c’est la loi mais que l’on fait comme on veut… Que la loi fixe non pas une obligation pour eux, mais un objectif. Par exemple, des moyens ont été rajoutés sur les AESH mais il y a un déficit d’AESH de manière générale ; alors, certaines académies ont choisi de transférer ces moyens sur le reste du temps plutôt que de les mettre sur le temps méridien. Du coup, elles n’appliquent pas le droit. D’autres directeurs disent que s’ils attribuent les moyens au temps de midi, ils les enlèveront sur le temps scolaire. Donc : soit l’enfant fait des maths, soit il mange…

Des procédures lourdes ont été mises en place : notamment, une circulaire que nous avons fait abroger prévoyait la signature d’une convention-cadre et de conventions spécifiques. J’ai aussi le sentiment que certaines académies ont pour stratégie de ne pas mettre les moyens dans les grandes villes, préférant se fâcher avec une seule grande collectivité qu’avec cinquante petites… Et, si l’État ne met pas les moyens, la grande ville peut se substituer. Si l’État fait son boulot à partir de maintenant, on ne lui demandera pas de rembourser les collectivités lorsqu’elles ont dû payer six mois de plus. Sinon, il faudra aller au contentieux.

Vous voulez veiller à l’application stricte de la loi sur la rémunération des AESH et faire la chasse au formalisme ?

La circulaire qui recréait du formalisme a été abrogée et un décret du 14 février 2025, qui clarifie le rôle des AESH et précise que le maire ne peut pas confier de missions supplémentaires aux AESH, a été voté. Certains départements sont en train de recréer des règles départementales et des démarches formalistes, là où il n’y en avait pas avant. Il n’y a pas besoin de conventions supplémentaires. La loi s’applique le plus simplement possible : c’est l’État qui est responsable et qui fait les contrats de travail. Il convient de faire la chasse au formalisme et aux discours insupportables de certains directeurs académiques des services de l’éducation nationale** qui disent aux familles et aux maires qu’ils appliqueront la loi en fonction de leurs moyens. Non ! On applique la loi. Par définition, l’État applique les lois. Les moyens de l’école inclusive ont été énormément augmentés ces dernières années — on est à plus de 4 milliards d’euros cette année. Les 32 millions d’euros de l’AESH ont été affectés au budget, Élisabeth Borne me l’assuré à plusieurs reprises, y compris en audition publique au Sénat. C’est la mise en œuvre et l’organisation qui pêchent, et ça, c’est le boulot du ministre. Il faut un ministre qui mette les mains dans le cambouis et regarde sous le capot, pour vérifier comment ça marche, sans se contenter de dire à ses services qu’il souhaite que ça marche.

Combien d’enfants bénéficient aujourd’hui de l’accompagnement ?

À la fin de l’année scolaire, la ministre m’affirmait qu’en juin, il y avait 870 ETP c’est-à-dire que 70 % des objectifs étaient atteints. Cela signifie que 30 % ne l’étaient pas : soit, entre 5 000 et 6 000 enfants qui avaient besoin d’un accompagnement et n’étaient pas pris en charge, alors qu’ils auraient dû l’être. Mon combat, cette année, c’est de veiller à ce que, au lieu de finir l’année scolaire à 70 %, on finisse à 100 %.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

* équivalents temps plein
** Dasen

Après le sixième alinéa de l’article L. 917-1 du Code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont rémunérés par l’État durant le temps scolaire et le temps de pause méridienne. »

Posté le 16/09/25 par Rédaction Weka