Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
Guillaume Colinmaire : J’occupe depuis 2019 le poste de Chef de mission Manag’Est, l’école des managers de la Région Grand Est. Après une maitrise de droit public et européen à la Faculté de droit de Nancy en 1999, et un Master Politiques publiques en Europe, j’ai intégré en octobre 2001 la fonction publique territoriale suite à la réussite du concours d’attaché territorial en tant que juriste puis responsable du service juridique au sein de la Région Lorraine.
J’ai décidé de reprendre mes études en 2007 pour tenter le concours de l’ENA que j’ai failli décrocher. Cette expérience m’a donné envie de découvrir de nouveaux horizons : j’ai évolué ainsi à partir de 2010 vers le management et le pilotage de projets stratégiques en tant que Directeur du Pôle Aménagement et Infrastructures de la Région Lorraine qui m’a vu piloter la création d’un nouvel établissement public de gestion de l’aéroport régional.
J’ai eu l’opportunité passionnante en 2012 de prendre la direction générale du syndicat mixte du Parc naturel régional de Lorraine, pour mener à bien le projet de renouvellement du classement du Parc pour 15 ans. J’ai réintégré la Région devenue Grand Est en fin 2016 en tant que Directeur Sports Tourisme et notamment piloté la création de l’agence régionale du tourisme Grand Est. Administrateur territorial depuis 2018, il m’a été proposé d’initier la création d’une école des managers de la Région Grand Est, avec l’appui d’une équipe dynamique de 5 personnes.
Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?
Guillaume Colinmaire : Je citerai 3 des 4 valeurs cardinales de la charte managériale de la Région Grand Est.
Responsabilisation : la période Covid et le basculement en télétravail ont mis en lumière, s’il en était besoin, le bénéfice et l’efficacité d’un management responsabilisant qui libère les potentiels des équipes. Manag’Est accompagne à ce titre les managers régionaux pour développer un management participatif et développer une posture facilitant la prise d’initiatives des équipes. Mon activité de coach interne procède également de cette ambition.
Coopération : dans une grande collectivité comme la Région Grand Est, le sujet de la coopération et de la transversalité est majeur pour enrichir et croiser les politiques publiques. Cela se traduit concrètement par la formation des agents régionaux au management de projet, des actions favorisant l’interconnaissance (vis ma vie inter directions), l’entraide entre collègues (réseau social interne d’entraides pour favoriser « les coups de main »).
Innovation : je repartirai de la racine latine « innovare » qui signifie « renouveler ». Renouveler le management public c’est pour moi, de mettre l’humain au centre (et qui plus est à l’heure de l’intelligence artificielle), de développer les compétences comportementales (écoute, intelligence émotionnelle) des managers, mais aussi développer une culture créative du risque. Comme dirait A. Einstein « une personne qui n’a jamais commis d’erreurs, n’a jamais tenté d’innover ».
Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?
Guillaume Colinmaire : L’écoute tout d’abord des managers et de leurs équipes pour identifier les besoins et proposer des réponses adaptées, tant en terme de formation que de conseil et d’accompagnements.
L’enthousiasme ensuite qui est un moteur puissant pour fédérer autour de projets nouveaux, comme le projet de « marque employeur » que je copilote actuellement et dont les réflexions ont associé près de 1 000 agents régionaux.
La curiosité enfin pour être à l’affut des innovations et des mutations futures.
Qu’est-ce qui vous fait lever chaque matin ?
Guillaume Colinmaire : L’inattendu ! Je suis quelqu’un de curieux et j’aime tous les jours découvrir de nouveaux domaines, lancer de nouveaux projets, échanger avec de nouvelles personnes. Une bonne journée pour moi c’est une journée avec de l’imprévu, un nouveau challenge. « Le droit mène à tout » me disait-on pendant mes études et je crois que mon parcours confirme bien cet adage. Et c’est tant mieux.
Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou dont vous parleriez avec fierté ?
Guillaume Colinmaire : Très difficile de n’en citer qu’un. Pour mes anciennes expériences, je pense notamment à la création en « mode projet » avec dix directions partenaires de l’établissement public de gestion de l’aéroport régional, en 6 mois très intenses. Ou encore au renouvellement de labélisation du Parc naturel régional de Lorraine qui m’a amené à imager en synergie avec les élus du Parc, les acteurs du territoire et une équipe passionnée, le développement durable à 15 ans d’un beau territoire de 188 communes.
Plus récemment j’ai la fierté d’avoir initié en 2020 et de piloter, un réseau national des écoles de management internes aux collectivités territoriales : le REMIX. Ce réseau fort aujourd’hui de 103 membres parmi les plus grandes collectivités françaises (9 régions, 33 départements, 33 établissement publics et métropole) constitue la preuve que la sphère publique et les collectivités territoriales sont désormais en pointe sur l’innovation managériale.
Nous y partageons dans la bonne humeur actions et expériences multiples en matière de formation et d’accompagnement managérial qui n’ont rien à envier au secteur privé : de la mise en place de parcours de formation managériaux expérientiels, au développement d’outils numériques d’autodiagnostic managérial proposant des formations sur mesure aux managers, à l’analyse de la maturité collaborative des équipes… les initiatives ne manquent pas.
Nous explorons ensemble le futur du management notamment à l’occasion de nos différents séminaires annuels qui ont par exemple abordé « les métiers du futurs », « le management des transitions » ou « l’hybridation et le management ». Et surtout nous nous entraidons ! Pour reprendre Marcel Mauss la force du don-contre don est inépuisable et explique à mon sens la croissance rapide de ce réseau.
Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?
Guillaume Colinmaire : Hormis un voyage en antarctique, je dirais d’intégrer l’intelligence collective comme un mode de fonctionnement quotidien dans les collectivités, permettant une pleine émulation entre élus, managers et équipes. Manag’Est s’est associé depuis trois ans, à une chaire Unesco, pour explorer les vecteurs d’intelligence collective, de coopération dans nos organisations. Nous utilisons dans nos ateliers et séminaires d’équipes par exemple l’art (dessin, écriture mais aussi récemment la danse) pour casser les codes et favoriser la créativité et l’idéation. C’est un terrain prometteur.
Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?
Guillaume Colinmaire : Je dirais un ancien directeur général des services de la Région Lorraine, qui m’a donné l’opportunité à 34 ans de prendre la direction de l’aéroport régional. Beau geste de confiance managériale qui m’a ouvert littéralement de nouveaux horizons professionnels. Au-delà d’une personne en particulier, je voudrais également citer les équipes que j’ai été amené à manager durant toutes ces années. J’ai exploré des domaines d’activité très différents mais reste toujours la passion et l’engagement de personnes qui ont rendu parfois possible l’impossible. Ce sont elles qui m’inspirent au quotidien.
Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?
Guillaume Colinmaire : Je pense à une citation de Benjamin Franklin qui me semble bien résumer l’enjeu du management participatif : « Dis-moi et j’oublie, enseigne-moi et je me souviendrai, implique-moi et j’apprends ».
Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?
Guillaume Colinmaire : Je marche et songe à mes futurs voyages, comme tout globe-trotter dans l’âme.
Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?
Guillaume Colinmaire : Je dirais au niveau sociétal l’évolution du rapport à l’autorité, qui enjoint les managers à développer une nouvelle forme de leadership moins basée sur l’autorité pure, que sur le sens et l’engagement des équipes. À un niveau personnel ma formation de coach en 2021 qui m’a ouvert un nouveau champ de compréhension de l’humain.
Propos recueillis par Hugues Perinel