Dans ses conclusions, le Roquelaure de la Simplification de l’action des collectivités contient un point clé n° 3 intitulé « Recentrage et modernisation du contrôle de légalité ». Le document mis en ligne par le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation relève que le contrôle est devenu « trop tatillon » et demande à centrer l’exercice du contrôle de légalité sur les actes RH à fort enjeu, invitant d’adopter « une logique de confiance a priori et de conseil plutôt que de contrôle systématique ».
Simplification ou économies ?
L’observateur de longue date d’une telle annonce – qui doit bien avoir été faite par au moins une dizaine de gouvernements depuis 1982 – ne peut que rester sur sa faim devant de telles préconisations. On s’interroge ici surtout sur la raison de cette proposition. Pour être plus direct, ne s’agit-il pas de couvrir du manteau – populaire en ces temps – de la simplification ce qui relève purement et simplement d’un manque cruel de moyens qui ne fait que traduire un désengagement supplémentaire de l’État des territoires. Ainsi, l’allégement des contrôles rimerait d’abord avec une baisse de la dépense publique !
Le rapport déposé le 9 juillet dernier par la sénatrice Florence Blatrix Contat est ici cruel : alors que le nombre d’actes transmis au contrôle de légalité a augmenté de près de 50 % entre 2015 et 2024, les moyens en personnel des services de contrôle de légalité ont, eux, baissé de 10 % depuis 2010 [Sénat, Des contrôles de légalité et budgétaire annoncés prioritaires : comment passer de la parole aux actes, Rapport d’information n° 843 (2024-2025)]. Dans ce contexte, il apparaît déjà presque miraculeux que le taux de contrôle des actes reste à peu près stable sur la période aux environs de 20 %, alors que tous les praticiens ne peuvent que constater la complexification de l’ensemble des normes applicables à la vie locale.
Des contrôles « à profusion »
La question des contrôles pesant sur les collectivités locales doit toutefois être élargie. Au-delà des services de contrôle de légalité, d’autres institutions interviennent régulièrement – juges financiers avec le nouveau dispositif si décrié de responsabilité des gestionnaires publics, contrôle des services techniques, institutions particulières (ANCOLS, HATVP, AFA…), voire juge pénal de plus en plus présent dans le monde local – parfois avec un certain désordre et des intentions peu compréhensibles pour les élus et leurs équipes. C’est souvent de cette profusion que souffre le monde local dans une situation où la prime à l’abstention peut devenir une forme de performance dans la gestion locale.
Une mission constitutionnelle à valoriser
Pour revenir à une éventuelle réforme du contrôle de légalité, il convient là encore de retourner aux sources. Cette mission est constitutionnelle – elle est prévue à l’article 72 de la Constitution – et constitue un des piliers de l’État de droit sur les territoires. Cette mission doit être davantage reconnue et valorisée. Elle doit être également repensée, la mission de conseil – déjà aujourd’hui particulièrement importante dans l’action quotidienne des agents compétents – devant être valorisée et amplifiée.
À cet égard, à quand un véritable rescrit administratif, garant de la sécurité juridique pour les acteurs locaux qui ont besoin de réponses rapides, fermes et juridiquement engageantes pour mener leurs projets ? Outre une réforme de l’article L. 1116-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ce sont des moyens dont les services de l’État ont besoin, comme le rappelle fermement Mme Blatrix Contat dans son rapport. Mais, tout cela, comme le respect de l’État de droit, n’apparaît pas, en ces temps incertains, « très tendance »…
Gilles Le Chatelier, Avocat associé du cabinet Adaltys