La fonction de directeur des soins connaît actuellement un manque d’attractivité. Quelle en est la cause ?
Depuis deux ans, de plus en plus de cadres et de cadres supérieurs de santé se présentent au concours de directeur des soins. La fonction attire dans les parcours professionnels. Pour autant, il faut rester très raisonnable concernant cette analyse, car 60 postes de directeurs des soins sont vacants depuis six mois, ce qui est révélateur de problématiques.
La première tient, selon nous, au fait qu’entre les salaires des cadres supérieurs de santé et ceux des directeurs de soins, il y a très peu voire aucun écart. Or, devenir directeur des soins implique un certain investissement. Les candidats doivent passer un concours, puis intégrer pendant neuf mois l’École des hautes études en santé publique (EHESP), ce qui signifie s’installer à Rennes. C’est un vrai effort, notamment pour l’organisation de la vie privée. Pour autant, nous estimons qu’il est essentiel de maintenir la formation des directeurs des soins en présentiel à l’EHESP avec les deux autres filières à savoir les directeurs d’hôpital et les directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social (D3S), car cette école représente la marque emblématique de leur enseignement et de leur formation. Ils exercent une fonction déjà moins reconnue que les deux autres ; ne plus se rendre à l’EHESP ne leur serait pas profitable.
Les directeurs des soins attendent depuis longtemps une reconnaissance statutaire et une revalorisation salariale. Où en est concrètement ce dossier ?
Nous en sommes au point zéro. Cependant, nous attendons, depuis le mois de juin, la publication de trois textes, qui devraient faire évoluer la situation.
Le premier concerne les emplois fonctionnels. Dès lors que les directeurs des soins occupent un emploi fonctionnel, une grille salariale dédiée s’applique ; une façon de valoriser leur fonction notamment au sein des Centres hospitaliers universitaires (CHU), où les responsabilités sont plus larges. Cette grille devrait normalement s’articuler avec la grille indiciaire classique, car nous évoluons sur les deux en parallèle en fonction de nos postes – en sachant que des emplois fonctionnels sont d’une durée de cinq ans, renouvelable une fois. Or, il arrive fréquemment que nous nous trouvions au plus haut indice de la grille des emplois fonctionnels, mais que le salaire correspondant se situe en dessous de celui auquel nous pourrions prétendre sur la grille standard. C’est une aberration ! Un décret, dont nous attendons la publication, devrait permettre un ajustement afin de faire en sorte que ce soit toujours le meilleur indice qui prévaut à l’avantage du directeur des soins.
Par ailleurs, il existe moins de postes fonctionnels au sein des instituts de formations, que dans les établissements hospitaliers de la fonction publique. De fait, pour valoriser les responsabilités des directeurs des soins dans les instituts de taille importante, le nombre de postes fonctionnels devrait également augmenter. Mais là aussi nous attendons la publication du texte.
Enfin, le dernier texte attendu porte sur la revalorisation financière des élèves directeurs de soins, qui perçoivent une indemnité plus faible que celle des élèves directeurs d’hôpital et des élèves directeurs d’établissement sanitaire, social et médico-social. Un alignement devrait avoir lieu.
Le Conseil de la fonction publique a donné un avis favorable pour ces trois évolutions.
Qu’en est-il de la revalorisation de la grille indiciaire « classique ». Est-elle à l’ordre du jour ?
Elle ne l’est pas encore. En 2024, le ministre de la Fonction publique de l’époque, Stanislas Guerini, avait annoncé qu’après la réforme des directeurs d’hôpital, il enclencherait des travaux concernant les directeurs des soins. Mais rien n’est programmé à ce jour. Or, cette revalorisation représente un élément phare pour l’attractivité de la fonction. La grille indiciaire des directeurs des soins doit être rapprochée de celle des directeurs d’hôpital, sans pour autant être alignée, car il ne s’agit pas de la même fonction. De même qu’elle doit s’éloigner de celle des cadres supérieurs de santé, sinon, il n’y a aucun intérêt à se former à cette fonction à hautes responsabilités et à fort engagement. D’ailleurs, nous souhaiterions également que ce poste soit accessible par la voie de la promotion interne (tour extérieur), car cette option existe dans tous les corps de direction sauf dans le nôtre. Des cadres supérieurs de santé, en poste de faisant fonction de directeur de soins, pourraient ainsi passer par ce tour extérieur. Le Centre national de gestion (CNG) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ont travaillé sur sa mise en œuvre. Mais l’instabilité gouvernementale qui règne depuis quelques années explique certainement les délais pour l’application des dispositions concernant les directeurs des soins.
Propos recueillis par Laure Martin