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“La médiation pourrait devenir un vecteur de transformation de la culture administrative”

Administration

Dominique Volut, docteur en droit public, médiateur administratif et avocat, et expert pour WEKA a publié récemment un ouvrage intitulé "La médiation administrative" aux Éditions Médias et Médiations. Il connaît bien les administrations, les collectivités publiques et les besoins de leurs représentants, élus et directions des services. Il a accepté pour WEKA de nous éclairer sur ce dispositif qui va bien au-delà de la procédure judiciaire. C'est "un processus humain qui met le dialogue au cœur de la résolution des désaccords, pour une justice plus apaisée et plus efficace".

Avec la création du Médiateur de la République le 3 janvier 1973, devenu en 2011 le Défenseur des droits, la France a mis en place un processus pour améliorer les relations entre les citoyens et l’administration. Depuis la résolution amiable des conflits a connu un développement significatif avec les MARD. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 a notamment permis la reconnaissance et l’encadrement de la médiation administrative, un mode alternatif de résolution des litiges entre les usagers et l’administration. Depuis 2017, une médiation « volontaire » peut être engagée, soit par les parties, soit à l’initiative du juge administratif, avec l’intervention d’un médiateur indépendant. En 2018, la loi a prévu pour certains types de litiges une expérimentation de la médiation préalable obligatoire (MPO) pour quatre ans. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 a pérennisé la MPO, en faisant une étape incontournable avant tout recours contentieux dans la sphère administrative.

La médiation est désormais une obligation dans la fonction publique. Quelles sont les décisions administratives concernées par la MPO ?

Codifiée aux articles L. 213-11 à L. 213-14 du Code de justice administrative (CJA), la médiation préalable obligatoire (MPO) n’est pas une simple invitation à discuter : elle constitue une condition préalable à tout recours contentieux pour certains agents publics, dans des cas précisément définis. Le but est de résoudre le différend avant tout procès, dans un cadre gratuit, encadré, et potentiellement plus humain. Pour l’instant, la médiation préalable obligatoire (MPO) ne concerne que les agents affectés dans les services académiques, écoles du 1er degré, EPLE relevant d’académies désignées par arrêté ministériel et les agents des collectivités ayant signé une convention MPO avec leur centre de gestion (CDG). En présence d’un RAPO, la médiation préalable obligatoire (MPO) intervient avant celui-ci lorsque sont contestées les décisions administratives individuelles défavorables suivantes concernant les domaines suivants : rémunération ; refus de détachement, disponibilité ou congé non rémunéré (contractuels) ; réintégration ou réemploi après absence ; classement après promotion ou avancement formation professionnelle ; mesures pour agents en situation de handicap et aménagements pour agents inaptes.

Il est à noter que le délai de recours contentieux est interrompu par la saisine du médiateur (art. L. 213-13 CJA). Le coût de la médiation est intégralement pris en charge par l’administration ayant rendu la décision contestée. L’absence de MPO rend la requête irrecevable, mais le tribunal transmet le dossier au médiateur compétent. La décision de fin de médiation (par l’administration, l’agent ou le médiateur) n’est pas contestable. Enfin, il est possible également dans la fonction publique de recourir à la médiation administrative de façon volontaire, non seulement quand le contentieux est porté devant le juge, mais également quand il ne l’est pas.

Quels sont les avantages pour les administrations de recourir à la médiation par rapport à l’engagement d’une procédure contentieuse devant un tribunal administratif ?

 

La médiation n’est pas une dépense, mais un investissement stratégique avec un retour sur investissement tangible. Mon ouvrage souligne les bénéfices directs de cette approche sur leurs problématiques quotidiennes.

Premièrement, la médiation favorise une réduction des coûts. La médiation est une alternative agile et rapide face à des procédures judiciaires longues, incertaines et très coûteuses, ce qui est crucial pour l’élu qui doit faire face aux contraintes budgétaires.

Deuxièmement, la médiation préserve la réputation. En optant pour le dialogue, l’administration améliore son image et démontre une gouvernance moderne et responsable.

Troisièmement, la médiation encourage une efficacité opérationnelle. La médiation permet de résoudre les tensions qui bloquent les équipes et d’améliorer les processus internes en se basant sur le retour d’expérience.

Au total, la médiation réduit les coûts financiers et humains, préserve les relations de travail et contribue au « bien-vivre ensemble » sur le territoire.

La méconnaissance du dispositif de la médiation est-elle un frein à son recours ?

La méconnaissance du dispositif de médiation est effectivement un frein à son recours, tant du côté des administrations que des agents.

Premièrement, un certain nombre d’administrations ignorent l’intérêt de la médiation. Les services des Ressources humaines (RH) ne savent souvent pas ce qu’un médiateur peut apporter, même si la collectivité a conventionné avec un centre de gestion pour ce service. Ce manque de formation et d’information empêche de voir la médiation comme un outil de gestion des conflits et de prévention des contentieux.

Secondement, des agents ignorent fréquemment l’existence de la médiation, même après avoir déposé un recours hiérarchique. Il est nécessaire de mieux faire connaître le dispositif pour en faciliter l’accès et le recours.

La médiation n’est pas seulement un outil de résolution, mais elle est aussi un outil de capitalisation et d’amélioration des pratiques. Les élus, les directeurs, les hauts-fonctionnaires peuvent s’appuyer sur les médiations pour identifier les causes profondes des conflits, proposer des ajustements réglementaires et ainsi prévenir leur récurrence. L’enjeu est de transformer la culture administrative en fournissant des preuves d’efficacité et en formant les équipes.

Quel est l’avenir de la médiation administrative ?

Un projet de loi sur la simplification de la vie économique, actuellement en commission mixte paritaire, pourrait élargir la place de la médiation administrative s’il est adopté en l’état. L’article 9 dudit projet vise à modifier le Code des relations entre le public et l’administration.

Premièrement, il opère une clarification terminologique. L’article 9 remplace les termes « conciliation et médiation » par le seul mot « médiation ». Cette uniformisation sémantique clarifie le rôle et le cadre de la médiation.

Deuxièmement, il envisage la généralisation du service de médiation dans certaines administrations et certains domaines qui seront précisés par un décret d’application. L’évolution la plus significative est la nouvelle rédaction de l’article L. 421-2. Il impose aux administrations de mettre à la disposition du public les services d’un médiateur. Cette mesure répondrait au besoin des directeurs d’administration de sécuriser les procédures et de fiabiliser leur gestion des litiges.

Troisièmement, l’article 9 crée un nouvel article L. 421-3 qui prévoit que les délais de recours contentieux sont interrompus par la saisine du médiateur. Pour l’élu et le directeur juridique, cela signifie que la médiation n’est plus une prise de risque mais une étape sûre pour explorer une solution amiable avant tout contentieux lourd et coûteux.

Loin d’être une simple réponse aux conflits individuels, la médiation pourrait devenir, encore davantage, un vecteur de transformation de la culture administrative. C’est un pas de plus vers une administration plus humaine, collaborative et efficace, répondant directement aux objectifs de performance et de bien-vivre ensemble des élus et des directeurs de l’administration.

Propos recueillis par Sandra Hervé-Crélot

Cliquez sur ce lien pour vous procurer cet ouvrage « La médiation administrative – l’humain au cœur de la cité ».

Textes de référence :

Posté le 24/09/25 par Rédaction Weka