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Médiation préalable obligatoire dans la fonction publique : une pérennisation relative

Publié le 30 mars 2022 à 13h00 - par

La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire pérennise la médiation préalable obligatoire. Néanmoins, les nouvelles dispositions prévues aux articles 27 et 28 de ladite loi sont désormais applicables après l’intervention du décret n° 2022-433 du 25 mars 2022.

Médiation préalable obligatoire dans la fonction publique : une pérennisation relative

Ce décret a pour objet la mise en œuvre de la procédure de médiation préalable obligatoire (MPO) dans la fonction publique. Ce texte n’est pas le seul qui permet aux agents publics de recourir à de la médiation. En effet, dans les litiges avec leurs employeurs, les agents publics ont la possibilité également de trouver un terrain d’entente par des médiations conventionnelles en dehors de toute procédure juridictionnelle (art. L. 213-5 du Code de justice administrative) et peuvent se voir prescrire une médiation par le juge pendant une procédure juridictionnelle (art. L. 213-7 du Code de justice administrative). La médiation préalable obligatoire est donc un troisième type de médiation coexistant avec les deux autres.

1. Les fermes modalités et délais d’engagement de la médiation préalable obligatoire

Il est obligatoire d’introduire une MPO dans le délai de recours contentieux. Ainsi dans le cas d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), la MPO précède celui-ci. En revanche, le délai de recours est inopposable si la MPO et ses modalités ne sont pas indiquées dans la décision litigieuse. La saisine du médiateur interrompt immédiatement le délai de recours contentieux. Ainsi le requérant doit seulement saisir le médiateur, tout en gardant la possibilité de mettre immédiatement un terme à la médiation. S’il n’y pas eu de MPO, le tribunal rejette par ordonnance la requête mais doit transmettre le dossier au médiateur compétent.

2. Les sept catégories de décisions faisant l’objet d’une médiation préalable obligatoire

La médiation préalable sera obligatoire lorsqu’un agent souhaitera contester les décisions administratives suivantes, qui étaient déjà celles expérimentées dans l’article premier du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux :

  • Décisions administratives individuelles défavorables relatives à l’un des éléments de rémunération mentionnés à l’article L. 712-1 du Code général de la fonction publique ;
  • Refus de détachement ou de placement en disponibilité et, pour les agents contractuels, refus de congés non rémunérés prévus aux articles 20, 22, 23 et 33-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et 15, 17, 18 et 35-2 du décret du 15 février 1988 susvisé ;
  • Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé mentionné au 2° du présent article ;
  • Décisions administratives individuelles défavorables relatives au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps ou cadre d’emploi obtenu par promotion interne ;
  • Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ;
  • Décisions administratives individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés en application des articles L. 131-8 et L. 131-10 du Code général de la fonction publique ;
  • Décisions administratives individuelles défavorables concernant l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d’exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés.

En cas de litige pour toute autre décision ou dans des situations comme par exemple le harcèlement, les agents ont néanmoins la possibilité de recourir à la médiation conventionnelle sur leur initiative ou de se faire prescrire une médiation judiciaire par le juge administratif.

3. La catégorie restreinte des agents concernés par la médiation préalable obligatoire

Seuls deux types d’agents doivent recourir à la MPO. Il s’agit, d’une part, des agents de la fonction publique de l’État affectés dans les services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et les établissements publics locaux d’enseignement du ressort de celles des académies qui figurent sur une liste arrêtée par le garde des Sceaux, ministre de la Justice et le ministre chargé de l’Éducation nationale. D’autre part, il s’agit des agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics ayant préalablement conclu, avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent, une convention pour assurer la MPO. Les centres de gestion communiquent aux tribunaux administratifs concernés la liste des collectivités ayant conclu une convention.

Cela signifie que tous les autres agents publics ne sont pas concernés par la MPO pour les sept décisions décrites ci-dessus. Ces agents peuvent trouver un terrain d’entente avec leurs employeurs par des médiations conventionnelles en dehors de toute procédure juridictionnelle (art. L.213-5 du Code de justice administrative) et peuvent se voir prescrire une médiation par le juge pendant une procédure juridictionnelle (art. L. 213-7 du Code de justice administrative).

4. Les médiateurs institutionnels en charge de la médiation préalable obligatoire

En ce qui concerne les agents du ministère chargé de l’Éducation nationale, il s’agira du médiateur académique territorialement compétent.

En ce qui concerne les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, la médiation est assurée par le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent ayant conclu avec la collectivité ou l’établissement concerné la convention de MPO. Ainsi, le représentant légal du centre de gestion désigne la ou les personnes physiques qui assureront, au sein du centre de gestion et en son nom, l’exécution de la mission de MPO.

Le décret du 25 mars 2022 reste muet sur les qualités attendues par les médiateurs et laisse une grande latitude aux rectorats et aux centres de gestion pour les désigner en leur sein. Gageons que les qualités attendues par ces médiateurs institutionnels vont se rapprocher de celles attendues, par exemple, pour des médiateurs nommés par les tribunaux administratifs. En effet, l’article R. 213-3 du Code de justice administrative estime qu’un médiateur doit posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise et justifier d’une formation ou expérience adaptée à la pratique de la médiation.

Dans la fonction publique, la médiation, peu importe qu’elle soit institutionnelle, juridictionnelle et conventionnelle, vise à construire l’harmonie car elle permet de sauvegarder la relation à long terme entre l’agent et son employeur public. La médiation, quel que soit le type, permet de rechercher la meilleure solution pour garantir des relations de travail apaisées et satisfaisantes pour l’agent comme pour l’employeur public dans l’intérêt de servir au mieux l’administré et l’intérêt général.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

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