Le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 avait mis en place une expérimentation de la médiation préalable obligatoire, dans certains litiges de la fonction publique et litiges sociaux, prévue par le IV de l’article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. L’objectif avoué était le désengorgement des tribunaux. L’article 34 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le décret n° 2020-1303 du 27 octobre 2020 modifiant le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux avaient reporté au 31 décembre 2021, la date limite à laquelle cette expérimentation prendrait fin, qui était initialement fixée au 18 novembre 2020. Lors des premières assises de la médiation administrative de décembre 2019, le Président Lasserre soulignait qu’il : « ne s’agit pas tant, par le développement de la médiation, de désencombrer les prétoires (…) il s’agit surtout de pacifier le règlement des litiges et de donner la priorité au dialogue »1.
Le Conseil d’État a rendu récemment un rapport sur le bilan de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire. La question des critères à l’aune desquels l’expérimentation pourrait être considérée comme un succès se pose nécessairement.
1. Le bilan statistique : des médiations rapides et des accords plus que majoritairement obtenus entre les parties
L’étude porte sur l’expérimentation, pendant la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2021, au sein du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et des centres de gestion de la fonction publique territoriale. Les résultats obtenus sont assez différents3.
Premièrement, les demandes de médiations préalables obligatoires sont plus nombreuses dans la fonction publique territoriale (832), par rapport à la fonction publique d’État (11 au ministère des Affaires étrangères et 151 dans le ministère de l’Éducation nationale). Cela a une conséquence sur le nombre de médiations préalables obligatoires engagées et effectivement traitées (11/11 au ministère des Affaires étrangères, 149/151 au ministère de l’Éducation nationale et seulement 414/832 dans les centres de gestion de la fonction publique territoriale). Dans ce dernier cas, la moitié des demandes ne sont toujours pas traitées.
Deuxièmement, les médiations préalables obligatoires durent de manière variable, mais la célérité de leur traitement est appréciable : 52 jours en moyenne au ministère de l’Éducation nationale, 90 jours en moyenne au ministère des Affaires étrangères et 70 jours en moyenne dans les centres de gestion de la fonction publique territoriale. La phase de médiation dure quelques mois seulement.
Enfin, le taux de réussite d’une médiation préalable obligatoire, correspondant au nombre d’accords obtenus par rapport au nombre de médiations préalables obligatoires, et est également variable. S’il est de 80 % dans le ministère des Affaires étrangères, le taux n’est que de 68 % au ministère de l’Éducation nationale et de seulement 52 % dans la fonction publique territoriale. En moyenne, près de 7 médiations sur 10.
2. Les pistes d’amélioration de la médiation préalable obligatoire
Premièrement, la médiation ne peut fonctionner que si les agents et l’administration le veulent bien. Ce qui est obligatoire est uniquement d’essayer la médiation, mais un médié qui ne souhaite pas continuer reste tout à fait libre de mettre un terme à la médiation. Il semble nécessaire de développer une culture de la médiation4, qui pourrait même devenir un droit pour les agents5. Cela nécessite des actions de formation pour bien faire connaître la médiation aux agents et aux administrations afin de bien différencier la médiation préalable obligatoire, d’un recours administratif préalable obligatoire. Les enjeux et la posture ne sont pas les mêmes. La médiation doit non seulement permettre à l’administration d’accepter de revenir sur sa décision, mais aussi que l’agent accepte véritablement d’entrer en médiation en y trouvant un intérêt personnel : réduire les coûts de justice, obtenir satisfaction plus rapidement, renouer le dialogue et trouver la paix sociale.
Deuxièmement, cela nécessite aussi de garantir que le médiateur soit formé et perçu par les deux parties comme légitime en ce qu’il est indépendant, impartial, diligent et disponible. Pour exercer de cette manière, il paraît indispensable que les médiateurs disposent des moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions.
Enfin, il apparaît important de faire preuve de pédagogie pour expliquer aux agents comme à l’administration que l’échec d’une médiation préalable obligatoire n’est pas nécessairement la fin d’un dialogue entre les parties. Celui-ci peut non seulement être renoué en phase précontentieuse par des médiations conventionnelles libres qui peuvent être engagées à tout moment, mais aussi une fois que le juge a été saisi.
Dans la fonction publique, la médiation est pertinente car elle permet de sauvegarder la relation à long terme entre l’agent et son employeur public en recherchant la meilleure solution pour garantir des relations de travail apaisées et satisfaisantes pour les deux parties. Non seulement, la relation n’est pas complètement rompue et ne se crispe pas si un contentieux est engagé, mais cela permet également de trancher rapidement un litige dans le cadre confidentiel.
Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public
1. Bruno Lasserre, « Premières assises nationale de la médiation administrative », organisée par le Conseil d’État le 18 décembre 2019, p. 4, (dernière consultation le 14 septembre 2021).
2. Conseil d’État, Expérimentation de la médiation préalable obligatoire (MPO). Bilan final, juin 2021.
3. Ibidem p. 3.
4. Ibidem p. 16.
5. Proposition faite par Me Hirbod Dehghani-Azar dans « Premières assises nationale de la médiation administrative », organisée par le Conseil d’État le 18 décembre 2019, pp 73-74, (dernière consultation le 14 septembre 2021).