Analyse des spécialistes / Fonction publique

Quelle qualification juridique pour la décision de mettre fin à une médiation préalable obligatoire entamée ?

Publié le 10 octobre 2023 à 15h30 - par

Un agent ne peut pas contester la légalité d’une décision prise par l’administration pour mettre fin à un processus de médiation préalable obligatoire. C’est la position prise par les 1re et 4e chambres réunies du Conseil d’État dans un arrêt n° 467834 en date du 2 octobre dernier1.

Quelle qualification juridique pour la décision de mettre fin à une médiation préalable obligatoire entamée ?
© Par Andrii Yalanskyi - stock.adobe.com

M. B…. était bénéficiaire du revenu de solidarité active depuis septembre 2018. Il a été convoqué devant la commission territoriale du revenu de solidarité active du Bas-Rhin le 5 juin 2019. Le président du conseil départemental du Bas-Rhin, par une décision du 17 juin 2019, a suspendu le versement à M. B… du revenu de solidarité active à hauteur de 80 % pour une durée de deux mois à compter du 1er juin 2019, puis à hauteur de 100 % pour une nouvelle durée de deux mois, puis l’a radié, de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active à compter du 1er octobre 2019, en raison de l’absence d’établissement du contrat.

Par une décision du 10 septembre 2019, prise sur le recours administratif préalable de M. B…, le président du conseil départemental du Bas-Rhin a confirmé cette précédente décision. Par un courrier du 2 mars 2020, le président du conseil départemental du Bas-Rhin a mis fin à la procédure de médiation préalable obligatoire (MPO) qui avait été engagée et a confirmé ses précédentes décisions.

Dans un jugement du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de M. B… dirigées contre ce courrier et ces décisions ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de la caisse d’allocations familiales du Bas-Rhin à lui verser le revenu de solidarité active à compter de juin 2019. M. B… se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Le Conseil d’État a annulé la décision du 18 mars 2022 du Tribunal administratif en ce que M. B… était fondé à demander l’annulation de la décision du 10 septembre 2019, confirmant la décision du 17 juin 2019. En outre, le Conseil d’État précise la nature de la décision par laquelle une administration met fin à une médiation préalable obligatoire engagée.

1. La décision par l’administration de mettre fin à une médiation préalable obligatoire ne fait pas grief et est insusceptible de recours

Le juge administratif a estimé qu’au regard de l’ensemble des dispositions de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux, « qu’en mettant fin à la procédure de médiation préalable obligatoire, l’autorité administrative ne peut être regardée comme prenant une décision susceptible de recours. Les conclusions dirigées contre cet acte doivent être regardées comme dirigées contre la décision initiale de l’autorité administrative ou, le cas échéant, la décision prise sur recours administratif préalable obligatoire »2.

Comme la Collectivité européenne d’Alsace n’avait pas opposé, en réponse aux conclusions de M. B… dirigées contre le courrier du 2 mars 2020 par lequel le président du conseil départemental a mis fin à la procédure de médiation préalable obligatoire, de fin de non-recevoir tirée de ce que ce courrier ne constituait pas une décision susceptible de recours, c’est le juge qui aurait dû le faire en informant les parties au préalable.

2. Une solution transposable aux médiations préalables obligatoires dans la fonction publique

Sans surprise, cet arrêt pourra tracer la voie en cas de médiation préalable obligatoire dans la fonction publique. Généralisée en 2022 pour certains actes et certains agents publics, la médiation préalable obligatoire a pour vocation de résoudre les litiges avant que le contentieux ne soit introduit. Elle vise notamment à pallier les faiblesses du dialogue entre l’agent public et l’administration au moment du dépôt des recours administratifs préalables et hiérarchiques. Dans chaque décision administrative visée par le décret du 25 mars 2022, notifié à l’agent, l’administration doit mentionner l’obligation de recourir à une médiation préalable obligatoire et indiquer les coordonnées du médiateur compétent. Faute d’avoir saisi le médiateur, la requête de l’agent devant le juge administratif sera irrecevable et rejetée par ordonnance, sauf si l’administration n’a pas fait mention des informations prescrites dans sa décision. Or, le terme obligatoire reste « exagéré »3. L’agent public, comme son employeur, peut interrompre le processus à tout moment. Dans le cas où ce sera l’administration qui mettra fin à une médiation préalable obligatoire, ce ne sera pas davantage une décision qui fera grief.

Dans la fonction publique, la médiation, peu importe qu’elle soit institutionnelle, juridictionnelle et conventionnelle, vise à construire l’harmonie, car elle permet de sauvegarder la relation à long terme entre l’agent et son employeur public.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. CE, 1re – 4e chambres réunies, 2 octobre 2023, n° 467834.

2. Ibidem, consid. n° 8.

3.Marie-Odile Diemer, « À propos de quelques confusions sur la médiation administrative », 14 octobre 2021, dernière consultation le 9 octobre 2023.

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