Analyse des spécialistes / Dialogue social

Quels syndicats pour l’assistance d’un agent public d’État pour l’exercice d’un recours administratif ?

Publié le 23 septembre 2022 à 9h20 - par

Dans la décision n° 2022-1007 QPC du 5 août 2022, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a admis que les syndicats non représentatifs peuvent assister un agent public d’État, dans le cas d’un recours contre une décision de mutation, d’avancement de grade et de promotion interne. Explications.

Quels syndicats pour l’assistance d’un agent public d’État pour l'exercice d'un recours administratif ?

Les articles 14 bis de loi de 1984 et L. 216-1 du Code général de la fonction publique (CGFP) ont ouvert le droit aux agents public de l’État de choisir un représentant désigné par l’organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l’exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles qui leur sont défavorables relatives aux mutations, à l’avancement de grade et à la promotion interne.

Un syndicat a introduit un recours car il reproche à ces dispositions d’interdire aux syndicats non représentatifs d’assister les agents publics de l’État dans l’exercice d’un recours administratif contre certaines décisions individuelles défavorables. Il en résulterait deux différences de traitement injustifiées, d’une part, entre les organisations syndicales représentatives et les organisations syndicales non représentatives et, d’autre part, entre les agents, selon qu’ils sont ou non adhérents d’une organisation syndicale représentative. Il estime aussi que ces dispositions rendraient moins attractive l’adhésion aux organisations syndicales non représentatives. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté syndicale. Le Conseil d’État a donc posé une QPC au Conseil constitutionnel.

Premièrement, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur a établi une différence de traitement entre les syndicats représentatifs et les autres en réservant au premier la possibilité d’être désigné par un agent afin de l’assister dans l’exercice d’un recours contre une décision de mutation, d’avancement de grade et de promotion interne. Or, selon le Conseil constitutionnel, le caractère représentatif ou non d’un syndicat ne détermine pas la capacité du représentant qu’il a désigné à assurer l’assistance de l’agent dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est contraire au principe d’égalité défini par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et des citoyens cité dans le préambule de la Constitution de la Ve République.

Deuxièmement, la question de la capacité pour un syndicat représentatif ou non pour assister un agent dans un recours pose débat. En effet, les syndicats représentatifs ont une légitimité non seulement acquise lors des élections professionnelles, mais aussi par des actions et la participation à des mouvements sociaux. Ils disposent de moyens beaucoup plus larges (et notamment avec des juristes rattachés aux syndicats, ressources juridiques mises à disposition de leurs militants et expérience des recours administratifs) que n’auraient un syndicat en création et développement. La différence de situation entre les syndicats représentatifs et les syndicats non représentatifs reste sur ce point assez établi et l’argument du Conseil constitutionnel peut être contestable. Néanmoins, ce dernier fonde sa décision en se plaçant au niveau de la liberté syndicale de l’agent public. Celui-ci reste libre d’adhérer au syndicat qu’il souhaite et même d’en créer un.

Troisièmement, en ouvrant cette possibilité d’assistance dans un recours administratif aux syndicats non représentatifs, le Conseil constitutionnel leur permet aussi de se former à  l’accompagnement des agents et de se faire connaître pour ensuite devenir représentatifs. Le but recherché dans cette décision est d’éviter les monopoles de l’assistance juridique par des syndicats dont la légitimité est acquise dès lors qu’ils sont représentatifs depuis longtemps.

Cette décision du Conseil constitutionnel favorise non seulement le jeu démocratique des élections professionnelles, mais aussi la liberté syndicale. En revanche, la portée de cette décision peut exacerber la compétition syndicale. Or, le dialogue social nécessite aussi un apaisement et une cohérence avec les textes pour que les syndicats puissent échanger avec les employeurs de manière apaisée et constructive, en surmontant leurs antagonismes pour œuvrer au respect de l’intérêt général, du bon fonctionnement du service public et du bien-être des agents publics.

Dominique Volut, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit public

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