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L’intelligence artificielle, rivale ou alliée d’organisations plus humaines ?

Administration

Face au bouleversement de l'intelligence artificielle générative qui touchera tous les métiers, et nécessitera de réinventer la valeur ajoutée humaine, les dirigeants territoriaux doivent s'atteler à repenser profondément leurs organisations, plaide Jean-Luc Caiveau, consultant et ancien directeur général de collectivité. Son constat : rien ne sera possible sans l'adhésion et l'implication des collaborateurs.

Les organisations privées et publiques sont en perpétuel mouvement. Nouvelles attentes, nouveaux besoins, environnement économique inflationniste, évolutions technologiques, innovations, transition écologique constituent autant de facteurs qui, parmi d’autres, vont influer sur les impulsions données par les décideurs publics pour adapter le service public. Demeure une préoccupation constante : apporter une qualité de service qui permette de satisfaire les besoins à des coûts acceptables tant du point de vue des usagers, que des contribuables. La responsabilité sociétale des organisations (RSO) constitue un nouveau point d’entrée pour ces objectifs.
Au fil du temps, les organisations tendent vers toujours plus de performance dans un cadre contraint. Les opérations tertiaires en volume se sont automatisées, informatisées. Les process, composés d’une succession de tâches à réaliser, sont scrutés afin d’éliminer les tâches inutiles, de simplifier celles qui sont chronophages tant pour l’administration que pour les citoyens. Les opérations sont traitées virtuellement. Les rationalisations et optimisations deviennent le centre d’attention des managers publics chargés de limiter le recours aux ressources humaines pour des travaux où l’intervention humaine n’apporte aucune réelle plus-value par rapport à la technologie.

Comment préparer l’avenir quand survient l’IA ?

L’intelligence artificielle générative va bouleverser le rapport à la valeur ajoutée humaine appelée à se réinventer. Dans ces conditions, comment les dirigeants territoriaux doivent-ils imaginer l’avenir de leur structure ?
De nombreux traitements seront bientôt exécutés sous une simple supervision humaine. Les délais de production vont s’en trouver considérablement modifiés et c’est bien toute l’organisation avec son cadencement qui sera affectée par ces changements, le rapport au citoyen qui sera reconfiguré.
Mais l’intelligence artificielle générative ne touchera pas que les tâches répétitives ou simples. Chaque métier disposera de « son » intelligence artificielle et les solutions seront adaptées à chacune des spécificités liées à la production.
Dans ces conditions, le recours réfléchi à l’intelligence artificielle pour tous les métiers constitue une des conditions de la performance publique. Pour autant, cela ne sera pas suffisant. Il sera nécessaire d’obtenir l’adhésion des collaborateurs à ces transformations en les y impliquant. Il s’agit d’un challenge nouveau pour les managers publics qui ont eu à cœur de bâtir des organisations avec la contribution de leurs collaborateurs afin que chacun se sente concerné par les évolutions nécessaires.

Une co-construction avec les collaborateurs

Ce processus de transformation des organisations publiques lié à l’IA fera l’objet d’une co-construction avec les collaborateurs eux-mêmes pour produire le futur cadre dans lequel ils seront fiers d’apporter leur savoir-faire. Ils se sentiront naturellement valorisés par une organisation agile, moderne, performante, porteuse de sens, davantage tournée vers les besoins des citoyens, davantage productrice de projets pour y répondre.
Lorsque ces projections, ces cadres seront établis, on donnera de la visibilité aux collectifs de travail et c’est essentiel tant on sait que la navigation à vue est anxiogène dans les organisations. Au-delà de la configuration de ces structures, l’impact individuel sera tel qu’il conviendra de s’assurer que chacun y trouve sa place. Insérer les collaborateurs au chausse-pied dans ces futures organisations présente un vrai risque si l’on ne prend pas davantage en compte une approche individualisée.

Modeler son organisation pour l’épanouissement de ses talents

Il s’agit de penser l’épanouissement des collaborateurs réorientés vers de nouvelles fonctions afin que ceux-ci puissent délivrer leur potentiel au bénéfice de la performance espérée.
Or cet épanouissement ne va pas de soi tant les transformations seront impactantes. Aussi, sera-t-il utile d’appréhender des solutions davantage individualisées pour les collaborateurs.
En premier lieu, et c’est déjà le cas aujourd’hui, les organisations publiques recèlent des talents discrets qui ne sont pas tous identifiés. On ne saurait parler de performance sans mener une politique de détection de ces talents dormants qui participeront à la transformation des organisations publiques.
Secondement, les collectivités publiques bien inspirées s’affranchiront davantage du caractère enfermant des processus de sélection traditionnels. Il s’agit d’oser l’expression des talents sur des fonctions à valeur ajoutée alors même que ces collaborateurs n’auraient pas fait leurs preuves au moyen du concours.
Cela s’accompagne d’un management qui saura guider ces évolutions. Ce management doit être incarné et correspondre à la personnalité des talents en place. Peu importe le style managérial, pour peu qu’il corresponde aux attentes et à la personnalité des personnes qui vont voir leurs fonctions évoluer.

Une approche mieux individualisée

Pour performer, ces talents doivent se sentir épanouis et donc cela passe par l’identification de leurs centres d’intérêts inexplorés. Intuitivement, qu’aiment-ils faire et comment ? Dans quel cadre apprécient-ils d’évoluer ? Et pourquoi ? On ne peut nier ce qui anime les collaborateurs pour imaginer leur futur dans une organisation.
Penser les organisations publiques à l’aune de ces considérations humaines constitue un défi tant les paramètres sont nombreux et tant le système a besoin que toutes ses fonctions soient assurées. Les organisations publiques ne peuvent se permettre de sureffectifs dans certains pôles ou encore des besoins non satisfaits. Pour autant, la prise en compte des besoins personnels des collaborateurs est aussi en mesure de contribuer à ces équilibres.
Ceci réinterroge naturellement la question des organigrammes qui, s’ils sont au service d’un fonctionnement optimal, doivent prendre également les qualités et centres d’intérêt de ceux qui font le service public. Et puisque les organisations seront bouleversées par l’intelligence artificielle, pourquoi ne pas y faire davantage appel pour une approche mieux individualisée au bénéfice des collaborateurs ?

Par Jean-Luc Caiveau(1), associé fondateur de TALENTS HUMAINS Associés – Nantes


(1) Après une carrière de directeur général d’intercommunalité et de ville, Jean-Luc Caiveau, administrateur général, conseille désormais les collectivités dans leur approche RH, mobilité, recrutement et managériale.

Posté le 25/04/24 par Rédaction Weka