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Former les candidats aux municipales : une nécessité démocratique, éthique et stratégique

Élus

À l'approche des municipales des 15 et 22 mars prochains, un enjeu reste dans l'angle mort du débat public : la formation des candidats aux élections. Être élu local ne s'improvise pas. Administrer une commune, quelle que soit sa taille, exige plus que de la volonté ou un engagement citoyen sincère. Cela suppose des compétences, la connaissance des enjeux territoriaux et une solide culture du milieu pour se repérer dans les méandres institutionnels, financiers et réglementaires.

Dans un contexte où l’action publique locale demande de plus en plus d’expertise (voire de professionnalisme) et où les attentes citoyennes se durcissent, la formation des candidats doit être considérée comme un pilier de la vie démocratique.

L’élu local, un rôle profondément transformé

Le temps du maire « de bon sens », gérant « en bon père de famille » ou de l’élu « spontané » a vécu. Longtemps, l’expérience de terrain, l’ancrage local et l’intuition politique ont suffi pour piloter une mairie dans un environnement alors encore relativement stable.
De nos jours, l’élu local occupe une position au carrefour de responsabilités diverses : il est à la fois stratège du développement territorial, gestionnaire des services publics, représentant de l’État, négociateur face aux acteurs privés, manager des équipes municipales et animateur de la vie démocratique locale, tout en devant composer avec un conseil parfois dissipé et des administrés intransigeants. Le tout dans un contexte où ses marges de manœuvre financières, comme le soulignent régulièrement les médias, se sont fortement restreintes.

Intercommunalité : le besoin de compétences spécifiques

Le constat est le même à l’échelle supra-communale, tout particulièrement en intercommunalité. En effet, l’intercommunalité, qui s’est imposée comme un échelon central de l’action publique locale, concentre désormais l’essentiel des compétences structurantes : développement économique, aménagement, mobilité, transition écologique, gestion des déchets, eau et assainissement… La gouvernance locale demeure toutefois délicate.
Les élus municipaux doivent jongler avec des règles de représentation complexes et des équilibres politiques souvent précaires. Pour eux, l’intercommunalité constitue à la fois un atout et une contrainte, parfois perçue comme un éloignement des lieux de décision. Évoluer dans ce contexte requiert des compétences spécifiques : savoir décrypter les jeux d’acteurs, construire des compromis, articuler les priorités communales avec la gestion des compétences intercommunales, le tout au service d’un projet de territoire stratégique. La maîtrise de ces mécanismes est donc essentielle.

Une culture de formation encore inexistante

Enfin, les enjeux, auxquels l’élu local doit répondre s’accumulent : climat, santé, mobilité, logement, sécurité… autant de questions transversales qui exigent vision, méthode, capacité à coopérer et à communiquer. Dans ce contexte, se former est une responsabilité. C’est la parade aux désillusions, aux erreurs et aux renoncements. C’est surtout le moyen de préparer les élus à assumer pleinement la charge de leur mandat.
En France, la loi prévoit un droit à la formation… mais seulement une fois élu. Le Code général des collectivités territoriales encadre, en effet, la formation continue des élus qui peuvent suivre des modules thématiques ou techniques. Mais aucun dispositif n’est prévu pour accompagner la formation en amont, au moment où des citoyens décident de se porter candidats, ce qui constitue un paradoxe saisissant : embarqueriez-vous dans un avion dont le pilote commence son apprentissage le jour-même où il s’installe au poste de pilotage ?
Certes, les partis politiques, associations d’élus, voire même des structures privées proposent des offres de formation mais il revient au(x) candidat(s) de faire le tri dans ces propositions et de trouver les moyens de financer un parcours. Face à cette situation, les candidats sans étiquette, les collectifs citoyens ou les « petites » listes locales restent souvent démunis. Cette carence renforce les inégalités d’accès au pouvoir local et pénalise la diversité démocratique.

Former pour éclairer, armer, inspirer

Former un candidat ne consiste pas seulement à lui apporter des savoirs théoriques et/ou des outils pratiques. Cela doit répondre à trois objectifs :

  • Éclairer : comprendre l’environnement institutionnel et juridique – rôle de la commune, de ses instances dirigeantes, responsabilité pénale des élus, rôle de l’intercommunalité, du PETR quand il existe, partage des compétences, finances locales, règles budgétaires et marchés publics…
  • Armer : acquérir des compétences en gestion, conduite de projet et du dialogue territorial – savoir manager une équipe d’élus et d’agents, coopérer avec les services et les instances représentatives du personnel, conduire des projets complexes, gérer des crises et des conflits.
  • Inspirer : nourrir une vision et une éthique de l’action publique – se positionner en tant qu’élu, réfléchir à sa responsabilité démocratique et à son rôle dans la fabrique du bien commun.
    Au-delà du savoir-faire opérationnel, la formation doit ainsi permettre aux futurs candidats et élus de saisir le sens et prendre la hauteur de vue nécessaires à l’exercice du mandat.

Des outils à inventer et à diffuser

Dans cette perspective, de nouveaux dispositifs pédagogiques voient le jour. La Fresque de l’engagement local, par exemple, constitue un outil collaboratif permettant aux candidats et élus d’appréhender l’écosystème territorial dans sa globalité. Elle aide à identifier les dynamiques locales, les leviers d’action, les acteurs impliqués et à concevoir collectivement un projet de territoire. Elle peut servir de support de formation accélérée pour une équipe en campagne ou lors de la prise de fonction d’une nouvelle majorité municipale.

Une exigence démocratique

Faire de la formation des candidats une obligation morale, et potentiellement légale un jour prochain, c’est renforcer la démocratie locale.
C’est un gage de probité : prendre la mesure des responsabilités d’un mandat en s’y préparant sérieusement, c’est respecter les citoyens et redonner de la crédibilité à la fonction.
C’est une garantie d’efficacité : se former permet d’anticiper, donc de mieux décider et d’éviter les erreurs coûteuses, politiquement comme financièrement.
C’est une question d’égalité : offrir à chacun, quel que soit son parcours ou ses réseaux, le même droit de se présenter au suffrage.
La démocratie locale est un bien commun fragile. Accompagner celles et ceux qui, demain, en seront les garants, c’est s’assurer de son avenir. Former les candidats, c’est sécuriser les mandats à venir, donner plus de chances de réussite à ceux qui les exerceront et de réalisation aux transformations qui s’imposent. Car c’est bien à l’échelle locale que se joueront les grands changements de demain.

Michael Restier, directeur de l’ANPP (Association nationale des Pôles territoriaux et des Pays) –
Territoires de projet

Posté le 15/10/25 par Rédaction Weka