Alors que Sébastien Lecornu a lâché du lest sur la retraite ou les finances de l’État, le PLF pour 2026 demande aux collectivités locales un effort de 4,7 Mds€ assez semblable à ce qu’exigeait François Bayrou. Ce n’est pas cela en effet qui lui coûtera sa place… Qu’en pensez-vous ?
Ne remettons pas en cause la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques, alors qu’elles reçoivent de l’État 153 Mds€ de flux financiers de tous ordres : compensations au titre des transferts de compétences, compensations des impôts locaux disparus, aides et dotations de l’État, y compris pour l’investissement (fonds vert, DSIL, DETR…).
Mais notons que l’effort demandé pour 2026 varie de 4,7 à 8 Mds€ selon le périmètre retenu. Tout d’abord, il me paraît disproportionné par rapport au poids réel des collectivités locales dans les finances publiques. En effet, selon l’Insee, les collectivités locales représentent en 2024 avec 262 Mds€ de dette, 8 % de la dette publique, soit 9 % du PIB, quand celle de l’État avec 2 757 Mds€ pèse 94,2 % du PIB. En 2024, le déficit des collectivités locales de 11,4 Mds€ pesait 6,7 % du déficit public des 170 Mds€. Ensuite, cet effort demandé n’est pas soutenable car il aura une conséquence préjudiciable sur la trajectoire des collectivités locales et notamment sur leurs investissements qui diminueront, comme lors de la baisse de la dotation globale de fonctionnement en 2014-217, du fait d’une baisse des recettes de fonctionnement entraînant une baisse de l’épargne brute. C’est une mauvaise nouvelle, alors qu’il leur faut, selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) investir 12 Mds€/an jusqu’en 2030 dans la mobilité décarbonée, les réseaux de chaleur, la rénovation énergétique de l’habitat, ceci pour respecter la stratégie nationale bas-carbone de la France. Enfin, cet effort devrait être prévisible – c’est-à-dire connu à l’avance de manière pluriannuelle – et juste entre collectivités locales, ce qui n’est pas le cas.
Mais il faut pour être juste, également noter en face des 4,7 Mds€ d’économies demandés : d’une part que les transferts de fiscalité au profit des collectivités locales sont eux en hausse de 3,8 Mds€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 et que d’autre part les 2 Mds€ du Dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) sont reversés pour partie. N’est-ce pas ?
Je tiens tout d’abord à ajouter aux 4,7 Mds€ les 1,3 Mds€ de hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ou encore les 530 M€ de baisse du fonds vert1, sans oublier des baisses diverses (fonds de l’Agence nationale de l’habitat et des agences de l’eau). Cela s’accentue donc par rapport à 2025 où la contribution demandée aux collectivités locales était de 2,2 Mds€. Or, on ne peut répéter indéfiniment la contribution de ces dernières alors qu’on leur demande de s’engager plus avant dans la transition écologique je l’ai dit, mais également de soutenir la croissance en berne et les acteurs du champ social.
Pour ce qui est du Dilico, il faut noter que le reversement serait désormais étalé sur cinq ans et conditionné à une dynamique des charges de fonctionnement qui doit être inférieure à l’inflation. Or, rien qu’avec l’augmentation des cotisations CNRACL et des charges de masse salariale, cette condition ne peut être remplie. Par ailleurs, 20 % des sommes prélevées seraient affectées à un fonds de péréquation entre collectivités locales. In fine, la quasi-totalité des collectivités locales ne retrouveront pas les 100 % initiaux. Sans oublier que l’État peut très bien décider plus tard de ne pas rembourser tout ou partie des sommes mises en réserve… On le voit avec la TVA qui devait compenser à l’euro près les impôts locaux disparus (taxe d’habitation, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et dont la dynamique a été gelée en 2025 et s’annonce plafonnée en 2026. La parole de l’État n’a désormais plus de valeur, elle n’est plus qu’annuelle, alors que les collectivités locales ont besoin d’une vision pluriannuelle. C’est pour cette raison que le Sens du service public demande une loi de finances spécifique aux collectivités locales, ce qui permettrait aussi d’aborder la question de leur autonomie fiscale. Notons au passage que le déficit de l’État est en partie dû aux suppressions d’impôts locaux qui n’ont pas été demandées par les collectivités territoriales.
Dans un contexte où le coût des normes pour les collectivités territoriales est estimé à 2,5 Mds€/an, le chantier normatif demandé par l’AMF ne constitue-t-il pas une source d’économies potentielle à ne pas négliger ?
L’engagement au nom de l’État avait été pris par François Bayrou, mais n’a pas été repris à ce jour par Sébastien Lecornu. Mais la temporalité n’est pas la même qu’un PLF. Les 4,7 Mds€ minimum de réduction des dépenses, c’est pour 2026 ; les 2,2 Mds€, c’était en 2025. Les économies qui seraient dégagées par une lutte contre l’inflation normative seront longues à obtenir, d’autant plus qu’il y aura débat sur l’opportunité des abrogations ou adaptations.
Frédéric Ville
1. En autorisations d’engagement et crédits de paiement, le fonds vert baisse de 2,27 à 1,74 Mds€ entre 2025 et 2026.
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