Après le succès des débuts en 2023, puis en 2024, la nouvelle mouture 2025 du fonds vert1 fait un flop, depuis l’ouverture des candidatures le 14 mars dernier. Pas étonnant quand on sait qu’il a réduit de plus de moitié à 1,15 Mds€ par rapport à 2024 et qu’il connaît des changements : défis prioritaires revus, nouvelles mesures (lire notre article « Fonds vert : plus que de la com’ ? »). Ni Bertrand Hauchecorne, secrétaire général adjoint de l’Association des Maires de France et maire de Mareau-aux-Prés (1 669 hab., Loiret), ni Christian Métairie, coprésident de la commission environnement de l’Association des Maires de France (AMF) et maire d’Arcueil (21 868 hab., Val-de-Marne), ni Guy Geffroy, président des Maires de Seine-et-Marne et maire de Combs-la-Ville (22 172 hab., Seine-et-Marne), ni Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne (162 207 hab., Rhône), ni Véronique Pouzadoux, coprésidente de la commission aménagement, urbanisme, habitat et logement de l’AMF et maire de Gannat (5 684 hab., Allier), qui ne sont pourtant pas des bleus, n’ont à ce jour sollicité le fonds vert.
« On n’a pas regardé le fonds vert : cela prend du temps »
Nicolas Laroche, responsable finances et fiscalité d’Intercommunalités de France, n’est guère étonné : « On n’a pas de retours terrain. Sur certaines enveloppes du fonds vert – maires bâtisseurs ou fonds territorial climat par exemple -, les modalités de répartition n’ont pas été clairement définies ». Autrement dit, avec trop de doutes et les incertitudes liées à la baisse des crédits, on n’y va plus ou on préfère aller chercher d’autres financements plus réguliers, mieux connus… ceci d’autant plus que désormais – ceci est à mettre au crédit de l’État – un dossier déposé pour une des dotations d’appui aux investissements locaux2 est systématiquement examiné au titre des autres dotations et vice-versa et que les calendriers de lancement des dotations se sont harmonisés. Notons par ailleurs que le cumul entre ces dotations est en théorie possible, quand cela est nécessaire à l’aboutissement d’un projet, mais que le financement d’un projet par une seule des dotations est préféré par l’État.
Bertrand Hauchecorne a lui mis la priorité sur la DETR pour son projet d’isolation et de rénovation énergétique de l’école : « On n’a pas regardé le fonds vert, car cela prend du temps ». L’élu a dû aussi privilégier la DETR comme pouvant lui apporter un maximum. Il a gagné son pari, venant d’obtenir 285 000 €, soit 35 % des 800 000 € HT du coût prévisionnel des travaux. Guy Geffroy a lui préféré la DSIL –« dossier plus simple déposé en mars dernier »- encore ici pour la rénovation énergétique de deux écoles : châssis de fenêtres à changer et passage de toutes les lumières classiques en leds. « C’est le préfet de département à qui le préfet de région d’Île-de-France a délégué judicieusement les affectations du fonds vert qui décidera s’il y a dans notre dossier des éléments qui relèvent ou non du fonds vert. Compte tenu de la raréfaction des dotations, cette simplification de notre rapport avec l’État est bienvenue ». Mais dans le Val-de-Marne, la préfecture n’a pas communiqué sur la possibilité de ne déposer qu’un seul dossier, selon Christian Métairie. Dans ce contexte encore incertain, certains travaillent encore à l’ancienne. Ainsi, Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (9 481 hab., Essonne), le seul de nos interlocuteurs à avoir déposé des demandes de fonds vert en 2025, l’une pour la rénovation énergétique d’une école maternelle et l’autre pour la végétalisation d’une cour d’école, a aussi déposé pour ces mêmes aménagements des dossiers DSIL et DSIL : « Je veux m’ouvrir tous les tiroirs possibles ».
« Nous connaissons nos dossiers prioritaires »
Globalement, les élus locaux ne sont pas emballés par les défis prioritaires du fonds vert ou par les trois nouvelles mesures. L’aide aux maires bâtisseurs pour les logements neufs ou les aménagements cyclables ? Dans les petites communes, on ne se sent pas concerné : « J’ai fait plusieurs lotissements avec logements sociaux, mais on passe alors par des bailleurs sociaux qui demandent eux-mêmes les aides. Pour les aménagements cyclables, je ne vais pas solliciter le fonds vert pour un abri-vélo… », observe Bertrand Hauchecorne. Christian Métairie est carrément exaspéré : « Nous, élus, connaissons nos dossiers prioritaires, dans l’intérêt commun et en prenant en compte les questions techniques, financières, d’usages. Nous partageons ces priorités du fonds vert, mais l’État doit nous faire confiance a priori, ne contrôler qu’a posteriori. De fait, le risque, c’est de ne faire que les projets pour lesquels on aura été retenu – parfois non prioritaires pour nous – ».
Vu le peu d’engouement actuel pour le fonds vert, il se pourrait que les dossiers étant moins nombreux, les financements par dossier soient plus importants, à moins que l’État ne rééquilibre par la fongibilité. Certains élus bien sûr ont prévu de le demander plus tard : c’est possible jusqu’au 15 décembre prochain. Ainsi Véronique Pouzadoux devrait le saisir en fin d’année pour un pôle de vie associatif à réaliser dans une ancienne école. Bertrand Hauchecorne le solliciterait lui à l’automne pour son projet de chaufferie par géothermie pour bâtiments municipaux et écoles : « Je verrai quelles aides solliciter : Ademe, Fonds vert ou DSIL… ».
La désillusion autour du fonds vert est finalement ressentie plus globalement par les élus, à l’image d’un Bertrand Hauchecorne – « le fonds vert devait marquer la transition écologique, il est passé au second plan » – ou d’un Jean-François Vigier, coprésident de la Commission Transition écologique de l’AMF : « Le rapport de l’Institut I4CE a rehaussé son estimation des dépenses des collectivités locales pour atténuer les effets du changement climatique à 19 Mds€/an entre 2024 et 2030. Avec le fonds vert qui n’était déjà pas à l’échelle… et qui baisse de moitié, avec le Plan national d’adaptation au climat élaboré sans concertation avec les collectivités tout en leur imposant des dépenses, on est mal parti… ». Finalement, ne faudrait-il pas regrouper toutes ces dotations en une seule ? Cela n’empêcherait pas de prioriser la transition écologique et simplifierait la gestion pour tous, ferait des économies… à réinvestir dans la transition écologique.
Frédéric Ville
1. Son nom exact est le Fonds d’accélération de la transition écologique.
1. DSIL, DETR, DSID, DPV, FNADT, Fonds vert.