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Logements abordables : le projet de loi très contesté

Logement

Pour nombre d’acteurs du logement, le projet de loi présenté début mai 2024 va aggraver les difficultés d’accès au logement social.

Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et son ministre délégué chargé du Logement ont présenté au Conseil des ministres du 3 mai 2024 le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables. Le texte sera examiné par le Sénat au mois de juin, puis à l’Assemblée nationale cet automne. Selon le gouvernement, ce projet de loi « permettra de produire plus de logements abordables pour les Français, que ce soit en location ou en accession, en donnant aux élus et aux bailleurs de nouveaux outils ».

Pas d’accord, rétorquent de nombreux acteurs du logement, dont l’UNCCAS et l’Unaf, qui critiquent vivement le texte. Le 24 avril 2024, le Conseil national de l’habitat (CNH), qui réunit des élus, des représentants de l’État, des professionnels et des usagers du secteur, a, pour sa part, voté un avis défavorable sur le texte.

Le projet de loi est structuré en quatre chapitres et quatorze mesures.

Offrir de nouveaux outils aux maires pour construire

Dans les communes qui manquent de logements sociaux mais s’engagent dans un contrat de mixité sociale, les maires pourront intégrer les logements intermédiaires dans les objectifs de production fixés dans le cadre de la loi du 3 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi SRU), prévoit l’article 1er du texte. « Pour mieux répondre aux besoins identifiés sur le terrain, ce projet fait confiance aux maires en leur accordant le pouvoir d’attribution des logements sociaux neufs », explique par ailleurs le gouvernement. En réponse aux difficultés d’accès au foncier, les élus pourront aussi plus facilement préempter des terrains pour construire des logements abordables.

Ce premier volet concentre les critiques les plus virulentes. L’article 55 de la loi SRU constitue « un dispositif majeur d’incitation à la construction de logements accessibles à tous, vecteur de mixité sociale et de l’accès au logement », rappelle l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) dans un communiqué du 3 mai 2024, en pointant « l’erreur majeure que serait le soutien du logement intermédiaire au détriment du logement social, déjà sous-doté et victime d’attaques répétées de la part de l’État ». Si l’intention initiale du texte était de faciliter la construction de logements et renforcer le rôle du maire, « il entend également réformer la loi SRU au seul bénéfice des communes faisant le choix politique de ne pas respecter la loi », s’indigne l’UNCCAS. À l’inverse, aucun soutien n’est apporté aux maires de bonne foi, qui doivent parfois composer avec des réalités urbaines, foncières et financières très contraignantes, ajoute l’Union. Et de préconiser : « luttons contre la crise, pas contre le logement social. » « C’est un cadeau aux villes qui ne veulent pas de ménages les plus pauvres ! », renchérit Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. L’assouplissement de la loi SRU « risque de désinciter davantage à la production de logements à prix accessibles aux ménages modestes et d’aggraver la pénurie. Bien que le logement locatif intermédiaire soit nécessaire, notamment dans les zones les plus tendues, cette alternative ne peut se substituer au rôle primordial du logement social, qui reste indispensable pour répondre aux besoins des familles en logements y compris très sociaux », a alerté l’Union nationale des associations familiales (Unaf) à la veille de la présentation du projet de loi.

Simplifier les procédures administratives pour produire plus vite

Le projet de loi vise à réduire les délais de recours de quatre mois, soit une réduction de près de deux tiers, assure le gouvernement. Il encouragera « la densification douce des zones pavillonnaires » et donnera aux maires le pouvoir de maîtriser cette densification. Le gouvernement entend également diminuer le nombre d’autorisations nécessaires pour les projets d’aménagement.

Libérer l’investissement dans le logement abordable

Grâce au projet de loi, les bailleurs sociaux pourront doubler leur production de logements intermédiaires, promet le gouvernement. Pour financer la production de logements sociaux, ils pourront aussi « plus facilement mobiliser les loyers à la relocation, dans le respect des plafonds nationaux, mais également diversifier leurs ressources par le recours à la copromotion ou à des activités en pied d’immeuble aux services des habitants », peut-on lire dans le compte-rendu du Conseil des ministres.

Les mesures relatives aux loyers inquiètent fortement la Fondation Abbé Pierre, qui s’oppose, notamment, à la possibilité de remonter les loyers des logements anciens au plafond du neuf à la relocation.

Faciliter l’accès au logement des Français

À travers le projet de loi, le gouvernement veut renforcer « la mobilité résidentielle, en tenant mieux compte de l’évolution des revenus et du patrimoine, pour que les logements sociaux soient occupés par ceux qui en ont vraiment besoin ». Il entend faciliter « l’accès au logement social de ceux qui travaillent, dans une logique de renforcement du lien emploi-logement ». Par ailleurs, le texte promeut l’accès à la propriété.

Dans ces conditions, que vont devenir les familles qui ne seraient plus éligibles au logement social et contraintes de le quitter, alors qu’elles n’auront pas de solution pour se reloger dans un contexte de grave pénurie de logements locatifs privés et de grande difficulté à accéder à la propriété, interroge l’Unaf. « De plus, la sortie des HLM des familles qui paient les surloyers va à l’encontre de la notion essentielle de mixité sociale, garante de la cohésion sociale », plaide l’Union nationale des associations familiales.

Insistant sur les insuffisances du projet de loi, l’Unaf réclame « une politique de mobilité résidentielle ambitieuse », basée sur des mesures agissant sur tous les maillons de la chaîne du logement, à savoir :

  • construire davantage de logements sociaux et faire appliquer la loi SRU ;
  • développer l’offre locative privée à prix encadrés ;
  • redynamiser l’accession à la propriété.

« Sans ces mesures, la mobilité au sein du parc HLM sera compromise et pénalisera les classes moyennes sans répondre aux besoins des 2,6 millions de foyers en attente cruelle d’un logement, est convaincue l’Unaf. Face à l’ampleur de la crise du logement et à son impact pour les familles, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux pour développer l’offre de logements à prix accessibles. Il risque même d’aggraver les difficultés rencontrées par les familles ».

« Alors que le projet de loi n’apporte pas de réelles réponses au  financement de la production et de la rénovation des logements sociaux », l’UNCCAS appelle, quant à elle, le gouvernement et les parlementaires à « agir avec pragmatisme pour accompagner le bloc communal et avancer avec lui pour “délivrer” des logements accessibles à tous ».

Posté le 06/05/24 par Rédaction Weka