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L’INJEP présente sa seconde évaluation des cités éducatives

Éducation

Le gouvernement veut faire de 2024 une année charnière pour l’ancrage territorial des Cités éducatives.

Les Cités éducatives, qui englobent 400 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) « à haute valeur éducative » vante le gouvernement, ne sont pas une franche réussite, estime l’INJEP à l’issue de sa seconde évaluation du dispositif, publiée en mars 2024. Dans les 200 Cités éducatives existantes, « les effets bénéfiques de la démarche sont visibles, plaide au contraire le gouvernement. Après plus de trois années de mise en œuvre, la plus-value attendue de la démarche s’incarne de façon concrète dans ces territoires : diagnostics partagés du territoire, création de projets stratégiques concertés, substitution d’une logique de projet à une logique de dispositifs ou encore une meilleure prise en compte, en les articulant entre elles, des différentes dimensions du développement du jeune (scolarité, santé, éducation, culture, sports…) avec une approche pluridisciplinaire des parcours éducatifs. » L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) se montre moins enthousiaste !

Mises en place depuis 2019, les 200 Cités éducatives actuellement labellisées visent à réduire l’inégalité des chances devant l’école et à renforcer le potentiel de réussite des jeunes et des enfants des QPV. Chaque Cité éducative est dotée de moyens humains et financiers, afin de coordonner les acteurs et espaces éducatifs et de mobiliser l’ensemble des « forces » du territoire, institutionnelles, politiques, civiles et économiques. Le programme des Cités éducatives, qui vise à constituer et faire vivre des « alliances éducatives » locales, s’inscrit donc au croisement de la politique de la ville et des politiques éducatives, des questions scolaires et territoriales.

Mandaté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui pilote le dispositif avec la Direction générale de l’enseignement scolaire, l’INJEP contribue à l’évaluation nationale du programme des Cités éducatives. Ses travaux visent à rendre compte de la variété des actions développées, des dynamiques à l’œuvre et des effets sur les parcours des jeunes. La seconde évaluation réalisée par l’INJEP porte sur les 80 premières Cités éducatives labellisées. Elle s’étend de juillet 2021 à juin 2023 et s’articule autour de trois thématiques centrales du programme : la mise en œuvre de la continuité éducative et ses effets sur le parcours des enfants et des jeunes ; les parcours d’orientation, d’insertion et de formation pour les 11-25 ans ; la place des familles dans les coopérations éducatives.

« Si l’évaluation, de nature essentiellement qualitative, ne statue pas sur l’efficacité du programme et ne propose pas de mesure d’impact des effets sur les parcours des usagers, elle permet d’identifier les difficultés ainsi que les conditions de réussite du programme », explique l’Institut. Le caractère globalisant du programme, touchant de nombreuses dimensions, associé à des définitions et des objectifs larges, sans prioriser d’attentes spécifiques au niveau national, a pu déstabiliser une partie des territoires, observe-t-il. « Ces derniers craignent de ne pas répondre à toutes les attentes nationales et ne s’autorisent pas toujours à prioriser les actions en fonction des ressources et du contexte local ».

L’INJEP constate « une mise en œuvre partielle de l’alliance éducative. » Selon son évaluation, les principales plus-values du programme résident dans une plus grande mobilisation de l’Éducation nationale dans les instances de pilotage des politiques éducatives, ainsi que dans un renforcement des partenariats existants. De fait, la constitution de l’alliance éducative rencontre des difficultés de plusieurs ordres : les territoires peinent à construire des approches territoriales ; des acteurs institutionnels centraux ne sont pas toujours présents dans les instances de pilotage ou leur implication a pu rester secondaire ; les partenariats ne sont pas exempts de rapports de force ; la mobilisation de la société civile (parents et associations notamment) au niveau de la gouvernance, ainsi que celle des acteurs de terrain, reste très partielle…

Si des actions nombreuses sont menées dans les Cités éducatives, celles-ci peuvent manquer d’ampleur, poursuit l’INJEP. Au niveau des 80 premières Cités, l’Institut pointe aussi « la très forte hétérogénéité des thématiques d’actions proposées. » La variété des thématiques traitées « peut affaiblir la cohérence de l’offre. » Résultat : « l’offre éducative n’a pas encore connu d’évolution qualitative majeure, conclut l’INJEP. L’offre a pu être étendue, mais les registres d’action, les manières d’aborder et de répondre aux besoins identifiés restent globalement semblables à ce qui pouvait se faire précédemment. » En conséquence, les effets sur les parcours des jeunes et des élèves, « potentiellement multiples », s’avèrent « donc difficiles à mesurer ».

Au terme de son évaluation, l’INJEP a identifié plusieurs facteurs susceptibles d’améliorer le déploiement des Cités éducatives. Au programme :

  • une priorisation plus assumée et des actions de plus grande ampleur ;
  • des essaimages à penser à partir d’un cycle expérimentation-évaluation en continu ;
  • des ressources en ingénierie suffisantes ;
  • l’organisation régulière d’instances de travail opérationnelles et/ou de temps d’échanges entre professionnels de terrain ;
  • une communication globale sur la Cité et sur ses réalisations ;
  • des formations interprofessionnelles ;
  • un accompagnement renforcé sur des dimensions centrales du programme.

« C’est à travers ces différents appuis que le programme est susceptible de pouvoir renforcer sa plus-value, à la fois en matière d’amélioration qualitative de l’offre éducative, de réponse aux besoins et in fine d’impact sur les parcours des bénéficiaires », assure l’INJEP.

Même si l’évaluation de l’INJEP n’apporte pas la preuve d’une réussite indiscutable du dispositif, le gouvernement est convaincu de sa pertinence. Annoncée par le président de la République en juin 2023, le Comité interministériel des villes (CIV) du 27 octobre 2023 a officialisé la généralisation progressive du label des Cités éducatives à l’ensemble des QPV dans les territoires volontaires d’ici la fin du quinquennat. « 2024 ouvre ainsi une possibilité pour les collectivités, associées aux préfectures et aux rectorats, de mettre en place des alliances éducatives locales pour mener collectivement des actions novatrices en faveur des enfants et des jeunes au sein des QPV de leurs territoires », a promis le gouvernement début avril 2024.

Avec la nouvelle géographie prioritaire et les contrats de ville « Engagements quartiers 2030 », le temps de l’expérimentation du label des Cités éducatives est désormais terminé. Pour le gouvernement, 2024 est « une année charnière pour l’ancrage territorial des Cités éducatives ». Cette année marque le début du renouvellement des 200 Cités éducatives créées depuis 2019. L’instruction du 9 novembre 2023 a précisé les conditions de renouvellement du label pour les 126 Cités éducatives lancées en 2019 et 2021. Les Cités éducatives labellisées en 2022 qui souhaitent être renouvelées commenceront, quant à elles, le processus à partir de cet été. Les 126 premières Cités éducatives à être renouvelées en mars 2024 couvrent dorénavant 234 QPV, leur renouvellement ayant permis d’intégrer 87 QPV supplémentaires. À cette occasion, près de 4 millions d’euros supplémentaires leur ont été attribués.

La coordination nationale des Cités éducatives (ANCT/DGESCO) organisera tout au long de l’année de nombreuses rencontres avec les territoires intéressés par la labellisation pour échanger sur leurs besoins, les informer sur le contenu et l’intérêt localement d’une Cité éducative, et préciser les attendus du dossier de candidature. L’appel à candidatures est ouvert sur les deux années 2024 et 2025. Contrairement aux précédentes phases de labellisation, aucune date limite de dépôt n’est fixée, laissant ainsi aux territoires candidats et à leurs partenaires le choix de déposer leur dossier « au fil de l’eau », dès lors qu’ils estiment avoir répondu aux attendus du présent appel à candidatures. La coordination nationale des Cités éducatives organisera régulièrement des sessions de labellisation sur la base des dossiers instruits.

Posté le 26/04/24 par Rédaction Weka